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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Les Labdacides de Bauchau ne sont plus de simples outils au service de la tragédie. Complexes, emplis de paradoxes et de faiblesses, ils se battent plus contre eux-mêmes que contre les dieux ou le destin.
Antigone la révoltée, Polynice le solaire, Etéocle le mal-aimé, la pédagogue Ismène, Oedipe le sage aveugle, Créon, Jocaste, Hémon…
De simples noms aux yeux de certains, mais des figures hautes en couleur, psychologiquement tourmentées et grandiosement dépeintes par la plume de l'auteur, qui ose faire d'une pièce un roman d'analyse.
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Pour ceux qui ne sont pas familiers avec la mythologie, Antigone est la fille incestueuse de Oedipe et Jocaste, souverains de Thèbes. Après avoir découvert la vérité, sa mère se suicide et son père se crève les yeux avant de s'exiler de la cité. Antigone passera alors de nombreuses années à guider son père devenu aveugle dans sa vie de mendiant. Au début du roman, elle revient à Thèbes à la mort de son père pour essayer de mettre fin à la guerre fratricide que se livrent ses deux frères Polynice et Étéocle pour le trône de Thèbes.

J'ai toujours aimé les mythes et j'ai passé de nombreuses heures de lecture autour des légendes grecques. Ce sont toujours des récits épiques, entachés de trahisons et de drames, la plupart du temps anticipés et inévitables, les rendant tragiques. J'ai retrouvé cette atmosphère dramatique dans le livre d'Henry Bauchau puisque, encore une fois, rien ne semble pouvoir arrêter le destin.

Mais au-delà de l'histoire en elle-même, ce sont bien les qualités intrinsèques à l'oeuvre de Bauchau qui m'ont bouleversée. L'histoire d'Antigone permet en effet à l'auteur de dresser un portrait de femme de toute beauté. Sous sa plume, Antigone est puissante, dissidente, d'une volonté de fer, d'une sensibilité de feu, une héroïne éclatante. Les autres personnages sont également bouleversants, comme les frères jumeaux Polynice et Étéocle, tragiques dans leur rivalité teintée d'une affection inaltérable, infernaux dans leur entêtement malgré le drame inévitable qui s'annonce. Bauchau donne également vie à une Ismène toute en nuances dans le mélange d'amour et d'opposition qui l'unit à sa soeur, lui donnant une puissance différente d'Antigone mais tout aussi ardente.Quant à Thèbes, l'imposante cité royale qui est le théâtre des évènements, il en fait un personnage à part entière, aussi accueillante que dévorante dans sa cruelle exigeance de richesses.
L'écriture d'Henry Bauchau est d'une poésie folle et certains chapitres bouleversants d'émotions (je pense par exemple au passage de l'élaboration des sculptures) font de la lecture d'Antigone une expérience sensorielle et intellectuelle intense.

Il me reste donc à vous conseiller à mon tour de vous plonger dans Antigone, un superbe roman qui m'a donné envie de lire d'autres oeuvres d'Henry Bauchau.
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Antigone est l'héroïne du Théâtre grec qui me fascine le plus : Antigone est la femme qui dit NON! Celle qui le crie. C'est aussi la fille d'Oedipe qui l'a guidé, aveugle sur les chemins De Grèce, qui a mendié pour lui. Fille de Roi, de Reine, mendiante.  

Antigone de Sophocle a inspiré de nombreux écrivains et metteurs en scène. C'est la tragédie la plus impressionnante, jouée chaque fois dans un  paroxysme de l'Histoire. La version qui m'a impressionnée le plus est celle de Adel Hakim jouée par le Théâtre national palestinien aux Théâtre des Quartiers d'Ivry  que j'ai été voir deux fois. Tragédie de Beyrouth dans le  4ème Mur de Sorj Chalandon . J'ai même vu une Antigone Ukrainienne/Russe, un peu punk et musicale de Lucie Bérelowitsch qui a choisi une version de Brecht/Sophocle. Bien sûr, il y a celle d'Anouilh(1944). 

