Un livre que j'avais trouvé en brocante pour quelques centimes d'euros dans son édition originale des Editions de France . Certains babeliens , peut-être , vont trouver que j'aurais pu m'abstenir de l'acheter et surtout de le lire et d'en donner une "critique" sur le site. Il est avéré que
Henri Béraud a été un collaborationniste notoire , antisémite, anglophobe, souhaitant la victoire de l'Allemagne. Il a été condamné en deux jours à la peine capitale, gracié, puis relégué en l'Ile de Ré. Bref c'est un maudit. Autant le docteur Destouches trouve grâce aux yeux des Torquemada en pantoufles pour son "génie" , mot javellisé qui lave plus blanc que blanc toutes les infamies proférées à l'encontre des Juifs, autant les petites mains de la littérature collaborationniste ( et il y en eu beaucoup..) doivent à jamais croupir dans le purgatoire des Lettres. Je ferai simplement remarquer que dans ce livre de souvenirs écrit en 1940 le mot "juif" n'est prononcé qu'une seule fois , et sans aucune connotation péjorative. J'ai lu il y a deux mois
la Foire aux vanités de
Thackeray où les piques contre les juifs abondent. Oui mais "il faut se replacer dans le contexte de l'époque"..... me diront les bonnes âmes. Eh bien c'est exactement ce que j'ai fait à propos de Béraud .
Henri Béraud vient de la gauche, a travaillé au Canard, à l'Oeuvre, journaux classés à gauche. Ce n'était pas un "intellectuel" au sens commun, son père était boulanger, il a fait mille petits boulots avant d'intégrer Gringoire et de distiller son poison antisémite. le contexte, le contexte....
Mais peut-être serait-il temps de se recentrer sur ce beau livre de souvenirs que Béraud écrivit en 40 , au temps de la débâcle et des 40 millions de pétainistes. Que voulez-vous je déteste les amalgames et la non-connaissance de l'Histoire n'a pas comme conséquence de la faire se répéter mais de faire gober aux gogos des vessies pour des lanternes.
"Qu'as-tu fait de sa jeunesse" (beau titre ! ) est un livre mélancolique. En 1940 Béraud avait 55 ans et se sentait vieux. L'écroulement de la France le rendait malade. Il se penche sur "son passé" comme avait dit un autre écrivain de cette époque. Il faut se replacer dans le contexte (encore ! ). Né en 1885 son enfance et son adolescence se déroulent à Lyon dans cette époque fin de siècle ou les anarchistes tiennent le haut du pavé. La République est établie depuis 1875 mais les classes sociales perdurent. le fils Béraud ne veut pas reprendre la boulangerie du père . Alors s'ensuivent de multiples petits boulots . "Un homme se penche sur son passé". Avec nostalgie et mélancolie : - " Nos actes nous suivent, a-t-on dit. Ne serait-il pas aussi vrai de dire qu'ils nous précèdent ? Un souvenir nous demeurait commun : celui d'une amère et précoce expérience. Aucun de ces hommes, que l'on dit arrivés, ne pouvait oublier le départ de la course. Après quarante ans, mille aventures, les guerres, nos deuils, nos luttes, nos vanités, nos brouilles, nos déceptions- et pour finir, le trou creusé d'avance que déjà l'on aperçoit - après tout cela, repassant ensemble sur nos pas depuis longtemps effacés, nous retrouvions intactes les contraintes, les humiliations, les révoltes, et nous entendions les cris même de notre adolescence " .
"
Qu'as-tu-fait de ta jeunesse" se clôt sur la déclaration de guerre en août 14. Béraud a 30 ans et il sera comme beaucoup d'autres, mobilisé pour la grande boucherie. Il ne faut jamais oublier cet épisode pour comprendre le "Plus jamais ça " des pacifistes inconditionnels (
Giono ! ) à la veille de l'autre grand carnage.