« J'aurais dû vous prévenir : je suis de forme ectoplasmique et je fais tout à main gauche et je mange les mots à cause de ma dyslexie et je suis somnambule comme en mon temps d'enfance et j'ai toujours eu du sang de cochon dans mes veines. C'est ce qu'on appelle une singularité. »
Aucun doute, c'est bien ce bon vieux VLB! Mon mari sortait de sa lecture régulièrement pour m'entretenir de son ressenti, ce qu'il ne fait pas d'habitude, vraisemblablement étonné par l'originalité de l'ouvrage, son contenu fort instructif, et la touche ô combien personnelle de l'auteur. Nous avons tous deux apprivoisé de longue date le langage de VLB dans ses scénarios de séries télévisées diffusées à Radio-Canada (
Race de monde (1978-1981);
L'Héritage (1987-1990); Montréal, P.Q. (1992-1994); Bouscotte (1997-2001). VLB est unique dans l'univers littéraire québécois. Il joue avec les mots, les déforme et les intègre dans des contextes complètement loufoques. Une écriture relevant plus de l'oralité et du conte, truffée de québécismes et de joyeuses métaphores.
Ma Chine à moi se révèle au lecteur à travers les rêves opiacés du narrateur, « envaché » dans son fauteuil et perclus de divers maux physiques. Se désolant de sa « vieillardise », dans les fumées d'opium et les quelques shots de bourbon qu'il s'envoie derrière la cravate, il retourne souvent à son enfance à Trois-Pistoles, bercé par les récits de sa tante Lumina, soeur missionnaire en partance pour la Mandchourie et les travaux quotidiens de sa mère. Tel un bouddha ventripotent entonnant son mantra Om maṇi padmé hoûm, l'auteur s'entraîne au Non-Agir, principe taoïste qui l'habite depuis fort longtemps. Entre les visites d'un jeune écrivain qui le considère comme son mentor, ses crises de somnambulisme et son onirisme débridé, VLB nous parle de l'Empire du Milieu, de ses dynasties impériales, ses coutumes et sa philosophie et de l'histoire récente de la République chinoise, favorisant ainsi une meilleure compréhension de la Chine actuelle.
Nous avons redécouvert et apprécié un auteur qui s'est fait discret ces dernières années, qui nous a emportés par son verbe délirant et son imaginaire foisonnant. Et sa vaste bibliographie nous assure encore de bons moments de lecture.