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LIBERTE - AMOUR- CONNAISSANCE. Une trimité magique !

Je remercie abondamment le hasard de mes flâneries en librairie ainsi que le conseil d'une camarade-libraire , Aurore [ Librairie Chantelivre- Issy-Les-Moulineaux] qui m'ont fait croiser le chemin de ce sinologue, essayiste brillant, que je ne connaissais d'aucune manière, ainsi que le choix des publications toujours excellent de la maison d'édition, Allia....

Une très belle rencontre et lecture d'autant plus captivante, bouleversante, que le ton de cette autobiographie reste d'une discrétion, d'une pudeur, et retenue extrêmes.

Un jeune étudiant se cherche, décide dans les années 60 de partir en Chine, de son plein gré , pour étudier !

"Pendant toute la durée de mes études à Pékin, qui se sont étendues sur trois ans, j'ai pu consacrer la moitié de ces moyens à l'achat de livres. L'autre moitié représentait encore un salaire de ministre.
Dans le monde d'alors, je ne pouvais pas partir plus loin. Les communistes avaient pris le pouvoir, ils avaient fermé le pays aux étrangers, personne ne savait ce qui s'y passait, ni ce qui subsistait du passé; on parlait de famine.
J'enfreignais un interdit, en Suisse l'anticommunisme était virulent, et je partais vers l'inconnu. "(p. 9)

Une histoire d'Amour atypique et unique... entre ce jeune étudiant suisse en langues orientales et une jeune chinoise, Wen, médecin...Il faudra des réserves de patience, ténacité ,détermination, prudence et stratégies pour que nos "fiancés" ne renoncent pas à l'avenir de leur couple [ sans omettre l'aide et le soutien courageux des frères et soeurs de Wen ]

Au paradis.... de "La Révolution culturelle", pas de vie privée, et encore moins l'autorisation d'avoir des liens avec un étranger ! Un climat de paranoïa est entretenu, alimenté par le régime, par tous les moyens !

A travers l'histoire de cet amour profond entre un jeune intellectuel occidental et cette jeune médecin... on traverse également l'Histoire de la Chine de l'ancien régime à la Révolution culturelle,aux exactions du régime communiste de Mao... à l'après- Mao !... Ils ne connaîtront la vraie réalité du régime maoïste que des années après, lorsqu'ils reviendront en Chine, dans les années 1975....ainsi que le passé et les souffrances endurées par les beaux-parents de l'auteur !


Un récit précieux qui montre une fois de plus , comment des vies peuvent être sacrifiées sur l'autel de la folie du pouvoir et des excès d'un seul homme !
Des milliers de personnes broyées , vulgaires "dégâts collatéraux" de la Grande Histoire !

Une très forte lecture, pleine d'enseignements et de détails sur la vie chinoise durant des décennies ! Très, très heureuse d'avoir rencontré cet écrivain-essayiste avec ce récit autobiographique, qui reste admirable, de par sa volonté de garder en mémoire, avec le plus d'objectivité et de neutralité...des événements insupportables.
Comme lectrice, heureuse aussi de savoir que cette histoire d'Amour dura,fut immense, généreuse, défiant toutes les difficultés, les obstacles, qui n'étaient pas des moindres, dans ce contexte historique et politique !!

Je vais poursuivre plus avant la découverte des autres écrits de Jean-François Billeter, et dans un premier temps, j'aimerais lire: "Une autre Aurélia"... texte intime et personnel... et aborderai ensuite ses essais sur la Chine, etc.

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À SON ÉPOUSE, À SES BEAUX-PARENTS, À LA CHINE.

