Lecture jeune, n°119 - L’Association réédite les premiers « livres en bandes dessinées » publiés par Baudoin chez Futuropolis et aujourd’hui épuisés : Les sentiers cimentés, Passe le temps, La peau du lézard, Un flip coca !, Un rubis sur les lèvres, Le premier voyage, Derrière les fagots. Ces récits ne constituent peut-être pas, pour de jeunes lecteurs, une entrée première et aisée dans l’oeuvre de l’auteur – on conseillera plutôt : Mat, Le Seuil, (LJ n° 81), Piero, Le Seuil, (LJ n° 86), Les yeux dans le mur, Dupuis, (LJ n°110/111)… – mais ils sont indispensables à ceux qui l’apprécient et souhaitent appréhender la richesse de son univers. Baudoin est un raconteur d’histoires. Il nous invite, comme dans Les sentiers cimentés, à suivre une rêverie. L’autobiographie rencontre cette flânerie onirique et dans Passe le temps, il se met en scène à sept, à quinze, à trentecinq ans ainsi que vieillard. C’est ici d’ailleurs qu’apparaît pour la première fois le personnage du petit garçon qui suce son pouce et qui sera présent dans nombre de ses livres. Les thèmes sont aussi ceux du quotidien – vie de village, rapports humains, « normalité » dit l’auteur… L’atmosphère est comme suggérée mais d’une grande force. Le dessin très expressif, est une interrogation permanente du noir et blanc, du sensible et du mouvement – voir le personnage de danseuse d’Un flip coca ! Baudoin confie : « Faire des bruits avec le pinceau… J’essaie. » ? Hélène Sagnet
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Le premier voyage
La petite fille a quitté le groupe d'enfants qui jouent de l'autre côté de la place. Elle se mouille la figure. Elle pleure.
"Pourquoi tu pleures?
"C'est à cause de Sabine!
"Raconte moi!
On jouait tous ensemble quand, il arrive un garçon qui est pas joli. C'est un cousin de Sabine... Bon? Alors Armelle et moi on se moque de lui. Et eux ils se fâchent, même qu'ils ne veulent pas nous dire le prénom du garçon:... Alors on va se cacher dans le garage de Marcel, et à travers la porte on leur dit des petits gros mots... Mais eux, ils nous disent des vrais gros mots! Alors on a une idée:... on va chercher du papier et un crayon, et on écrit dessus; "Sabine et Isabelle sont laides". Bien sûr on fait attention de déguiser notre écriture pour ne pas qu'elles nous reconnaissent... Après on va mettre les papiers par terre devant l'endroit où ils jouent et on se cache derri-re une porte.
On a eut très peur parce qu'une dame est passée... Mais heureusement, elle n'a pas vu le papier!.... Après Isabelle, Sabine et son cousin ont trouvé notre lettre. Nous, on s'est échappé."
L'enfant explique encore qu'ensuite, les autres les méchants, ont eux aussi écrit des lettres. Mais avec de tels gros mots, qu'Armelle et elle-même sont parties chacune de leur côté pour pleurer.
Derrière les fagots
"C'est Etienne Robial qui va remarquer le petit garçon qui suce son pouce [in Passe le temps], il le place sur la couverture.
Par la suite, je vais en comprendre l'importance et il fera son apparition dans presque tous mes livres."
Pour ses 50 ans, Futuropolis republiera une série de 5 ouvrages rares qui ont marqué leur époque et l'histoire de la maison d'édition.
Le premier d'entre eux sera Carla, d'Edmond Baudoin et Jacques Lob, un roman graphique majeur qui commence comme ça : un homme, plutôt jeune, hèle un taxi. Une Mercedes noire. À l'intérieur du taxi, une jeune femme, habillée de cuir noir. C'est Carla. L'homme est pressé, vite à l'aéroport, compagnie Transaerial, au départ. Il est anxieux. Quand il arrive, c'est trop tard, l'avion a décollé. Il retrouve Carla, qui lui propose de le ramener en ville. L'homme lui raconte son histoire : le coup de foudre, réciproque, avec une belle étrangère, l'amour fou, la fuite de celle-ci, et cette nouvelle que la radio diffuse dans le taxi : un appareil de la Transaerial, en direction de New York, s'est crashé peu après le décollage, avec à son bord 450 passagers. On ne sait pas s'il y a des survivants...
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