Antigone de Bauchau n'est pas une pièce de théâtre mais un roman qui fait suite à Oedipe sur la Route lu il y a douze ans qui m'avait laissé un souvenir inoubliable. Avec  368 pages, l'auteur développe une histoire plus longue avec de nombreux personnages, avec des retours dans l'épopée de Thébes :  Oedipe et Jocaste  et sur les pérégrinations d'Oedipe. 

Antigone de Bauchau commence avec le retour de l'héroïne à Thèbes après la mort d'Oedipe. Antigone est entourée des compagnons de son père : Clios qui peint une fresque pour Thésée à Athènes et qui la met en garde:


Bauchau développe l'histoire des jumeaux : Polynice et Etéocle, désiré et souverain, Etéocle toujours en rivalité. de la jalousie d'Etéocle et de la domination de Polynice, il ne peut que résulter le combat, combat à mort. Dédoublements, Etéocle demande à Antigone de sculpter deux statues de Jocaste , il offre un étalon noir à Polynice qui part à la recherche d'un cheval aussi fougueux, aussi beau, blanc.


Au lieu de se tenir comme Sophocle,  à l'épisode de l'interdit de la a sépulture de Polynice, par Créon, et du refus de  la tyrannie par Antigone,  privilégiant  la loi des Dieux avec  la tradition des honneurs dus aux morts, par rapport à la loi de la Cité (le décret de Créon), Bauchau inscrit les funérailles à la fin de l'histoire de la guerre de Thèbes. Il raconte toute une épopée. Epopée guerrière, histoire d'amour, relations familiales...La tyrannie de Créon n'entre en scène qu'après les trois quarts du livre.

"Nous les femmes, les soeurs, nous devons seulement enterrer Polynice et dire non, totalement non à Créon. Il est le roi des Thébains vivants, il n'est pas celui des morts."

Antigone n'est pas seulement celle qui dit non. C'est aussi celle qui ne veut pas choisir l'un ou l'autre de ses frères, qui va tenter de faire la paix entre eux. C'est aussi l'héroïne qui va soigner les blessés, faire de sa maison un refuge pour les pauvres et pour des personnalités un peu étranges, comme le faux aveugle Dirkos qui chante les chants d'Oedipe, ou Timour, le Nomade cavalier et archer, qui apprend à Antigone le "chant de l'arc". Antigone est une femme puissante, cavalière accomplie, archère.

Sans affaiblir la tragédie, Bauchau brode, interrompt son récit comme l'aède qui peut réciter des milliers de vers. Ce n'est pas un théâtre politique. C'est une véritable épopée.
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Un livre lu dans le cadre de mes rencontres du cercle littéraire. J'avoue que lorsque l'on nous a indiqué ce livre, mon enthousiasme était limité… Et bien j'avais tort. C'est un bon livre. Bien qu'il se passe dans l'Antiquité, il y a une forme de modernité dans l'écriture qui lui donne un coté intemporel. Enfin je ne suis pas sure que mon explication soit très claire.

C'est un Antigone un peu mère Theresa que l'on découvre. Pour resituer l'histoire à ceux qui (comme moi) ne sont pas familiers avec l'histoire. Antigone est la fille d'Oedipe et de Jocaste

Ce couple est maudit.

On a annonce à Jocaste que son premier fils qui naitra : tuera son père et épousera sa mère. Voulant éviter ce destin ; les parents abandonnent leur fils aux bêtes féroces. Ce bébé sera recueilli par un pécheur, il va survivre et accomplir son destin. A la suite d'une querelle il tue son père et épouse sa mère. Quand Jocaste apprend qui est son second mari et que son déshonneur va être mis sur la place publique, elle se suicide. A l'annonce de ce geste, le fils / mari se crève les yeux et part en exil. Il est accompagné par Antigone qui va mendier pour lui.

