Ravage est un roman que
Barjavel a écrit en 1942 ; il a été publié en 1943. Bien loin des préoccupations de son temps (la Guerre) de prime abord, l'écrivain nous plonge dans un récit futuriste très pessimiste et qui s'avère bien faire écho à certaines préoccupations du milieu du XXe siècle.
Nous sommes en 2052 et, alors qu'une catastrophe est imminente, voilà qu'une autre, inattendue, s'écrase sur Terre de façon assez littérale. En effet, la planète se retrouve tout d'un coup dépourvue de la moindre électricité (sauf les corps humains et animaux) et tout le monde se retrouve alors plongé dans le noir, sans moyen de créer un peu de fraîcheur (l'histoire se déroule lors d'un long été caniculaire), et les véhicules ne freinent plus, les parachutes des avions, ne pouvant plus voler, ne s'ouvrent pas et les engins volants tombent, s'écrasent, les gens paniquent, etc. le drame est là.
Notre héros, François (quel nom bien français! cela a une importance certaine, je trouve), est un jeune homme d'une petite vingtaine d'années. de passage à Paris pour chercher ses résultats d'examen à un gros concours, il en profite pour voir son amie d'enfance, la belle Blanche, pleine de pureté, à la voix magnifique. Mais Blanche se lance dans la chanson et se fiance avec son manager ; rien de tout cela n'est pour plaire à François qui sait que lui et Blanche sont destiné·es – et d'ailleurs, dans leur village natale, tout le monde est de son avis. Alors, quand l'apocalypse se met en branle, le brave homme est bien décidé à sauver son aimée de la catastrophe et de ce monde de richesses voué au néant. Il n'est pas sans idée : dans le sud de la France, d'où lui et Blanche viennent, les gens sont réfractaires aux technologies et continuent à labourer leurs champs avec des charrues tirées part des chevaux, les gens continuent à cultiver céréales et légumes en pleine terre. Pour se faire, Blanche étant en plus atteinte d'un mal étrange, apparu suite à la disparition de l'électricité, notre héros décide de constituer un petit groupe qui s'entraidera et dont il sera le chef.
Introduction terminée ! C'était long mais il était important pour moi de mettre tout cela en place pour mieux vous parler de
Ravage.
Ce livre, vous l'aurez probablement deviné, critique l'industrialisation du monde, met en garde contre le danger des technologies, la dépendance que celles-ci peuvent créer… Ce n'est pas du tout amené de façon subtile puisque c'est le coeur de l'apocalypse ; le fait que ce soit un roman d'anticipation accentue l'évidente dénonciation, mais il faut dire aussi que
Barjavel nous fait bien comprendre que le travail = la force, les technologies = la faiblesse. Qu'importe, cela a un certain charme désuet, malgré les gros sabots utilisés pour mettre l'intrigue principale en place : la survie, le voyage vers des terres gardées de toute technologie. Tout cela, c'est une partie très chouette du roman. Pour le reste, j'en ressors globalement très déçue.
Dès le début de
Ravage, on note quelques points sexistes et racistes. J'ai bien sûr remis dans le contexte de l'époque, me disant que le livre a été écrit en 1942, ce n'est donc pas étonnant. Sauf que plus l'histoire avance, plus l'histoire est sexiste (et moins raciste puisqu'il n'est plus question des méchant·es Noir·es – d'ailleurs, des Noir·es, il n'y en a pas dans cette France du XXIe siècle).
Ravage est un roman d'anticipation, fortement emprunt du pessimisme de son auteur, mais c'est surtout une réécriture (partielle) de la Bible (l'exode, la fin que je ne peux pas dévoiler ainsi mais bon, je vous donne tout de même le titre de la dernière partie : « le patriarche ») et la conclusion du roman, grosso modo, c'est « travail, famille et Dieu » ; les hommes doivent travailler aux champs, les femmes doivent être fécondées et nourrir leur progéniture, et Dieu, c'est celui qui a aidé notre bon François. Je vous mets quelques citations sur mon blog, pour vous faire une idée (il faut les surligner pour les lire, comme ça aucun risque de divulgation involontaire!).
Concernant l'impression générale, si on enlève tout cela, j'ai trouvé
Ravage très étrange, frôlant parfois l'absurde. Je pense au vieux ministre qui, suite au cataclysme, se met en tête de descendre de la tour et ça n'en finit pas, perdant totalement le pauvre homme. Surtout, je pense à l'hôpital psychiatrique dans lequel notre groupe de survivant·es fait une pause. Je n'ai toujours pas compris l'intérêt de ce passage et, même s'il est vrai que tout ne doit pas nécessiter un intérêt, ce n'est juste, pour moi, qu'un événement pour accentuer le côté biblique du récit. C'est vraiment très particulier parce qu'il y a pourtant des réflexions intelligentes, qui côtoient des passages loufoques, et ça a terminé, pour moi, par ressembler à un amas d'idées entassées indifféremment, sans logique si ce n'est la chronologie des faits. Pour le coup, je ne saurais dire si j'ai aimé ou non cela tant c'est embrouillé dans mon esprit, qu'il y a des ressentis contradictoires en moi.
Il y a tout de même quelques points positifs dans
Ravage : c'est bien écrit et la psychologie des personnages secondaires, quoiqu'elle puisse parfois être grossière, est pertinente en cette période de panique, ou les protagonistes perdent leur vie, leur famille, leurs repères… Toutefois, cela m'a rendu François encore plus antipathique.
Ravage est donc pour moi une déception. Je ne m'y attendais pas car j'avais aimé
La nuit des temps et, hélas, ce ne sont pas les deux points positifs que j'ai trouvé à
Ravage qui sauvent ce roman. Je ne doute pas qu'il puisse plaire à certaines personnes mais, si vous suivez mes conseils de lecture, fuyez le
Ravage.
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