Comment rencontrer l'Amour de sa vie, selon Jean-François Billeter ?
C'est assez simple, en définitive : Il faut d'abord être un jeune homme de 24 ans au début des années 60, suisse de préférence, non pas désoeuvré mais se cherchant encore beaucoup, passionné de langues orientales mais sans avoir réellement décidé de jeter son dévolu sur quelque direction précise que ce soit, trouver la langue chinoise amusante, rencontrer un aimable et intelligent professeur vous poussant à aller étudier non aux "Langues O" à Paris, mais in situ à Pékin, obtenir une bourse grâce, involontairement, aux connaissances de Service National de papa, traverser en train - mythique "Transsibérien" inclus - la moitié de la planète, sans oublier de passer le terrifiant "rideau de fer", se retrouver premier étudiant suisse de toute l'ère communiste chinoise, parvenir à s'y faire quelques connaissances parmi lesquelles la veuve d'un chinois dont la nationalité suisse d'origine lui permettait d'inviter chinois ET étrangers dans une même demeure, participer à une petite sauterie, danser avec une charmante chinoise se prénommant Wen, lui tirer involontairement sa longue natte. La faire rire...
L'épouser deux ans plus tard. Vivre quarante-huit année d'une aventure presque sans tâche avec elle.

Parfaitement improbable (comme l'est si souvent l'existence), n'est-ce pas ? C'est pourtant de cette manière-là que ce grand sinologue, intellectuel, écrivain et essayiste originaire de Bâle rencontrera sa future femme dans la nouvelle capitale de la République Populaire de Chine, Pékin (nouvelle, dans la mesure où la précédente était Nankin. Mais Pékin était alors une ville demeurée pour ainsi dire inchangée, inviolée, depuis des centaines d'années. Ce que l'auteur regrette car, depuis, les vents mauvais des réformes économiques successives, et surtout le grand boum économique de ces dernières décennies ont totalement détruits ce Pékin immémorial). Ce ne fut cependant pas une sinécure, et il fallait avoir un certain culot, ainsi, cependant, qu'un vrai grain de folie, pour souhaiter aller jusqu'au bout de cette décision : décider, tandis qu'on est un étranger suspecté de tout et de son contraire dans cette Chine paranoïaque, de prendre Wen, une digne représentante de l'ancien Empire du Milieu dans les mouvements de crises politiques incessants de cette Chine nouvelle, pour épouse. D'autant qu'on est à l'opposé de toute forme de bluette moderne, avec déclaration enflammée et découvertes des corps autant que des âmes : avant ce fameux et inespéré mariage, près de deux années se seront écoulées, et seulement une petite poignée de "vraies" rencontres ("en tout bien tout honneur", est-il seulement utile de le préciser ?), avec le danger incessant d'apprendre que la jeune fille a été arrêtée par la police et envoyée dans quelque camp de rééducation lointain, probablement mariée de force sur place... Pour la romance, il faudra repasser !

C'est bien entendu cette histoire parfaitement incroyable et, par bien des aspects, aussi rocambolesque que terriblement dangereuse dans cette Chine connaissant les prémices de ce moment terrifiant de la fameuse "Révolution Culturelle", à laquelle J-F Billeter avouera ne pas avoir réellement assisté ni, sur le moment, compris les enchaînements dramatiques, que nous allons suivre, médusé. A sa décharge, les étrangers de Chine n'avaient que peu accès aux informations et se trouvaient cantonnés dans leurs petits cercles, la méfiance étant de mise, et les chinois du commun strictement interdit de s'adresser à ces exogènes. C'est pourtant un document de première main - et raconté dans un style aussi impeccable qu'exaltant - qu'il nous est donné de découvrir dans ces quelques cent cinquante pages serrées de ce petit moment de bonheur (de lecteur) proposé par les éditions Allia.

On y découvrira, sous-jacente, la vie de ces premiers "pionniers" occidentaux dans une Chine de Mao où les luttes intestines au parti ont des répercussion désastreuses et mortifères sur le petit peuple de la rue et des campagnes. On découvre une Chine dans laquelle les communistes ont entamé leur travail de sape de déshumanisation, de déculturation et d'oblitération de tout souvenir récent, de celui des derniers témoins du temps d'avant 1949 et la prise de pouvoir par les communistes, mais dont le point d'orgue, délirant, implacable et apocalyptique sera la Révolution Culturelle, accompagnée de sa cohorte de Gardes Rouges, qu'une poignée d'intellectuels occidentaux dévoyés ou imbéciles voudront faire passer chez nous alors pour un grand moment (positif) de l'histoire... Mai 68 n'est plus très loin.

