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4,01

sur 2249 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est mon 3ème livre de Laurent Binet, et la 3ème fois que je succombe à l'efficacité de sa curiosité, à sa rigueur presque (mais seulement presque) scientifique. Il a le talent de raconter des histoires qui flattent notre mémoire et les dispenseront de l'oubli. L'emploi de la 1ère personne inquiète au début mais ne lasse finalement pas.

Il est ici à l'opposé de sa marque de fabrique (à base d'uchronie ou de délires mixés avec la réalité) : il cherche à photographier le réel de l'histoire et n'y insère des lignes fictionnelles pour relier les pointillés des faits qu'en prévenant le lecteur.

Son seul défaut est peut-être de ne jamais vraiment nous surprendre (au contraire d'un Tristan Garcia) mais il le fait avec légèreté, densité, et talent, si bien qu'on ne s'ennuie jamais avec lui.

Je ne suis pas un grand spécialiste de la période 1935-1945, mais j'ai appris beaucoup de choses que j'espère retenir, en particulier sur le contexte tchèque de l'expansionnisme nazi et de la Shoah.

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Citation marquante : "C'est amusant de constater comment, lorsqu'on s'intéresse de près à un sujet, tout semble nous y ramener."

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J'ai toujours aimé les écrivains qui questionnent les genres littéraires et qui jouent avec le lecteur. du coup, ca me plait bien quand Laurent Binet, au nom de la véracité, s'attelle à écrire un roman expurgé de toutes ficelles romanesques. Évidemment cette narration hachée en chapitres condensés et brefs vous tient et on a beau connaitre l'histoire, on espère, on voudrait...Mais, non, on ne réécrit pas L Histoire.
Alors, certes, parfois l'auteur est maladroit avec ces jugements à l'emporte-pièce. Certes il y a quelques lourdeurs répétitives. Mais les faits sont là, magnifiquement bien retranscrits. Et le romanesque est là aussi. Un auteur qui devient personnage de son propre roman : où s'arrête le réel et où commence la fiction Monsieur Binet ?
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Un roman historique qui se refuse à en être un puisque l'auteur ne veut - et ne peut - romancer les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale. Une biographie qui n'en est pas une puisque l'auteur ne peut avoir toutes les informations, ne peut connaître toutes les pensées de son personnage qui d'ailleurs n'en est pas un, puisque c'est un homme réel, la Bête blonde du nazisme. L'originalité du roman vient des interrogations constantes de l'auteur sur la forme même que doit prendre son oeuvre, il nous fait partager ses scrupules à se heurter à l'histoire. Les trente dernières pages sur l'attaque de l'église sont un moment de mémoire et d'épopée.
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Alors ça, je ne savais pas que 2 hurluberlus tchèques avaient réussi à tuer un général allemand en pleine rue. du coup, j'ai appris pleins de choses sur les armées des ombres des pays occupés en 40, et comment tout était affaire de chance, ou de malchance. Mais des découvertes, j'en ai sans doute moins faites que l'auteur lui-même qui se documente sur son sujet, sujet qui l'envahit peu à peu et dont il nous fait partager cette invasion jusque dans sa vie privée. Car il est question dans ce livre, que je ne peux appeler "roman" du travail de documentation et de préparation de son texte par un auteur. Auteur qui prend de la distance avec son sujet, et qui fait parfois preuve d'humour : "le sport, c'est quand même une belle s....loperie fasciste." p.277 Une narration intéressante à plus d'un titre, donc, un livre qui ne fait la part belle à personne - l'auteur s'en empêche - et un écrivain à suivre.
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Moi je pensais que c'était un livre marrant, ou censé être marrant (HaHahaHa, vous voyez), et donc je m'attendais à ne pas rire (l'injonction ne marche pas bien sur moi). Et à trouver cela consternant, malgré le bandeau. Puis finalement, il ne s'agit pas d'un livre marrant.
Livre bâtard tout de même, entre un livre historique et un livre auto-fictionnel (?) dans lequel un narrateur au présent explique son état d'esprit et sa manière de construire son histoire. Son histoire étant de raconter un fait qu'il estime majeur de la 2eGM.
Je reste dubitatif. Je ne sais pas ce que je pense de cette forme. A la fois, ça donne une certaine saveur dans la narration, et peut aussi faire passer la passion de Binet pour son sujet. On la palpe. Et ça c'est bien. Oui, il en devient donc un passeur et à ce titre pas neutre et donc intérêt de le connaître... Ben, en rédigeant cela (toujours spontanément), je pense plutôt du bien de la chose et de l'objet, finalement.
Certaines descriptions des faits sont un peu longuettes pour moi, mais ça fait partie du jeu proposé.
Je n'aurais pas du tout attribué un Goncourt du premier roman, parce que sur le plan purement littéraire on n'y est pas. Mais un prix du premier roman historique, peut-être. Mouais...
En tout cas, en soi, cette lecture en vaut le prix. (Et je ne dis pas cela seulement parce que je l'ai trouvé à 1euro dans une librairie de seconde main.)
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Critique tirée de mon blog www.marcbordier.com.
HHhH. Au premier abord, le titre laisse perplexe. Que signifie cet étrange acronyme ? Pour le savoir, il faut se reporter à la quatrième de couverture de l'ouvrage. Himmlers Hirn heißt Heydrich. le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich. Ces quatre lettres résument l'admiration que les SS témoignaient à Reinhard Heydrich, chef de la Gestapo et des services de renseignement nazis, resté célèbre dans l'histoire pour avoir été à l'origine de la solution finale. Ce roman raconte sa vie : son enfance dans la ville de Halle sous l'influence d'un père musicien, son entrée dans la marine allemande, son mariage, ses débuts chez les SS, ses faits d'armes à la tête des Einsatzgruppen, ces unités SS chargées de « nettoyer » les territoires occupés, son ascension au sein de l'appareil nazi jusqu'à la tête du Reichsprotektorat de Bohême-Moravie , où il gagna le surnom de « Bourreau de Prague » et s'illustra en organisant la conférence de Wannsee (20 janvier 1942), au cours de laquelle les plus hauts dignitaires nazis décidèrent et planifièrent l'extermination des juifs en Europe. Mais HHhH est aussi et surtout le récit de l'attentat qui lui coûta la vie; c'est le roman passionnant du plus haut fait de la résistance tchèque, l'opération « Anthropoïde », orchestrée depuis Londres par le Président tchécoslovaque en exil Edvard Beneš et menée à bien par deux parachutistes au courage extraordinaire, le Tchèque Jan Kubiš et le Slovaque Jozef Gabčik; enfin, c'est l'histoire incroyable du combat qu'ils ont livré jusqu'à la mort dans une église de Prague face à sept cents SS.