Le couple avait quatre enfants. 2 filles et 2 jumeaux. Or cette mère n'attendait qu'un enfant, et ces jumeaux vont passer leur vie à se battre. L'ainé est solaire et fantasque, le cadet est moins rayonnant, plus besogneux mais plus fiable. Les deux se battent pour la conquête de leur ville. C'est un duel à mort. Dans ce livre ; Antigone rentre d'exil pour tenter de faire la paix entre les deux frères. Mission impossible qu'elle va tenter quand même. Elle retrouve sa soeur, ses frères son oncle et se trouve un fiancé (fils de l'oncle). Elle ne pourra empêcher ni la guerre, ni la destruction, ni sa mort. Mais elle est présentée à la fois comme une sorte de mère Teresa et de symbole de la résistance face à la dictature que va imposer son oncle après la mort de ses frères. Elle est synonyme de la volonté de ne pas se laisser détruire par la force. Elle suit sa voie dans ce qu'elle pense est nécessaire sans faire de compromis où elle laisserait son âme.

Certaines personnes, avec qui j'en ai parlé, l'on trouvé intolérante, stupide de ne pas plier. Je ne suis pas d'accord, j'entends que tout le monde ne peut pas être sur cette voie, mais il est bon d'avoir des gens qui disent NON. C'est une figure tragique, sans doute trop sanctifiée mais qui essaye de changer le cours du destin et qui si elle ne réussit pas, n'y laisse pas son identité. Basée sur une histoire Grecque antique, je pense que cela peut s'appliquer à d'autres situations récentes. L'écriture moderne facilite cette lecture et permet de revisiter ce personnage.

Un bon livre, je pense que je relirai cet auteur.
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A la mort de son père, le roi aveugle Oedipe, Antigone rentre à Thèbes. Après avoir marché dix ans durant avec son père sur les chemins De Grèce, elle doit retourner dans sa ville natale. Sa ville maudite, puisque ses deux frères jumeaux, Etéocle et Polynice, s'en disputent le trône, et que l'affrontement mortel se rapproche inexorablement. Etéocle occupe le pouvoir, mais Polynice, le traître banni, marche sur la ville avec une armée. La guerre menace, Antigone le sait, et veut tout faire pour empêcher ses frères tant aimés de s'entretuer. Elle sait aussi qu'elle va échouer, mais elle n'a pas le choix, en tant que soeur il lui est impossible de prendre parti pour l'un d'eux ou de les laisser se déchirer, son destin lui commande de s'interposer.

Fraîchement accueillie à son retour à Thèbes, elle y trouve néanmoins sa place, s'occupe de soigner et nourrir les miséreux de la ville. Elle tente une médiation entre ses deux frères, en vain. La guerre est là, les frères ennemis se livrent une lutte sans merci dont aucun ne réchappe. Etéocle a droit à tous les honneurs lors de ses funérailles, tandis que le cadavre de Polynice est laissé aux vautours hors les murs de la ville. Créon, leur oncle et désormais roi de Thèbes, a décrété que le traître ne méritait pas de sépulture, et que celui qui tenterait de l'enterrer serait condamné à mort. A nouveau, le devoir et le destin d'Antigone l'appellent ; elle parvient à jeter quelques poignées de terre sur le corps de Polynice, avant d'être arrêtée. Elle s'en justifie devant Créon : "Je ne refuse pas les lois de la cité, ce sont des lois pour les vivants, elles ne peuvent s'imposer aux morts. Pour ceux-ci il existe une autre loi qui est inscrite dans le corps des femmes. Tous nos corps, ceux des vivants et ceux des morts, sont nés un jour d'une femme, ils ont été portés, soignés et chéris par elle. Une intime certitude assure aux femmes que ces corps, lorsque la vie les quitte, ont droit aux honneurs funèbres et à entrer à la fois dans l'oubli et dans l'infini respect. Nous savons cela, nous le savons sans que nul ne l'enseigne ou l'ordonne". Elle n'attend aucune clémence, aucun secours, elle refuse que ses amis se révoltent contre Créon et que le sang soit versé en son nom, son destin doit s'accomplir.