Cependant, Jean-François Billeter ne se comporte pas seulement comme un témoin amoureux de ses temps à la fois si proches et si lointains. L'auteur des extraordinaires "Leçons sur Tchouang-Tseu" (publié chez le même éditeur, Allia) ne pouvait se contenter de ce double hommage à sa femme et à la Chine sans en rendre un autre, émouvant, circonstancié, attentif à ses beaux-parents, à son beau-père surtout, mais empli d'un certain regret (celui d'avoir si peu, si mal connu cet homme, son épouse et ses autres enfants). Car cet homme, dont sa propre fille Wen, l'avant dernière d'une fratrie de sept rejetons, ne savait presque rien du passé, fut une sorte d'archétype de ce que traversa la Chine du XXème siècle.
Né en 1904 dans une petite ville de Mandchourie, il traversera tous les événements de son temps en témoin involontaire des soubresauts qu'elle aura connu, de la fin de l'Empire en 1911, aux luttes entre Russes et Japon pour se partager ce riche, industriel morceau de territoire - dont le second sortira, un temps, victorieux -, aux premières luttes entre communistes chinois et "nationalistes" (Billeter tient aux guillemets) du Kuomintang et l'aventure presque invraisemblable que cet homme intelligent et intègre suivra auprès d'un véritable personnage de roman, presque inconnu en France, surnommé "Le Jeune Maréchal", qui offrira de lui-même sa propre liberté pour tâcher d'obliger Tchang Kaï-chek, après l'avoir momentanément kidnappé, à joindre sa lutte à celle des communistes de Mao contre les japonais. le père de Wen, l'épouse de Jean-François Billeter, finira sa carrière auprès du "jeune maréchal" comme Lieutenant-colonel. Il eut suffit que lcelui-ci rappelle sa proximité d'avec ce stratège et homme politique fascinant (il en fut le garde du corps) auprès communistes d'après-guerre - ils en maintinrent le souvenir et l'exemple jusque dans les pires moments de la Révolution Culturelle - pour connaitre une belle fin de carrière et une retraite tranquille. Par excès de dignité et par absence totale de vision politique ni de tactique personnelle, cet homme n'en fit rien et vécu dès lors de déchéance en déchéance, convaincu d'être "un ennemi du peuple" et autres billevesées plus infamantes les unes que les autres (il se retrouvera même affublé d'une... étoile jaune !!!), entraînant malheureusement sa famille avec lui. Ses enfants s'en sortirent cependant assez bien, la fameuse Wen devenant même médecin grâce aux aides financières de ses frères aînés.

Il y aurait encore beaucoup à dire pour présenter ce petit livre, d'une richesse et d'une densité incroyables. D'une vraie et modeste beauté, aussi. On se prend à songer, une fois cette très humble autobiographie - humble et volontairement très distanciée - refermée, aux dizaines de millions de mort - certains chiffres malheureusement difficilement démontrables par manque de sources, souvent détruites, évoquent une fourchette oscillant entre 45 et 72 millions de victimes !), aux centaines de millions de déplacés de force, de "rééduqués", d'internés ou d'assignés à résidence que cette folie inimaginable d'une poignée d'hommes propagea dans ce pays aussi immense que riche d'une histoire, d'une culture et d'un peuple fascinants, incroyables, édifiants.

En quelques poignées de pages, en prenant appui sur son expérience personnelle, mais sans jamais en faire l'objet d'une généralité ou d'une leçon exemplaire (ce qu'il reproche d'ailleurs à bien de nos intellectuels occidentaux) Jean-François Billeter dresse le portrait d'une certaine Chine, passée et pourtant toujours un peu présente, malgré le déni pur et simple que les autorités actuelles maintiennent encore, vaille que vaille, de ces turpitudes de près d'un siècle. Un petit ouvrage non seulement nécessaire mais aussi troublant, attachant, beau. Oserait-on parler de coup de coeur ? Sans nul doute, même s'il est difficile de résumer des impressions, des ressentis ainsi qu'un projet tant littéraire qu'humain à cette trop évidente expression.

