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sur 802 notes
Perspective(s) de Laurent Binais – Editions Grasset – 2023
‘Bonjour les Phoenix costauds ! On s'attaque à un des Livres à la mode du moment (parmi ceux) de la rentrée.
Repéré chez @mcd30 (en espérant ne pas me tromper cette fois !) -
Le narrateur dit qu'il a révisé son avis sur Florence, qui est une chic ville. Il parle d'événements qui ont eu lieu il y a plusieurs siècles.
Dès le départ, on nous donne un glossaire des personnages. Ce qui se fait généralement dans les mangas… Mais pas au premier tome ! Quel intérêt de lire la feuille de personnage d'un perso dont on a pas encore suivi les aventures ? Et puis, si je veux savoir qui est qui, je dois revenir au début à chaque fois ? J'aimerais mieux que les efforts soient dispensés dans les aide-mémoires intra book ; -)…
On suit la correspondances de gens plus ou moins « de la haute » fut un temps… Immémoriaux, lol !! J'aime le genre épistolaire mais j'aime vivre avec mon époque ; ). Vous ne direz mais Charles alors pourquoi tu Lis ce Livre ? Eh bien la réponse est simple !! Je me force ! Au moins, j'ai essayé!! èé Pour les romans phares du moment… S'il est si populaire, c'est sans doute parce que des tas de gens l'ont trouvés bien, peu importe au Final ce que moi j'en pense, perdu dans la multitude x-)…
Bon d'accord tu vois !! J'aime pas trop le style rétro… Mais la plume est pas dégeu.
Voilà désolé j'en dirais pas plus !! Je n'ai pas du tout accroché, même en insistant.
@+++
Phoenix.
Lien : https://linktr.ee/phoenixtcg
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Jacopo da Pontormo, le peintre travaillait depuis onze ans d'années sur une fresque dans la chapelle de San Lorenzo, qui devait rivaliser avec la Chapelle Sixtine lorsqu'il a été retrouvé mort, alors qu'une partie de sa fresque avait été recouverte par une main mystérieuse. de surcroît, un tableau où figure le visage de la fille du Duc a également disparu…

Le Duc de Florence, Cosimo de Médicis qui règne sur Florence demande qu'une enquête sont diligentée pour arrêter l'assassin et confondre l'auteur de la réfection du mur et la confie à Giorgio Vasari. Bronzino est chargé de continuer le travail entamé par Pontormo ce qui le place dans une position délicate.

Cosimo qui règne sur Florence, est le frère de Catherine de Médicis, et l'époux de la très croyante Eléonore de Tolède dont il a eu deux filles Maria et Lucretia et il envisage d'étendre son empire, allant jusqu'à vouloir marier Maria avec Alfonso d'Este, le fils du Duc de Ferrare, bien plus âgé qu'elle et violent de surcroît. Les relations entre Catherine et Cosimo sont loin d'être au beau fixe d'autant plus qu'elle a accueilli à la Cour le Général Strozzi, ennemi juré du Duc…

L'auteur a choisi le roman épistolaire pour résoudre l'énigme, nous proposant de 176 lettres échangées entre les artistes au cours de l'année 1557 : Michel-Ange, Bronzino, Vasari, ou entre Catherine et Maria de Médicis, ou bien encore entre Cosimo et son épouse etc… Ce qui rend l'enquête encore plus passionnante car on revisite la ville de Florence, les querelles de pouvoir, les intrigues de Cour, les luttes de pouvoir alors que, sous l'influence du nouveau Pape Paul IV on assiste à un retour à la rigueur, les nus en peinture ne sont vraiment plus d'actualité, car contraires à la morale, on persécute les artistes, les homosexuels…

Les échanges entre deux soeurs, ferventes adeptes de Savonarole, qui voit le péché partout et se mêlent de politique, entre deux prières, sont savoureux…

J'ai beaucoup aimé ce roman que j'ai dévoré, car il raconte la vie aux temps des Médicis, Florence et son histoire et je le trouve étrangement d'actualité, quand on voit monter en puissance, les intégrismes, les intolérances de toutes sortes, les interdictions comme l'avortement et probablement bientôt la pilule au train où vont les choses, tout cela au nom de Dieu…

J'ai retrouve avec plaisir la plume de Laurent Binet dont j'avais beaucoup apprécié « Civilizations » et explorer cette rentrée littéraire en sa compagnie a été un pur bonheur!

