pbConversation avec James Lee Burke - Guillaume Binet - Babelio
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EAN : 9782221190036
29 pages
Robert Laffont (25/06/2015)
4/5   2 notes
Résumé :
Quand Richard Ford ouvrit la porte, le vent du nord faisait tinter les grelots de glace dans les arbres du Maine et la mer rugissait dans la tempête. Sur les murs de son studio de Santa Monica, Dennis Lehane avait punaisé les plans des trois scénarios et des deux romans sur lesquels il travaillait. Les yearlings de l'année galopaient devant le ranch de Tom McGuane. Et dans la cabane de Russell Banks, perchée sur une colline des Adirondacks, un air très doux passait ... >Voir plus
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QUESTION
Vous avez été pauvre ?


JAMES LEE BURKE
— Oh oui. Fauché en tout cas. Ma femme, nos enfants et moi nous avons vécu partout entre la Californie et la Floride, nous avons fait tous les sales boulots qu’il y a. Ma femme a été serveuse. Elle a enseigné dans ce qui est considéré comme la pire école d’Amérique, Manual Art Highschool à Los Angeles. J’ai été travailleur social sur Skid Row, journaliste, chauffeur de camion, j’ai travaillé dans le pétrole, et comme découpeur de parcelles dans les forêts. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour gagner ma vie. On a vécu dans un taudis à LA, dans une caravane dans les Appalaches. C’était une propriété du service des Forêts, mais c’était très rudimentaire.

Toutes ces choses ont trouvé une nouvelle vie dans ma fiction et j’ai appris beaucoup sur une autre Amérique. L’Amérique des basfonds. Dans les Appalaches, dans le Kentucky des années 60, on voyait des enfants dont les vêtements avaient été taillés dans des sacs de pommes de terre qui allaient pieds nus dans la neige. Le premier jour de l’année, à l’école, mon fils a vu des gosses se laver les mains dans la cuvette des toilettes. Ils ne savaient pas ce que c’était, ils n’avaient jamais eu l’eau courante.

J’ai écrit là-dessus, "Vers une aube radieuse", qui a été refusé par quatorze maisons, chaque fois pour la même raison : les éditeurs n’y croyaient pas. Ils disaient que ça ressemblait aux années 30. Ils avaient tort. C’était l’Amérique, notre Amérique.

Pendant toutes ces années, ma femme Pearl et mes enfants m’ont aidé. Les gens qui changent le monde sont ceux qui disent non, non au statu quo : Jésus, Martin Luther, Daniel Berringan [prêtre, poète et activiste, né en 1921], Galilée… George Orwell a dit que les auteurs ont une vanité, une compulsion à corriger l’histoire. L’auteur ne peut trouver le repos car il a la conviction de voir quelque chose qu’il doit partager. Vous savez, William Faulkner a dit, avant de mourir : « Si je n’avais pas écrit ces livres, une autre main les aurait écrits pour moi. » Vous connaissez aussi l’histoire de Mozart et Salieri ? Mozart avait ce talent, mais c’était un bouffon. Salieri était un travailleur acharné mais il ne lui arrivait pas à la cheville. Il haïssait Mozart, il blâmait Dieu de lui avoir donné un tel talent. Un jour, il offre sa nouvelle composition à Mozart, qui la joue avec les orteils !

Quand on enseigne l’écriture, on se rend compte que le talent n’a rien à voir avec l’éducation, ou quoique ce soit. On peut être serveuse ou camionneur et l’avoir. Car il vient d’ailleurs. C’est le doigt divin qui vous a désigné. J’ai entendu des voix toute ma vie. Je ne dirais jamais ça à un psychiatre, c’est de la schizophrénie avérée. Mais tous les artistes le savent, on entend des voix. On entend des voix dans le vent, on entend des gens parler dans l’ascenseur et on sait tout de suite que c’est une histoire.



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QUESTION
Quels conseils leur donniez-vous, en plus de lire ?


JAMES LEE BURKE
—Ne jamais abandonner. Jamais. Quoiqu’il arrive. Parfois, un étudiant me
demandait « Hey Jim, penses-tu que j’ai du talent ? Devrais-je continuer ? » Je
ne répondais pas. C’est une mauvaise question. Quand on l’a, on le sait. Ça vous vient d’ailleurs, c’est un don. Si vous l’avez, vous ne pourrez rien faire d’autre.

Vous ne serez pas heureux. Peu importe que les gens aiment ou pas ce que vous faites. Peut-être que c’est de l’arrogance, de la vanité, mais je n’ai jamais été ennuyé par les refus. Et on m’a refusé des centaines et des centaines de fois ! Au milieu de ma carrière ! (Nouveau fou rire.)

QUESTION
Mais d’abord racontez-moi comment s’est passée la publication de votre premier roman.

JAMES LEE BURKE
— J’ai écrit "La Moitié du paradis" très jeune, de vingt et un à vingt-trois ans. J’avais terminé mes études et je travaillais pour une compagnie pétrolière, sur un pipeline. Je me suis marié pendant mon premier cycle universitaire et nous avons eu notre premier enfant quand nous étions en second cycle. Oh ce que nous étions fauchés ! Tous les étudiants sont fauchés, mais avec un enfant ! Donc j’ai eu besoin de ce travail sur un pipeline. Ça payait bien et j’écrivais en même temps. J’avais un carnet de notes sur moi en permanence. J’écrivais à la main.

J’ai trouvé un agent, un réfugié de l’Europe hitlérienne. Il était juif et avait fui l’Autriche. Il vivait à New York. Je lui avais été présenté par un ancien de la brigade Lincoln que je connaissais et qui était son auteur. Cet agent a mis cinq ans à réussir à vendre mon livre, nous avons essuyé beaucoup de refus, mais il a réussi. Et le New York Times m’a consacré un article de six colonnes en manchettes. C’était énorme ! Alors je me suis dit : « C’est fantastique ! Qu’estce que vous avez d’autre en réserve pour moi ? » J’ai publié deux autres romans qui n’ont pas si mal marché et puis j’ai écrit "Le Boogie des rêves perdus". Je m’attendais à ce que tout se passe comme pour les autres mais ça n’a pas été le cas. Ça a été refusé par tous les éditeurs.

J’ai fini par changer d’agent, erreur de jugement car c’était un homme bien, j’en ai pris un autre et je l’ai regretté. Et ça a duré treize ans, pendant lesquels je n’ai plus eu d’éditeur, mes livres n’ont pas été éimprimés, rien. J’ai rencontré mon agent actuel, Philip Spitzer, dont la famille est originaire d’Alsace. Il dirigeait une agence dans laquelle il était seul.

Il était chauffeur de taxi dans Hell’s Kitchen et agent littéraire ! C’est un combattant, il pourchassait les voyous dans Central Park. Un jour, il a été agressé par deux types armés d’un calibre 45 et il les a poursuivis ! C’est mon agent ! C’est cet homme qui a continué de soumettre "Le Boogie des rêves perdus" pendant neuf ans. J’ai eu cent onze refus.



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QUESTION
Avez-vous reçu de bons conseils, durant cette période difficile ?


JAMES LEE BURKE
— On ne peut pas aider un artiste. L’artiste doit accepter qu’il ne peut pas influer le destin de son œuvre. Il la créée, ensuite, il ne pourra pas changer l’attitude des gens à son égard. Tout ce qu’on peut faire, c’est continuer jusqu’à ce qu’on soit récompensé et si on ne l’est jamais, eh bien on sera une ersonne très déprimée et très en colère.





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