Autant vous le dire tout de suite, j'ai adoré ce livre, et je ne dis pas cela seulement par sympathie personnelle pour son auteur. Tout d'abord, le sujet me passionne. Etant à la fois citoyen tchèque, praguois de coeur et petit-fils de résistant français, je suis particulièrement touché par cet événement historique. Mais il n'est nul besoin de revendiquer ces origines pour se pencher sur cette période. Comme en témoigne le récent succès du documentaire d'Isabelle Clarke Apocalypse – la 2ème Guerre mondiale, il existe chez le public un véritable intérêt cette période tragique, et je ne doute pas que les faits relatés dans HHhHtrouveront une oreille attentive chez de nombreux lecteurs.

Ensuite, Laurent Binet fait preuve d'un réel talent de romancier. Son travail de documentation impressionnant lui permet de restituer avec fidélité et relief l'ambiance de l'époque à travers quelques épisodes, comme ce match de football entre ukrainiens et nazis, dont les enjeux ont dépassé la simple rencontre sportive pour tourner à l'affrontement symbolique entre opprimé et oppresseur. A ces choix judicieux, il ajoute un traitement narratif souvent original, comme lorsqu'il raconte la nuit des longs couteaux (l'élimination des SA par les SS le 20 avril 1934) sous la forme d'une série de répliques de dialogues téléphoniques brefs échangés depuis le quartier général des SS (pp. 62-63). La brutalité n'est pas seulement dans le contenu des propos (« Allô ! Il est mort ?… Laissez le corps sur place. Officiellement, c'est une suicide. Placez lui votre arme dans la main… Vous avez tiré dans la nuque?… Bon, ça n'a aucune importance. Suicide. »), mais aussi dans leur succession rapide, comme si toutes ces morts accumulées n'avaient aucune importance. En digne héritier de la tradition littéraire française classique, Laurent Binet fait également bon usage de figures stylistiques éprouvées pour susciter et entraîner l'intérêt de son lecteur. Il semble affectionner particulièrement l'anaphore et les effets de rythme et de mise en emphase provoqués par le retour à la ligne. On les retrouve dans les moments clés du roman, comme dans ce passage (p. 16) : « Il y avait les traces encore terriblement fraîches du drame qui s'est achevé dans cette pièce voilà plus de soixante ans […] Il y avait aussi les visages des parachutistes sur des photos […], il y avait le nom d'un traître, […], il y avait Londres, il y avait la France, il y avait des légionnaires, il y avait un gouvernement en exil, […], il y avait une ville entière sous la coupe de celui qu'on surnommait « le bourreau », il y avait des drapeaux à croix gammée et des insignes à tête de mort, il y avait des espions allemands qui travaillaient pour l'Angleterre, […], il y avait la grandeur et la folie, la faiblesse et la trahison, le courage et la peur, l'espoir et le chagrin, il y avait toutes les passions humaines réunies dans quelques mètres carrés, il y avait la guerre et il y avait la mort, il y avait la Bohême, la Moravie, la Slovaquie, il y avait toute l'histoire du monde contenue dans quelques pierres.
Il y avait sept cents SS dehors. »
(à mon grand regret, j'ai été obligé de tronquer la citation car elle serait trop longue, surtout pour un article de blog, mais lisez ce passage et vous constaterez qu'il est un véritable morceau de bravoure). Plus loin dans le récit (pp.343-344), on trouve la scène très réussie de l'attentat, racontée du point de vue d'un Heydrich parvenu au sommet de sa carrière, et dont la rêverie vaniteuse et narcissique au premier plan d'une Mercedes noire lancée à pleine vitesse dans les rues de Prague est brutalement interrompue par l'apparition d'un résistant armé venu le mitrailler : « Votre instinct de policier est-il engourdi par les rêveries qui traversent votre cerveau tandis que file la Mercedes ? Vous ne voyez pas en cet homme qui porte un imperméable sous le bras par cette chaude journée de printemps et qui traverse devant vous l'image de votre présent qui vous rattrape.