A l'école, j'avais dû lire l'Antigone de Jean Anouilh quand j'avais 15-16 ans, et cette héroïne au tempérament entier, intègre, idéaliste, qui voulait tout, tout de suite, m'avait alors bouleversée, subjuguée. Avec le roman de Bauchau, le coup de coeur est moins fulgurant, mais tout de même, quel personnage. Et puis la forme du roman, plus longue que celle d'une pièce de théâtre, permet de pousser davantage l'analyse psychologique des protagonistes, et il faut avouer que le mythe d'Oedipe et de sa descendance est un aubaine pour le psychanalyste qu'était Henry Bauchau. Il y a la question fascinante de la gémellité, avec le brillant Polynice, préféré de sa mère Jocaste, et Etéocle, l'éternel complexé, qui n'existe et ne se construit que dans sa rivalité avec son frère. Et Antigone, vouée dès sa naissance à se sacrifier pour les autres sans jamais pouvoir vivre sa propre vie ni tenir compte de ses désirs, d'aimer ou d'avoir des enfants. Infiniment, terriblement seule malgré tout l'amour de sa famille, de ses fidèles amis, de ses soupirants à qui elle s'empêche de céder, parce qu'une force supérieure l'appelle. Et puis il y a le Destin, celui qui s'accomplira quoi qu'on fasse pour le détourner de son cours.

Il y a l'amour et la haine, les deux faces d'une même médaille, indissolublement liées, et qui conduiront Antigone à la mort. Il y a aussi l'opposition homme/femme, l'individuel et le collectif, la politique et le sacré, la filiation et la maternité, l'amour et le renoncement, la force et la fragilité d'une femme. Antigone l'héroïque est amour, passion, désespoir, désirs, féminité, regrets, révolte, impuissance, résignation. Elle porte sa souffrance et celle des autres et son horreur de la guerre, un poids bien trop lourd pour elle, qu'elle dépose dans un dernier cri de rage, avant le silence du tombeau.

L'Antigone de Bauchau est un texte très (parfois trop) lyrique et un peu long. Mais, parsemé de belles fulgurances et de moments poignants, entre noirceur et lumière, il est l'écho d'un cri qu'on entend encore bien après avoir refermé le livre, et le portrait d'un personnage inoubliable.
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Depuis sa création par Sophocle en 441 avant JC, Antigone a donné lieu à de nombreuses versions théâtrales, dont celle la plus souvent évoquée, créée par Jean Anouilh en 1944. Des opéras, des films, y compris une bande dessinée se sont inspirés de l'oeuvre du grand poète tragique grec. L'auteur belge récemment disparu Henri Bauchau s'est risqué quant à lui à une version romancée, qui si j'en crois notre encyclopédie en ligne serait la seule.

Ce fut pour moi une excellente découverte. Outre une brève ouverture à cette tragédie que m'avait autorisée l'excellent ouvrage d'Édith Hamilton La mythologie, ses dieux, ses héros, ses légendes, je ne m'étais pas attaché jusque là au sort d'Antigone. Ma virginité sur le sujet ne me donne donc évidemment pas de légitimité de comparaison avec d'autres reprises de l'oeuvre, mais cet ouvrage d'Henri Bauchau a à mes yeux le mérite de rendre cette légende de la mythologie grecque très accessible au profane.

Le sort d'Antigone ne faisant plus débat depuis longtemps, il est intéressant de voir comment un auteur moderne traite la montée en puissance du drame qui se noue en conclusion de cet amour-haine qui unit et oppose à la fois les frères jumeaux, Étéocle et Polynice. Tous deux prétendants au trône de Thèbes laissé vacant par Oedipe, leur père, devenu le roi mendiant après s'être aveuglé.

Les deux frères s'étant entre-tués, le deuxième volet du drame devient la confrontation d'Antigone avec Créon, le nouveau roi de Thèbes et oncle de celle-ci. Antigone ayant transgressé l'édit royal interdisant d'offrir une sépulture à son frère Polynice décrété traitre à la cité de Thèbes, son procès donne lieu à une passe d'armes entre l'oncle et la nièce dont l'enjeu n'est ni plus ni moins que la mort de cette dernière.

Croyances, sentiments, sens du devoir, honneur, autant de valeurs aujourd'hui édulcorées voire disparues donnent à ce texte une lecture à n'en pas douter fort différente au lecteur selon le contexte culturel et les codes moraux de son époque. Ce qui peut paraître futile en nos temps de valeurs perdues commandait à la vie des anciens. C'est l'intérêt des thèmes classiques que de remettre en nos esprits les héroïsmes qui animaient nos anciens. Les ferveurs de ces époques lointaines échappent aujourd'hui à nos sociétés matérialistes.

