Nous n'avions guère plus de vingt ans, l'un et l'autre, mon cher ami, lorsqu'éclata, à la suite de l'élection d'Abraham Lincoln, l'effroyable guerre de sécession aux Etats-Unis. Avec quel intérêt nous suivions les péripéties de cette lutte de quatre années entre les États du Nord et ceux du Sud, entre les fédéraux et les confédérés, comme ou les appelait, lutte poursuivie des deux côtés avec une énergie égale, avec un égal acharnement, tu t'en souviens comme moi.
Nous avions d'autres raisons encore pour que l'Amérique nous fût chère. La république fondée par Washington sur l'autre rive de l'océan n'avait, depuis plus de quatre-vingts ans, cessé de prospérer et de grandir. Les États-Unis offraient la preuve vivante, que dans les temps modernes, une république peut vivre et durer en un grand pays sans aboutir fatalement, comme tant de gens le prétendaient chez nous, ou à l'anarchie ou à la tyrannie militaire.