Un petit opuscule qui ne peut laisser indifférent, de cela, nous sommes absolument certains : Une rencontre à Pékin est un ouvrage pluriel qui nous parle des Amours d'un homme précis, fin, cultivé regardant ce passé sans nostalgie idiote, sans hypocrisie facile ni réécriture avantageuse des souvenirs parfois fuyants ou incertains, mais avec toute la tendresse possible de qui a bien vécu.
Là est peut-être l'ultime leçon.

PS : Précisons que cet ouvrage a été sélectionné par les jurés du «Prix Décembre» 2017, présidé par Eric Neuhoff. Même s'il ne l'obtient pas, cette reconnaissance est amplement méritée.
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Séduit il y a quelques mois par le douloureux "Une autre Aurélia", j'ai enfin lu "Une rencontre à Pékin". Si dans le premier l'auteur témoignait de son deuil quotidien et de sa résilience progressive suite au décès de son épouse chinoise Wen, le présent opus retrace leur rencontre, dans le contexte de la révolution culturelle maoïste.

Jean-François Billeter, de nationalité suisse, part étudier le chinois sur place à la fin des années 1950. Il va très vite rencontrer Wen, une jeune médecin chinoise issue d'une famille nombreuse. Leurs rencontres sont marquées par la retenue. Il y a bien sûr la mentalité chinoise, qui est accentuée et forcée par les complications administratives et diplomatiques. Si Jean-François est assez en vue dans le milieu des ambassades, il se heurte néanmoins à la suspicion des autorités. Il nous retrace dans ce récit ses impressions et les quelques péripéties et petits événements de son séjour qui dure d'abord deux ans. Il se marie avec Wen, puis, devant les dangers de la révolution culturelle, ils rentrent en Suisse. Il retournera en Chine en 1975 puis régulièrement après la mort de Mao.
Les passages les plus émouvants interviennent à mon avis dans le dernier tiers du récit, où l'auteur donne voix à l'un des frères de Wen, qui en 1997, près de vingt ans après la mort de leurs parents, va raconter leur histoire et celle de la famille à Jean-François, qui nous la transmet à son tour, de mémoire.
C'est l'occasion d'une passionnante plongée dans l'histoire de la Chine du XXe siècle, avec sa lutte pour le pouvoir dans la première moitié, entre communistes et réactionnaires du kuomintang de Tchang Kaï Tchek. A travers l'histoire du père de Wen, loyal serviteur d'un des éminents leaders du Kuomintang, l'auteur recueille là un témoignage rare, concret, sur cette terrible période de la révolution culturelle. le père de Wen échappera aux camps de rééducation, mais subira toute sa vie humiliations et restrictions forcées de la part des autorités qui l'ont désigné "ennemi du peuple". Cette famille fait preuve d'une admirable dignité et d'une humilité dans l'adversité. C'est véritablement un témoignage exceptionnel, que cette histoire familiale qui épouse la grande Histoire. Les gens n'osent pas témoigner, et le Parti fait et refait l'Histoire a sa main, à travers l'éducation des jeunes et la main-mise sur tous les rouages de la société.
Finalement, cette partie est me semble-t-il plus forte que la rencontre proprement dite, peut-être par le style un peu sec de l'auteur. On sent l'universitaire, l'intellectuel dans le style, qui ne s'autorise pas de fantaisie ou d'humour. Je trouve qu'on ne découvre pas assez Wen et sa personnalité...à moins que ce ne soit le reflet de la réserve de son épouse ? C'est un léger regret, mais l'émotion naît quand même de ce témoignage du frère, et de la figure de Wen, si charmante sur cette photo de couverture noir et blanc (comme elle l'était, un peu plus âgée dans "Une autre Aurélia"). Sans doute mon énorme faible pour les femmes asiatiques...