Que fait-il, cet imbécile ?
Il s'arrête au milieu de la route.
Pivote d'un quart de tour pour faire face à la voiture.
Croise votre regard.
Fait voler son imperméable.
Découvre une arme automatique.
Pointe l'arme dans votre direction.
Vise.
Et tire. »
Ces passages fortement stylisés sont de loin ceux que je préfère dans le roman car ils donnent à l'épisode historique de l'assassinat d'Heydrich par la résistance tchèque une véritable dimension héroïque et tragique.

Enfin, le mérite de ce livre est aussi selon moi à situer sur un plan strictement littéraire : en montrant ouvertement et sans fard les efforts du romancier, ses hésitations, ses partis pris, ses doutes et ses erreurs, HHhH interroge le rapport entre réel et fiction. Comment raconter un fait historique sans artifices ? Comment la fiction littéraire peut-elle approcher au mieux la réalité ? Par bien des aspects, ce roman puzzle s'apparente à une cathédrale qui se construit sous nos yeux. Avec honnêteté et courage, l'architecte Laurent Binet nous emmène derrière la façade et nous promène sur les échafaudages. Il nous montre les difficultés de l'écriture romanesque et partage avec nous ses scrupules, comme lorsqu'il met en scène un dialogue entre le jeune Heydrich et son père (p. 14) pour ensuite descendre en flèche son propre travail en soulignant le caractère surfait et malhonnête de la scène (« Rien n'est plus artificiel, dans un récit historique, que ces dialogues reconstitués à partir de témoignages plus ou moins de première main, sous prétexte d'insuffler de la vie aux pages mortes du passé »). Ces étranges réflexions qui jalonnent le roman lui confèrent une saveur particulière et l'insèrent dans la lignée des oeuvres qui, de Madame Bovary à la préface de la Comédie humaine en passant par les travaux de György Lukàcs ou Henri Mitterand, questionnent le rapport entre réalité et littérature.
Lien : http://www.marcbordier.com
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Relecture.
Une seconde fois j'ai voulu replonger dans cette histoire, m'y retrouver encore une fois. Allez savoir pourquoi, je n'ai pas osé me poser la question.
Bref.
Encore une fois j'ai tremblé en "vivant" à travers le roman ces instants d'espoir incertain, de désir d'en finir, et de voir l'histoire changer. Malheureusement, rien n'a changé.
Je considère toujours que malheureusement l'histoire en elle-même évoquée dans le résumé et mise en avant par l'auteur arrive trop tardivement, après de multiples circonvolutions autour de l'auteur lui-même et de son intérêt pour l'histoire, etc. Cependant, même si le point d'orgue du roman et ce qui est, pour moi, son intérêt premier arrive tardivement il constitue tout de même quelque chose d'assez important, et intéressant, pour effacer en quelque sorte la lenteur du début. En somme je ne sais pas si je recommanderais ce roman à quelqu'un qui veut véritablement en apprendre plus sur l'histoire et notamment cet évènement, mais pour un lecteur qui sait à quoi s'attendre, alors oui.
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Depuis 1934 , Rheinhard Heydrich collabore ardemment à l'ascension des doctrines totalitaires, gravit très vite les échelons, devient chef de la sécurité du 3ème Reich et pièce majeure de l'organisation de « la solution finale ». En 1942, il est Protecteur de la Bohême- Moravie.

