Je ne sais pas ce qui m'a captivée dans ce livre que j'aurais dû laisser tomber en le découvrant si sordide...
Je l'ai choisi en pensant lire une autre version de "La cicatrice" mais c'est en fait l'histoire d'un "enfant du placard".
Parce que sa mère le trouve monstrueux, à cause d'un bec-de-lièvre, Antoine est livré à lui-même sans affection, depuis tout petit, rejeté par les compagnons successifs qui partagent leur appartement. Seule sa petite soeur, Anna, princesse choyée, même après que son père a disparu (avant sa naissance en fait), l'aime, le cajole et recherche sa présence rassurante. Et Toine le lui rend bien, l'adorant et la choyant comme la plus belle merveille de sa vie.
Lorsque le récit débute, le garçonnet ne vit plus qu'avec sa mère et son compagnon du moment, Patrice, alcoolique et violent, qui le traite comme une bête et rêve de le tuer... et à défaut le cache dans un placard étroit, dans le noir, qui tétanise le garçon de peur.
Toine se raconte, entremêlant son quotidien d'horreur de souvenirs qui l'aident à tenir dans la solitude du placard : son "ami" Paulus, sa Grand-Mère qui l'a sauvé quelques temps avant de mourir, Joseph et le Coulant, deux SDF, la sculptrice près du canal...
C'est un livre étrange, avec une belle écriture très poétique dans les propos de Joseph et sans doute un texte qui parle de résilience.
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Un soir, il a dit : "On va l'appeler Bus. Et tu sais pourquoi ?" Ma mère ne savait pas. (...)
Patrice a expliqué en riant : "Parce qu'il est trop laid."
ma mère n'a pas compris à cause de la Cocotte-Minute. Elle venait de démarrer, et la vapeur commençait à agiter le bouchon. Il a répété plus fort : "Parce qu'il est trop laid." Ma mère a haussé les épaules. Elle ne comprenait toujours pas. Il s'est énervé : "Trop laid, bus, tu comprends ? trolleybus ?" (p.12-13)
Les gens lui demandaient si c'était l'alcool qui se transformait en mots ou les mots qui avaient besoin d'alcool. Le vieux répondait que les deux coulent et s'oublient, se frelatent, étranglent ou réchauffent. (p.191)
Grand-mère disait : « Tu ne ressembles pourtant pas à ta mère. D’où tu tiens cette figure-là ? » Je ne savais pas. Peut-être de mon père, mais, mon père, personne n’en parlait.
Quand je lui posais la question, Grand-mère haussait les épaules : « Ne perds pas ton temps à chercher un moins que rien. Tu es là et tu es comme tu es. Tête d’ange ou bec-de-lièvre, le bon Dieu a ses raisons. Il faut faire avec. » (p.21)
Les mariniers sont des prisonniers. Ils montent et descendent le courant et passent leurs vies entre deux quais. la nuit, ils s'attachent, et, le jour, ils avancentsans quitter la berge des yeux. Dès qu'ils se croient libres, une écluse les arrêt et, quand ils arrivent à la mer, ils doivent faire demi-tour. Leurs péniches ressemblent à des cercueils. Ils les lestent de sable pour étouffer leurs rêves. (p.63)
En fait, c'est peut-être pour cela que j'étouffe. Je n'arrive pas à m'échapper, ma peau est une prison parfaite. Enfin, presque. Au fond, je te ressemble. Tu portes mon âme sur ton visage, et je porte la tienne sur mon corps. (p.119)
[
Pascal Basset Chercot]
Entretien avec
Pascal BASSET CHERCOT à propos de son livre "Toine,
mémoires d'un enfant laid" (aux éditions Calmann Levy).Il parle de l'histoire de son livre, du personnage principal, un enfant rejeté, de son
enfance, de ce qui l'a inspiré et d'une
anecdote du livre.