La perspective retenue est donc celle d’un touriste. Mais d’un jeune Lord
du Grand Tour plutôt que des Mémoires d’un touriste : à cette date (1838),
Stendhal – et d’autres – ont remplacé depuis longtemps le « tour des horizons »
(A. Pasquali) par le retour sur soi. D’un voyageur qui s’informe et se forme
et s’instruit, soucieux d’un juste regard sur l’objet, en vue d’une profitable
appréhension, d’une connaissance objective donc, mais qui serait plus pratique
que spéculative. De là l’obligation de bien mobiliser les cinq sens de nature
pour composer une image qui ne puisse être désavouée par le second venu, une
volonté plus pédagogique que scientifique de servir au prochain : récits, guides
qu’il faudra confirmer ou affiner plutôt que désavouer. Ce n’est donc pas la
totalité de l’expérience du voyage qui sera considérée (elle mettrait trop en avant
les expéditions aventureuses, les péripéties extraordinaires), mais la relation qui
s’instaure entre un sujet plus ou moins compétent et un objet qu’il lui faut
percevoir dans des conditions en partie provoquées. Elle produit des pages qui
composent un bon usage de l’autre (hommes et pays), une mise en scène de
soi passablement réitérable ; elle propose à la lecture des scènes et des paysages
suffisamment dignes d’intérêt pour que le lecteur soit tenté un jour d’aller à leur
rencontre. Ces voyages sont aussi – exceptons tout de même la Peregrination de
Mendes Pinto ! – des invites au voyage.