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteur.

#Perspectives #NetGalleyFrance !
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Florence, 1557. Jacopo Pontormo, peintre florentin, est retrouvé assassiné au pied de son oeuvre : une des plus grandes fresques de la Renaissance. 

Un couteau, un marteau et un tableau repeint rapidement sont les seuls indices laissés à Vasari, l'homme chargé de mener l'enquête.

Commis par le duc de Florence, il correspond notamment avec Michel-Ange, installé à Rome, les élèves de Pontormo, et différentes personnalités influentes de Florence. 

À travers l'ensemble de ces correspondances, il doit démêler cette affaire, démasquer le coupable, en toute discrétion.

“perspective(s)” est un polar historique épistolaire. 

Toute l'intrigue est construite autour des courriers que s'écrivent les différents protagonistes. 

On entre ainsi dans le monde de l'art avec les plus grands peintres et leurs apprentis, le milieu de l'église et des couvents, mais également au sein du pouvoir politique. Pour quelles raisons un grand peintre tel que Pontormo a-t-il été une menace dans Florence,  ville d'art et de culture ?

Nous découvrons la famille Médicis entre Catherine, Reine de France, Cosimo, Duc de la République de Florence, sa fille Maria, promise à un beau mariage.

Envie, jalousie, manigances politiques, mépris de la papauté, ou tromperies sont successivement suspectés. 

J'ai beaucoup aimé ce roman qui nous emmène dans l'Italie de la Renaissance, à Florence, ville d'art, en pleine évolution. On traverse ses rues, on découvre le mode de vie de ses habitants,  on traverse le pont Vecchio sur l'Arno, on visite ses monuments surtout celui de la cathédrale Santa Maria et ses secrets. 

Que ce soit le monde de la peinture et des artistes aux convoitises du royaume de France, en passant par les ambitions de la papauté, ce livre est plein de surprises. 

J'ai adoré suivre l'évolution de l'intrigue à travers les courriers, parfois sournois, que s'échangent les personnages. 

Laurent Binet a parfaitement construit son roman grâce à un grand travail de recherches sur l'époque, l'essor artistique, l'influence des riches familles et le poids de l'Église. 

Une très belle et riche lecture, passionnant.

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Premier vrai coup de coeur de l'année !

S'appuyant en très grande majorité sur la réalité historique, Laurent Binet nous offre à travers ce roman épistolaire une magnifique aventure dans la Florence des Médicis.

Le peintre Pontormo est mort en ce début d'année 1557 au pied de sa fresque du choeur de San Lorenzo inachevée. Cosme 1er confie à Agnolo Bronzino la tâche de poursuivre l'oeuvre du peintre défunt et à Giorgio Vasari celle de découvrir qui a commis ce crime, le suicide ne semblant pas une option.
A travers des lettres échangées entre peintres, broyeur de couleur, reine et maréchal de France, le récit déroule une enquête qui durera presque une année.

Je suis sincèrement épatée par ce roman. On y retrouve tout, c'est à la fois un roman historique, un polar, un livre d'aventure, un roman politique, le tout immergé dans l'histoire de l'art italien au 16e siècle. Quelle performance d'être parvenu à tenir la dragée haute sur tous ces genres littéraires à la fois dans un roman épistolaire ! L'intrigue policière est bien menée et toute l'histoire autour d'un tableau qu'il faudrait escamoter et qui fait intervenir Piero Strozzi et Catherine de Médicis, alors reine de France, s'apparentait plutôt au roman d'aventure et tirait un fil haletant. le contexte artistique et historique était particulièrement intéressant et m'a poussée à consulter le net plusieurs fois pour bien me représenter certains tableaux et certains lieux.

