Dans
la nuit des temps fut l'une de mes premières lectures de SF jeune collégienne, aux côtés de Fondation d'
Asimov que je viens de relire et de Dune de
Frank Herbert que je relirai cet été. Mais les années passant, je n'en gardais que le vague souvenir d'une superbe romance sous la glace. Il était donc temps de le relire. Cette petite merveille après avoir soufflé la jeune lectrice que j'étais a également soufflé la lectrice plus chevronnée que je suis devenue.
J'avais peur en relisant ce titre estampillé "classique" de la SF, de tomber soit sur une plume datée, soit sur une narration ampoulée. Ce ne fut absolument pas le cas. le style de
Barjavel est intemporel, tout comme les sujets qu'il traite dont on peut trouver l'inspiration dans bien des titres ayant traversé les siècles avec succès.
La nuit des temps se présente comme le récit de scientifiques ayant fait une énorme découverte : un possible signal venant des vestiges d'une civilisation défunte, éteinte à une époque où elle n'aurait pas dû exister puisque l'homme, selon toute vraisemblance, n'existait pas alors. Il n'en faut pas plus pour poser un mystère qui me captivera de bout en bout.
En suivant les membres de l'expédition, nous participons de ce fait à l'aventure,
René Barjavel ayant eu la riche idée de nous faire suivre celle-ci comme si on en lisait tantôt les rapports ou comme si on y participait nous-mêmes. Cela donne une narration vraiment entraînante et captivante pour peu qu'on aime les récits d'aventure, de quête ou d'archéologie et autres dérivés.
Au fil des pages, nous suivons les découvertes fascinantes des scientifiques sur cette ancienne civilisation qui n'aurait pas dû exister. C'est passionnant ! L'auteur utilise de nombreux thèmes devenus des tropiques de la SF mais avec une simplicité et une justesse magistrale. Alors certes, il ne faut pas s'attendre à une grande rigueur scientifique sur l'ensemble des points mais l'ensemble est suffisamment cohérent pour être crédible.
Surtout, l'auteur s'inspire de mythes et histoires connues pour bâtir son récit comme l'Atlantide ou Romeo et Juliet, ce qui confère de suite au récit une atmosphère très particulière et singulière. Intégrer des éléments aussi classique dans de la SF telle que celle-ci est assez génial, surtout pour l'époque et de nos jours, j'ai trouvé que ça n'avait pas du tout vieilli.
Il faut dire que comme pour suivre ce récit, nous nous mettons dans les pas d'un jeune scientifique tombé amoureux de celle qu'il doit étudier, cela donne une belle dimension tragico-romantique fort séduisante. Car en effet, le signal entendu amène les scientifiques à une découverte majeure, celle d'un couple ayant vécu il y a plus de 900 000 ans et summum de la joie, ils parviennent à en réveiller la femme.
Celle-ci, Elea, est un personnage qui fascine aussi bien par sa beauté que son caractère. Elle est tel un faon qui vient de naître, on doit tout lui apprendre, et pourtant elle vient d'une civilisation terriblement avancée qu'elle va nous permettre de découvrir. J'ai adoré le principe de la narration nous permettant de découvrir son monde à travers son regard tout sauf objectif. On sent d'emblée que cela va mal finir et ce récit se fait avec ce compte-à-rebours en tête, entre fascination et peur de cette échéance.
A cela, l'auteur a ajouté une magnifique histoire d'amour, qui m'avait marqué adolescente et me marque encore, mais plus part son dénouement que de par son développement, que j'ai trouvé un peu simple, mièvre et rapide. J'ai eu beaucoup de mal avec l'amour inconditionnel et aveugle d'Eléa pour Païkan, qui faisait très naïf et un peu artificiel. Mais je me dis que cela tient aussi avec la vision que l'auteur donne d'Eléa à travers le regard de son narrateur qui la voit comme une jeune enfant.
En tout cas, j'ai vraiment adoré le rythme du récit, son ambiance dans les calottes glaciaires, son esprit d'aventure presque à la Indiana Jones, ses découvertes scientifiques et son récit à la façon mythe de l'Atlantide où l'on découvre une civilisation avancée disparue. Tout était parfaitement calibré et agencé et cela se lisait tout seul. La fin fut vraiment intense et marquante avec un beau twist qui raccroche le titre à l'actualité de l'époque d'écriture (c-a-d La Guerre Froide).
Barjavel a vraiment écrit un très beau classique, qui se déguste comme on le fait quand on regarde de vieux films de SF qu'on trouve tout aussi bien calibré dans leur simplicité. C'est un récit vraiment efficace qui mérite d'être qualifié de classique et qui est une belle porte d'entrée dans le genre pour les jeunes lecteurs amoureux auparavant de récits d'aventures peut-être plus historiques. En tout cas, je ne regrette absolument pas cette relecture qui confirme mon coup de coeur d'autrefois.