Allez, je vais vous raconter ma vie.
Bon, ça ne va pas vous passionner.
Et surement vous en fiche un peu aussi. Mais bon, comme ça je vous préviens.
C'est pour faire le lien avec cette BD.
Vous allez comprendre.
Un jour où je faisais le ménage chez moi (je vous ai prévenu, c'est passionnant). Balai, poussière. Puis serpillère.
Je ne sais pas vous, mais moi, je me retrouve toujours bloquée quelque part, attendant que le sol sèche.
Donc, j'étais là, assise dans les escaliers, attendant de pouvoir à nouveau me déplacer.
La porte fenêtre était ouverte, soleil dans la maison, moment où je dois attendre, rien à faire.
Une de mes filles avait laissé son GIGA Spirou, hiver 2024, au pied de l'escalier. Je l'attrape, me disant que c'est mieux que rien pour patienter.
Je feuillette. Et je découvre que dans les Giga Spirou, il y a une BD qui est imprimée, au milieu du gros magazine, en entier. Je me dis que ça, c'est top.
Car je ne sais pas vous, mais moi, rien ne m'énerve plus que de commencer une BD dans un magazine, et sur une page, il est finalement écrit "à suivre dans le prochain numéro". Numéro que je n'achèterai peut-être pas, et me voila avec un bout d'histoire dont je ne sais que faire.
Là, pas de risque, c'était livré en entier.
"Les coeurs de ferraille". le titre me plait déjà beaucoup.
Sous titre: "Et si les robots avaient un coeur?"
Je commence ma lecture, toujours assise dans mes escaliers (vous êtes toujours la, dans cette vie palpitante?)
Et là, j'ai été littéralement absorbée. J'ai lu tout d'une traite, autant vous dire que j'aurais pu passer la serpillère trois fois et attendre à chaque fois que ça sèche.
Déjà, l'idée de placer l'histoire dans le sud des Etats-Unis, période Ségrégation, mais dans un environnement où les esclaves noirs de cette époque sont remplacés par des robots... ça m'a vachement plu. Ce décalage entre une époque placée visuellement (décors, costumes...) à la fin du 19ième siècle, et cette notion futuriste avec des robots techniquement très avancés, est une merveilleuse idée, cela fonctionne très bien.
Le dessin aussi. Cette planche où l'héroïne regarde les étoiles depuis le toit de sa maison avec sa nounou robot, c'est très beau.
Béka et
José Luis Munuera font passer beaucoup de choses au travers de l'histoire et des dessins.
Le message est clair: Les robots sont utilisés pour les tâches que les humains ne veulent pas faire, comme travailler dans les champs de coton, élever les enfants dans les familles riches. Et à la moindre incartade, ils sont détruits ou mis au rebut.
On comprend bien que les auteurs montrent ainsi à quel point les esclaves noirs étaient déshumanisés, considérés comme des objets. On arrive à éprouver de la tristesse pour le robot nounou remisé, alors qu'à l'époque, il n'y avait pas de compassion pour les esclaves.
Iséa regarde beaucoup le film
Cyrano de Bergerac (au travers d'un écran qu'elle déploie où elle veut, décalage technologique encore une fois avec l'époque à laquelle elle vit). Ce personnage va l'aider à interagir avec d'autres humains, et renforce cette idée d'acceptation de l'autre dans sa différence.
Enfin, la BD évoque également la relation mère-fille, dans l'idée que le destin de chaque enfant est façonné par sa relation primaire avec sa mère, et j'ai trouvé l'histoire émouvante.
Bref. J'ai beaucoup aimé. et je lorgne maintenant du côté du giga Spirou été 2024, voir s'ils ne publieraient pas par hasard le tome deux des "coeurs de ferraille"?
Edit: En me renseignant sur cette BD, je découvre un pan de l'histoire que je ne connaissais pas: le massacre de Tusla, évoqué dans la BD, a véritablement eu lieu, en 1921 aux US. Il est raconté en filigrane dans l'album, massacre des robots par des humains. Bravo aux auteurs, beaucoup de choses sont dites et transmises avec cette BD!