Le fond historique étant très fidèle à la réalité, ces lettres auraient pu exister au point que par moment il faut se souvenir qu'on lit un roman et que certains éléments ne sont que pure fiction. Il faut bien dire que ces lettres ressemblent vraiment à ce qu'elles prétendent être, ce qui n'est pas toujours le cas quand certains romans épistolaires s'égarent sur des lettres trop longues pour être plausibles, truffées de dialogues que personne n'imagine avoir été retranscrits tels quels.... Ici, on sent que chaque mot est pesé pour gagner en réalisme.

Une perfomance donc, qui ne m'étonne guère de cet auteur particulièrement érudit, mais qui ne laisse pas sur le carreau les lecteurs qui le sont moins (comme moi). Cette lecture était juste parfaite !


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Giorgio Vasari à Laurent Binet.
Florence, 30 décembre 1556

Par un système dont un certain Léonard avait le secret, j'ai trouvé un moyen de vous écrire depuis le passé.
Permettez moi de vous appeler Lorenzo,
Car par un moyen encore plus mystérieux, j'ai réussi à entrer en possession de l'un de vos manuscrits. Ah ce fameux Léonard, toujours aussi surprenant, dont j'ai pu écrire, à son sujet, dans mes "Vite"

"On voit l'influence céleste faire pleuvoir les dons les plus précieux sur certains hommes, souvent avec régularité et quelquefois d'une manière surnaturelle on la voit réunir sans mesure en un même être la beauté, la grâce, le talent et porter chacune de ces qualités à une telle perfection que, de quelque côté que se tourne ce privilégié, chacune de ses actions est tellement divine que, distançant tous les autres hommes, ses qualités apparaissent ce qu'elles sont en réalité, comme accordées par Dieu et non acquises par l'industrie humaine. C'est ce que l'on a pu voir dans Léonard de Vinci, qui réunissait à une beauté physique au-dessus de tout éloge une grâce infinie dans tous ses actes ; quant à son talent, il était tel, que n'importe quelle difficulté se présentant à son esprit, il la résolvait sans effort. Chez lui, la dextérité s'alliait à une force très grande ; chez lui l'esprit et le courage avaient quelque chose de royal et de magnanime. Enfin sa réputation grandit tellement que, répandue partout de son vivant, elle s'étendit encore davantage après sa mort."
Dans cet esprit si bien doué par Dieu, il y avait une telle puissance de démonstration, d'accord avec l'intelligence et la mémoire, et ses mains savaient si bien rendre, par le dessin, le concept de ses idées, qu'il l'emportait par ses raisonnements et que ses discours confondaient l'esprit le plus hardi. Il composait continuellement des modèles et des dessins pour aplanir facilement des montagnes, les percer afin d'unir deux plaines, puis soulever, au moyen de vis, de leviers et de cabestans, des poids énormes ; il inventait également des moyens de curer un port, des pompes pour faire monter l'eau. Enfin, sa tête était en travail continuel et, de tous ces projets, il est résulté un grand nombre de dessins qui sont épars çà et là, entre les mains des artistes.

Pas étonnant qu'il ait trouvé le moyen de faire voyager votre écrit jusqu'à moi et soyez assuré chez Lorenzo que j'ai pris un plaisir inégalé à vous lire.
Quelle merveilleuse idée que d'avoir utilisé et choisi un récit épistolaire pour y dissimuler une trame mélangeant crime et enquête...
Et là également, quelle merveilleuse idée de faire intervenir dans votre texte le grand Michel-Ange dont j'ai pu dire :