Depuis Londres, la Résistance s'organise et prépare « l'opération Anthropoïde » qui vise à éliminer celui que l'on surnomme « le boucher de Prague ». Deux résistants, : Joseph Gabcik et Jan Kubis qui « foulent le sol sacré de Prague le 8 janvier 1942 pour la première fois », sans logement, sans ravitaillement, sans papiers… deviendront les héros tchécoslovaques, au terme d'un attentat à très hauts risques qui marquera le début du reste de leur vie.

Depuis quelques mois déjà, Heydrich et les Einsatzruppen poursuivaient le travail d'élimination des juifs en mettant en oeuvre des actes d'une rare barbarie. On connaît le sort réservé aux travailleurs étrangers employés de force aux quatre coins du Reich…
L'assassinat de Heydrich sera le détonateur d'une revanche sans nom qui permettra à l'opinion mondiale de prendre conscience de la haine des nazis qui, jusque-là « appliquaient une discrétion de façade qui permettait à certains, s'ils le désiraient, de se voiler la face quant à la nature profonde du régime ».

Dans un style d'autofiction, Laurent Binet s'approprie la ville de Prague dont chaque quartier lui est familier pour y inclure les éléments historiques qu'il a longuement et minutieusement rassemblés. Cette mise en scène personnelle pourrait être interprétée comme un certain narcissisme. Personnellement, j'ai apprécié cette façon de faire jouer le questionnement qui instaure en même temps une sorte de dialogue permanent entre l'auteur et le lecteur, donne au roman un certain dynamisme en jouant sur les temporalités, ce qui porte par ailleurs « l'intrigue » avec originalité.
Enfin, je fais miennes ces phrases de Laurent Binet « La mémoire n'est d'aucune utilité à ceux qu'elle honore, mais elle sert celui qui s'en sert. Avec elle, je me construis, et avec elle, je me console ».
Lien : https://mireille.brochotnean..
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En commençant cet ouvrage, je ne connaissais rien de l'opération « Anthropoïde » qui s'est déroulée à Prague lors de la seconde guerre mondiale.

En 1942, deux parachutistes tchèques sont mandatés par Londres pour assassiner un membre de la Gestapo dont je connaissais vaguement le nom, mais pas l'histoire : Reinhard Heydrich. Bras droit d'Himmler, celui qu'on nommait "le bourreau de Prague" est le planificateur de la Solution Finale.

Au fil des pages, Laurent Binet, nous livre ses réflexions sur l'écriture de son roman : Il raconte l'enquête historique minutieuse qu'il a menée et nous fait part de ses états d'âme quand il prend le parti d'imaginer les scènes dont l'histoire n'a pas gardé de traces.

Tout m'a passionnée dans ce roman : le fait historique, la façon de le raconter et les réflexions de l'auteur sur sa démarche. J'ajoute que le lecteur, Emmanuel Dekoninck, est excellent.
Lien : http://www.sylire.com/2020/0..
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Un livre captivant qui retrace un épisode de la résistance tchèque pour assassiner Reinhard Heydrich, surnommé le "Boucher de Prague".

Prague, 1942, opération "Anthropoïde": deux parachutistes tchèques sont chargés par Londres d'assassiner Reinhard Heydrich, le chef de la Gestapo et des services secrets nazis, le planificateur de la Solution finale.
Heydrich, le bras droit d'Himmler. Chez les S.S, on dit de lui:"HHhH". Himmlers Hirn heiBt Heydrich - le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich.

Un livre très bien documenté et qui analyse en profondeur la vie personnelle de Heydrich ainsi que son ascension au sein du parti nazi.

Ensuite, la construction du récit m'a parut très intéressante et originale car elle mêle à la fois l'exactitude des faits historiques et les réflexions, les hésitations de l'auteur sur l'écriture du livre en lui-même. Comment aborder un tel sujet, l'histoire d'un monstre, sans tomber dans le romanesque?

Sur ce point, je pense que le résultat est réussi, ce qui donne un livre hors du commun.
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