En conclusion, deux beaux et précieux petits livres, écrits par un homme au soir de son existence, en hommage à cette charmante étrangère, sa défunte Wen, l'amour de toute sa vie. Une double lecture très recommandée.
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Dans ce récit autobiographique de 2017, le sinologue suisse Jean-François Billeter revient sur son histoire personnelle, et en particulier sur sa rencontre à Pékin avec Wen, la jeune femme qui deviendra son épouse.

« Notre histoire n'est presque rien au regard des évènements qui ont secoué la Chine au cours de ce demi-siècle, mais c'est celle que je pouvais raconter. »

Jean-François Billeter s'est rendu en Chine la première fois en septembre 1963, parti étudier à Pékin depuis la Suisse par le train Transsibérien.

Ce récit c'est l'histoire de sa rencontre avec Wen, croisée avec celle de la Chine du XXème siècle.
La découverte d'une Chine d'alors, avec ses codes et ses traditions, son style de vie, un monde tellement différent de celui connu en Occident - donc à la fois enthousiasmant et stimulant, et aussi, propice aux maladresses, aux imprudences pour un étudiant étranger.

Avec Wen, ils devront composer avec les règles imposées par le Régime et faire face aux complications endurées. Contrôle total par le Parti, pouvoir absolu, propagande, méfiance, puis la Révolution culturelle avec ses prémices et ses conséquences.

« Il m'a fallu deux ou trois décennies pour comprendre les événements catastrophiques qui étaient en gestation à ce moment-là et la véritable histoire du régime, si profondément liée aux pathologies politiques du XXe siècle. »
Rentrés en Europe, ils ne retourneront en Chine la première fois qu'en 1966.
Puis ce sera en 1975 et 1979, et par la suite plus régulièrement qu'ils s'y rendront.

Ce n'est que bien plus tard que le couple découvrira l'histoire incroyable et dramatique des parents de Wen. « Il nous a fallu quarante ans pour apprendre enfin quel était le passé de ses parents ».

Il nous livre ici un récit d'un « passé décanté » pour reprendre les termes de l'auteur, et une histoire racontée tout en pudeur, un hommage, et la volonté de laisser une trace pour que rien ne soit oublié.
*
J'ai aimé cette lecture, le point de vue d'un occidental, étudiant dans les années 60 et parti en Chine à une époque où il n'était pas encore très commun d'effectuer un tel voyage pour y poursuivre des études ; ainsi que l'audace, la curiosité et le courage des deux jeunes gens à braver les difficultés et croire en leur avenir ensemble.
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Voici une autobiographie comme j'aimerais en croiser plus souvent. Discrète, sincère, honnête: un jeune homme qui part étudier en Chine, en pleine Révolution culturelle, sans pour autant se présenter comme un aventurier audacieux, un sinologue précoce,un linguiste distingué: non, comme un étudiant qui saisit une opportunité, sans bien se rendre compte de la situation du pays lointain, des conditions de voyage (le transsibérien...), de la vie quotidienne, du fossé culturel... pas une ligne d'autocélébration, pas une once d'arrogance, la vie telle qu'il l'a vécue, simplement, puis la rencontre avec une jeune fille, les risques pris pour la revoir, les risques imposés à sa famille, et le bonheur qu'on devine sous sa plume délicate et pudique.
Un voyage à faire en compagnie d'un érudit, d'un honnête homme. Un honneur de partager ses souvenirs.
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Ce court récit est touchant par l'histoire narrée et par l'affection que porte l'auteur à sa femme et que l'on ressent à chaque ligne.

Jean-François Billeter nous dévoile ici un peu de son intimité mais toujours avec beaucoup de pudeur. Il nous explique ce qui l'a amené à apprendre le chinois et après à se rendre en Chine, sa rencontre avec sa femme mais aussi les difficultés qu'ils ont dû affronter pour se marier. En effet, il n'était pas aisé à cette époque pour un étranger d'épouser une chinoise.