"Tandis que les esprits industrieux et élevés, grâce à la lumière du très célèbre Giotto et de ses successeurs, s'efforçaient de donner au monde une preuve de la valeur dont la bienfaisance de leur étoile et leur complexion naturelle les avaient doués ; tandis que, désireux d'imiter la grandeur de la nature par l'excellence de l'art, pour parvenir, autant qu'il leur était permis, à cette suprême connaissance des choses qu'on nomme généralement l'intelligence, ils se livraient aux plus grands efforts, quoique bien souvent en vain ; le bienveillant Maître des cieux tourna les yeux vers la terre, et voyant la vaine infinité de tant de fatigues, l'insuccès de tant d'études opiniâtres et la présomptueuse opinion des hommes plus éloignés de la vérité que les ténèbres ne sont distantes de la lumière, le Maître des cieux, dis-je, se décida à envoyer sur la terre un génie qui fût universel dans tous les arts et dans tous les métiers, et qui montrât par lui seul quelle chose est la perfection de l'art du dessin, tant pour esquisser, faire les contours, les ombres et les lumières, donner du relief aux choses de la peinture, introduire un jugement droit dans les procédés de la sculpture, enfin, en architecture, rendre les habitations commodes et sûres, saines, agréables, bien proportionnées et riches dans les ornements variés."

Alors certes des esprits chagrins ont pu me reprocher d'avoir fait montre de trop d'égards à son sujet, mais reconnaissez que l'héritage qu'il vous a légué, qu'il nous a légué est incommensurable...
Même ses mots ont traversés les siècles :
“J'ai vu un ange dans le marbre et j'ai seulement ciselé jusqu'à l'en libérer.”
“Dieu a donné une soeur au souvenir et il l'a appelée espérance.”
J'ai même eu vent de ce qu'un certain Goethe écrivit : "...qui n'a vu la Sixtine ne peut se faire une idée juste de ce que peut un homme."

De fait, dans votre ouvrage il ne pouvait être absent car il fait partie de ces personnages incontournables de la Renaissance.... Ce creuset dans lequel bouillonnaient les passions, un terreau où fleurissaient les génies. 

Et que dire de votre titre, perspective(s) utilisé tel un bon mot ou un mot d'esprit. Jouer sur cette polysémie du mot quelle magnifique idée...
Cette perspective qui met l'observateur, peintre puis spectateur, à la base de la construction pictoriale, comme l'humanisme émergent met l'homme au centre de la réflexion. Certains bataillent âprement sur son "invention ou sa théorisation " l'attribuant à Filippo Brunelleschi ou à Leon Battista Albert, mais au final peu importe, tant depuis s'en sont emparée. Et puis sans elle l'histoire de l'art en eut été différente, ne pensez-vous pas ?

Mais aussi le perspective telle la multiplicité des points de vue.
Cette multiplicité qui fait de moi, Monsieur votre obligé, car vous avez fait le choix de me donner ce rôle "d'enquêteur" de "détective" qui pour déjouer cette ténébreuse affaire doit envisager toutes les possibilités, tous les protagonistes.
Et, excusez cette fausse modestie Monsieur, qui mieux que moi qui ai rassemblé leurs Vies, pour mener à bien votre sujet.
Moi qui suis le concepteur du corridor, qui porte mon nom, dont le mission était de dissimuler les Médicis, qui se rendaient du Palazzo Vecchio au Palais Pitti, certains ont dit que c'était pour se prémunir contre des tentatives d'attentats en évitant de descendre dans la rue et ainsi pouvoir traverser sans escorte le fleuve de l'Arno par le Ponte Vecchio. D'autres y ont vu une confirmation de l'adage "voir sans être vu".