Madeline Miller m'avait comblé avec circé et le chant d'Achille, Henri Bauchau me conforte dans cette approche de la mythologie par le biais du genre romanesque. Genre que l'on peut dans le cas considéré qualifier d'historique dans le sens où il reprend des contes et légendes transcrits par les premiers auteurs à avoir laissé des écrits à notre sagacité de lecteurs d'un autre temps. le magique et le surnaturel qui commandaient à la vie des contemporains de ces premiers auteurs font le bonheur fasciné de nous autres, lecteurs d'un siècle sans spiritualité qui avons la présomptueuse obsession de dominer la nature, de tout expliquer et de nous placer au centre de l'univers.
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Parfois, nous faisons des découvertes littéraires qui se transforment en révélations. Pour moi, Antigone en est une.

Tout le monde connait la légende d'Antigone. La tragédie de la descendance d'Oedipe et Jocaste racontée par Sophocle ou Anouilh n'a rien à envier aux romans noirs d'aujourd'hui. Plus macabre, ce serait vraiment grotesque. Plus théâtral, difficile d'imaginer. Chez Henry Bauchau, la légende prend une autre dimension, encore plus profonde, encore plus lugubre. L'intégration des personnages dans un roman permet à l'écrivain belge de les étoffer davantage, de planter les décors, sobrement certes, mais solidement taillés dans la pierre et le bois plutôt que dans le carton-pâte. La légende est sublimée. Et, idée merveilleuse tellement le résultat est réussi, Henry Bauchau ne se contente pas de mettre en mots la mort violente des héros ; il remonte le fil de l'histoire jusqu'à Athènes peu après la disparition d'Oedipe. Il imagine le retour d'Antigone à Thèbes, sa reprise de contact avec les siens après dix ans d'errance et ses vaines tentatives pour stopper la guerre fratricide. La jeune thébaine, drapée dans sa souffrance et la rébellion, égérie en échec, est majestueuse. Placée par les siens sur un piédestal, idolâtrée mais inutile, l'Antigone de Bauchau sert autant la progression inexorable du destin que l'Antigone des premiers écrivains qu'elle a inspirés.

Pourquoi est-ce que tous : Oedipe, Clios, Etéocle, Ismène et moi-même nous te laissons déranger nos existences, troubler nos désirs, nos folles ambitions et notre goût effréné pour la vie ? Oui, pourquoi t'aimons-nous tellement, je ne m'étais jamais posé cette question, mais ta présence, ton silence m'interrogent ? Nous t'aimons à cause de ta beauté, qui n'est pas celle de Jocaste ni d'Ismène, mais, plus cachée, plus attirante, celle des grandes illusions célestes. Et tu n'es pas seulement belle, ma soeur, tu es encore si étonnamment folle, tu fais si bien croire à ta folie, tu la fais si bien vivre autour de toi.

Que c'est beau ! du théâtre classique, Bauchau n'utilise pas les codes, seulement l'esprit. Pas d'unité de lieu, de temps ou d'action. Pas de choeur. Et pourtant… Ce roman se lit comme une pièce de théâtre classique. Il n'est pas autre chose, il ne peut pas être lu autrement. Les mots choisis, le ton adopté, l'histoire évidemment. C'est Antigone qui raconte. Elle se tord dans son désespoir. Elle souffre avec les pauvres qu'elle soulage, avec ses frères qu'elle n'arrive pas à raisonner, avec sa soeur qui l'aime et la déteste en même temps. En toile de fond de sa narration, tel le choeur du théâtre antique, quelques personnages secondaires relatent des événements du passé. Ainsi d'Hémon qui raconte la première bataille entre les troupes d'Etéocle et de Polynice, ou d'Ismène qui inspire les doigts sculpteurs de sa soeur en décrivant l'amour de Jocaste pour ses fils. le texte est puissant, par sa richesse et sa sobriété soigneusement choisies.

Je suis hors de moi. Quelque chose dit même : Enfin, hors de moi ! Il ne faut plus courir, marcher pour ne pas être hors d'haleine. Marcher vite, je ne pourrais pas faire autrement mais ne plus courir, ne pas m'affoler. Je ne suis pas folle, à Thèbes ce sont les hommes qui sont fous et le sage Créon, Créon le temporisateur plus que tous les autres. Nous, les femmes, accepter de laisser pourrir le corps de notre frère abandonné aux bêtes et gardé par des soldats ! Jamais !