À travers leur parcours, nous en apprenons plus sur l'histoire de la Chine et notamment cette époque troublée que fut la Révolution culturelle.

Billeter nous explique son manque de connaissances (et des Occidentaux en général) sur la situation du pays à son arrivée en Chine dans les années 60 (mais il y a remédié grâce à la lecture et à sa vie sur place). Il nous montre également la vie particulière menée par les quelques étudiants étrangers à Pékin : le fait d'être parfois suivi, l'interdiction non dite de parler au peuple etc. L'ambiance de plus en plus tendue suite aux bouleversements et aux horreurs de la Révolution culturelle est elle aussi rendue avec clarté.
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Une rencontre à Pékin de Jean-Francois Billeter

@allia
Premières phrases : »Cette rencontre a eu lieu il y a un demi-siècle. Je ne l'ai pas racontée jusqu'à ce jours parce que je ne savais pas comment m'y prendre. »

Jean-François Billeter nous plonge au coeur de la Chine des années 60, la Chine de Mao Tse Tong.
Une Chine, où habitants et étrangers ne doivent pas échangés, les chinois doivent continuer à ignorer ce qui se passe hors des frontières du pays et les étrangers ne doivent pas trop en apprendre.
L'auteur est étudiant, quand il obtient son autorisation pour poursuivre ses études durant 3 ans à l'université de Pékin. C'est lors d'une soirée dansante et par un hasard incroyable qu'il fera la connaissance de Wen.
Mais la police d'état veille, aucune liberté, aucun rapprochement n'est toléré et les risques encourus par Wen sont importants.
La seule solution, le mariage mais l'on ne se marie pas en Chine comme en Suisse.
Ce court roman n'est pas qu'une histoire d'amour, c'est l'histoire d'une rencontre avec une femme, avec une famille et son passé et surtout avec un pays.
Emma aime
- La transcription en pinyin
- le raffinement de l'écriture
- Ce couple attachant et têtu
- Penser que mon fils de 14 ans visitait un tout autre Pékin, il y a 6 mois.

Lien : https://www.instagram.com/le..
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Ce roman, autobiographique, raconte l'histoire de ce jeune étudiant Suisse parti en Chine perfectionner son chinois. Sur place, il fait la rencontre de Wen et en tombe amoureux. Les codes de l'époque les obligent à beaucoup de prudence d'une part, et également à se marier pour vivre leur amour d'autre part, ce qui est tout sauf simple. Ce récit, très simple, vaut surtout pour la peinture de la société chinoise. En particulier l'histoire du père de Wen, en fin d'ouvrage, offre une vue effrayante des années Mao. C'est bien écrit, facile à lire, un peu laconique parfois. C'est le récit d'une époque révolue, d'un monde englouti. L'auteur rend un vibrant hommage à sa femme et à sa famille. C'est très réussi finalement.
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C'est un petit livre précieux, ravissant, qui nous raconte une histoire d'amour.
L'auteur, un jeune sinologue suisse partage avec nous sa rencontre avec Wen, jeune médecin chinoise, dans les années 60 durant ses études en Chine.
Plongée poétique et cruelle dans ce pays où tout semble entre parenthèses, où tout est tu, où le simple fait de se baigner avec une Chinoise dans une piscine alors que l'on est étranger est un crime. Où une fiancée ne prévient pas ses parents qu'elle va épouser un étranger.
C'est une quête de soi et de l'autre, la patience et le courage d'un couple qui se connaît à peine, mais qui s'est choisi pour la vie.
Une très belle écriture simple et sincère qui nous porte loin, très loin dans les émotions, les frissons, et la connaissance de ce monde étroit que fut la Chine.
On apprend aussi la vie des parents de Wen et c'est une déchirure.
Un très beau récit, vraiment.
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Ce livre est un objet bien singulier et une oeuvre atypique, un beau roman d'amour et en même temps un témoignage précieux qui permet d'observer l'histoire de la Chine sur un demi-siècle. Cette édition m'a énormément touché car la vie de Jean-François Billeter est indissociable de la Chine et indissociable de Cui Wen, la femme qu'il a rencontrée lors de ses voyages dans ce pays inconnu, cette Wen qu'il a aimée toute sa vie et avec qui il a mené un travail universitaire de haut niveau.
On a là une vision de tout ce qui peut faire qu'une vie peut devenir ensuite par l'écriture une création et une oeuvre d'art pouvant faire sens pour le lecteur.
C'est émouvant à chaque page et on en apprend beaucoup grâce à ce grand connaisseur de la Chine – il y a consacré toute sa vie – qui nous permet d'approcher la réalité en restituant, il me semble, ses souvenirs sans romancer. On est bien loin de l'autobiographie de Romain Gary dans « la promesse de l'aube », où l'auteur joue avec ses souvenirs. Ici on a une autobiographie toute autre, très méticuleuse, un homme qui cherche à retenir le temps et à prolonger le bonheur vécu avec Wen.

Il commence ainsi et je trouve que ce début donne envie de découvrir quelle a été cette rencontre : « CETTE RENCONTRE a eu lieu il y a un demi-siècle. Je ne l'ai pas raconté jusqu'à ce jour parce que je ne savais pas comment m'y prendre. Je le fais maintenant pour qu'une trace subsiste d'évènements qui ont tant marqué ma vie. » Simple et belle entrée en matière !
On découvre en deux ou trois pages magnifiques que l'auteur, après avoir passé une année à se chercher, dit-il, puis une année de langue chinoise en 1962, va partir étudier la langue en Chine dans les années 1963 à 1966, soit trois années d'immersion dans un pays très fermé à cette époque.
Il rencontre alors Wen – « Il y eu ensuite notre excursion au Ravin des cerises (Yingtaogou). » – qu'il épouse en Chine et avec qui il passera toute sa vie avant de lui consacrer ce livre après le décès de celle-ci en 2012. Une entreprise qui croise les différences de culture et les destins personnels avec en toile de fond la période maoïste et le début de la révolution culturelle.
« J'ai aussi tenté de suggérer ce qu'est l'histoire vécue. Les historiens ne peuvent le faire, car ils viennent après et connaissent la suite… Ils ne peuvent pas restituer l'angoisse et les espoirs de ceux qui sont pris dans l'histoire en train de se faire ».

Après les trois années passées en Chine, ce sera le retour en Suisse avec Wen. Ils enseigneront le chinois à Paris, puis l'auteur apprendra le japonais car, à défaut de pouvoir repartir en Chine pour terminer ses études, ils choisiront d'aller pendant deux ans au Japon. Wen n'aura aucune nouvelle de sa famille pendant cinq ans, leur premier retour dans son pays aura lieu en 1975. Les derniers chapitres sont consacrés à l'histoire de la famille racontée entre autre par le frère de Wen.

C'est un beau petit livre à la couverture très agréable, douce au toucher, cent quarante pages d'une magnifique typographie, un livre précieux par la belle et simple écriture de l'auteur cherchant tel un scientifique à restaurer le passé.

Jean François BILLETER a écrit dans un autre petit livre de 92 pages, tout aussi beau et doux, une suite concernant les impressions au jour le jour après le décès de Wen. Très différent mais tout aussi intéressant « Une autre Aurélia » fera l'objet d'un article séparé sur ce blog afin de respecter l'oeuvre avec un premier livre pour les souvenirs des années heureuses de la rencontre puis un autre livre pour le travail de résilience.

Jean François BILLETER est né à Bâle en 1939. Il est sinologue, essayiste et professeur d'université à Genève et Zurich. Il a écrit sur l'art chinois de l'écriture ainsi que des ouvrages plus philosophiques sur la pensée chinoise. Il a mis au point avec Cui Wen une façon d'enseigner le chinois qui a fait ses preuves depuis et que celle-ci n'a ensuite cessé de perfectionner au fil des années de collaboration avec son mari.

Notes avis bibliofeel octobre 2019, Jean-François Billeter, Une rencontre à Pékin

Lien : https://clesbibliofeel.blog/
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