Les caractères sont entiers. Les décisions catégoriques. Les gestes amples. Les pensées grandioses. Pas de demi mesures. Antigone est caricaturale comme peut l'être le personnage d'une pièce de théâtre. Ses propos sont clamés, comme sur scène. La magnificence du texte est indescriptible.

Oui, c'est ce que tu veux, tu tombes, tu retombes et pourtant tu allumes cette nouvelle flamme qui t'attire irrésistiblement. La musique à l'intérieur de ton oreille ne s'interrompt pas mais il y a une autre voix, celle de Jocaste qui te dit : Dépose ton fardeau. Tu peux.

Thèbes va tomber. Etéocle et Polynice vont s'entre-déchirer. Créon va vaincre, Antigone va mourir. le lecteur connait la fin du roman avant de l'avoir commencé. Ici, impossible de spoiler. le plaisir est dans les mots choisis par Henry Bauchau et l'atmosphère théâtrale qu'ils dégagent.
Lien : https://akarinthi.com/
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Alors que j'avouais il y a peu ma difficulté à cerner et comprendre Antigone, je me suis plongée avec passion dans ce roman.
Le récit est d'une grande richesse, embrassant de multiples thématiques. L'admirable lutte d'Antigone pour la paix et l'amour, son incroyable empathie, son engagement auprès des pauvres, des malades et des orphelins, la folie meurtrière des deux frères qui s'aiment autant qu'ils se haïssent, les enjeux politiques qui sous-tendent cette guerre absurde,...
L'écriture de Henri Bauchau nous plonge dans cette tragédie antique autant que dans les mystères des comportements humains. Un récit qui ne laisse pas indifférent, à lire et relire même.
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Cette lecture trace l'un de plus beau portrait d'Antigone.

Une femme forte et juste qui veut changer les choses. Une femme aidante, aimante, fascinante.
Une femme prête à tout sacrifier pour le bonheur des siens.

L'auteur a rendu Antigone attachante. Tout au long du roman, on croit en elle, on croit qu'elle peut encore sauver ses frères, on croit qu'elle peut encore être heureuse, que le destin peut encore être modifié.

On ne peut qu'être sous le charme..
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Au pays de : « […] Et sans doute fallait-il un roman pour vraiment incarner les passions de la jeune mendiante qui, après avoir suivi son père, le roi aveugle, des années durant jusqu'au terme de son parcours, contre toute prudence prend le chemin de Thèbes avec l'espoir d'empêcher la guerre entre les fils de Jocaste, ses deux frères tant aimés. Commence alors pour elle une suite d'épreuves, de doutes, d'humbles joies et d'inexorables déchirements […] »

Anouilh et Sophocle me l'ont présentée, c'est avec Henry Bauchau que j'ai appris à la connaître. Antigone. Antigone incarnée, Antigone en prose. Femme libre, passionnée, volontaire, aimante et aimée.


La lenteur

C'est à pas de loup que j'entre dans le roman. L'école est loin, tout comme le sont pour moi, les mythes et récits revisités. Mais Henry Bauchau, que je n'ai jamais encore lu, m'attire. Il parait que son écriture n'a d'égal que sa capacité à dépeindre avec finesse et justesse la psychologie de ses personnages.

Il me faut alors redécouvrir les noms et les destins de ces êtres mythologiques aux allures pourtant modernes dans ce nouvel Antigone (1997). Il me faut comprendre aussi qu'alors que les deux précédents auteurs-dramaturges ont conté le mythe d'Antigone à partir de la mort de ses frères, Henry Bauchau, lui, remonte le temps et fait de ce drame l'issue de son roman. Il n'est question alors que de vie, de découvertes, d'apprentissages, et de luttes. Les évènements mythologiques ici ne sont que des pierres sur le chemin d'une destinée.

Je prends mon temps ou plutôt, mon temps se ralentit. [...]
Lien : https://www.startingbooks.com
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