L'ironie du sort c'est que dans la deuxième partie de mes "Vite", un chapitre est consacré à Pontormo, que je concluait de la manière suivante : "Le Pontormo avait d'étranges lubies, il redoutait tellement la mort qu'il ne voulait point en entendre parler, et qu'il fuyait les enterrements comme la peste. Il n'allait jamais à une fête ni dans les endroits où la foule se portait, de peur d'être étouffé ; il aimait la solitude au-delà de toute expression. Parfois, au moment de peindre, il se laissait entraîner à des rêveries si profondes, qu'il passait la journée sans avoir touché à son pinceau. Il est à croire que cela lui arriva souvent dans la chapelle de San Lorenzo, car, lorsqu'il ne tombait point dans de semblables irrésolutions, il était prompt à exécuter ce qu'il avait en tête."
Le moins que l'on puisse dire c'est qu'au travers de votre livre vous avez trouvé le moyen d'en laisser une image toute différente et aux antipodes de ce que j'ai pu écrire. Vous avez su lui rendre hommage, et le mettre dans la lumière. Lui qui orna seul les chars de la compagnie du Diamant, dont le chef était Julien de Médicis, de peintures en clair-obscur représentant plusieurs métamorphoses des dieux. Sur le premier char était écrit en grosses lettres : ERIMUS ; sur le second : SUMUS, et sur le troisième : FUIMUS, c'est-à-dire : nous serons, nous sommes, nous avons été.

Alors pour conclure cette missive, je souhaite une belle vie à votre livre. Qu'il puisse passer de mains en mains et permette au plus grand nombre de découvrir, par ce procédé littéraire original, cette période si riche à laquelle j'ai assisté et participé.

Qui sait, peut-être vous aurais-je trouvé une place dans mon tableau Six Poètes toscan, à moins que grâce à vous, il me serait venu à l'esprit de peindre un autre tableau.
Et comme, à l'époque il était commun de donner un surnom, voire un sobriquet, aux artistes, permettez-moi de vous remercier en signant cette missive de ces mots :

Grazie a voi Lorenzo il Scrittore
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Un roman épistolaire érudit qui nous plonge dans la Florence du XVIe siècle avec des personnages célèbres : Catherine de Médicis, Michel-Ange, Giorgio Vasari, Benvenuto Cellini (sculpteur et aventurier), des religieuses savonarolistes...L'intrigue tourne autour de l'assassinat du peintre Pontormo. Lecture agréable, action parfois un peu lente que l'on découvre selon le témoignage des différents protagonistes.
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C'est avec dans la tête une chanson de Lavilliers que je commence ce billet en le citant:
" Machiavel pensait aussi que le Prince n'a jamais tort.
5 minutes au paradis avant que le diable n'apprenne ta mort."
Machiavel, le Prince, le diable et la mort; ainsi pourrait s'indexer ce roman de Laurent Binet.
Florence, 1557. La Toscane déroule ses collines sous le soleil italien pendant que dans les rues de la ville s'ourdissent complots et jacqueries.
Jacopo da Pontormo (dont je ne me lasse pas de m'éblouir de son génie des couleurs) est retrouvé mort sur le chantier de San Lorenzo. Au même moment bruisse la rumeur d'un tableau licencieux montrant une Vénus nue et callipyge affligée du visage de Maria de Médicis, la fille de Cosimo 1er, duc et régent de Florence.
Le concile de Trente, les souvenirs encore brûlants du moine Savonarole et de son bûcher des vanités pèsent leur poids sur les arts florentins du Cinquecento. La chair est indécente, le plaisir malvenu, et, à Rome, Paul IV le Carafa, pape népotique et inquisiteur brûle à tour de tiare tout ce qui offense son âme.
Il ne fait pas bon s'appeler Michel-Ange ou le Bronzino dans ces années là.

Dans ce décor foisonnant et trouble, Laurent Binet propose un "polar" iconoclaste dans sa forme épistolaire. Plus de 170 lettres et 20 narrateurs décryptent une enquête où les rebondissements vont bon train. Qui a tué le Pontormo? Où est le tableau maudit? Faut il incriminer les nonnes fidèles au Savonarole ou soupçonner un ennemi de la cour commandité depuis la France par Catherine de Médicis qui rêve d'ajouter Florence à la couronne de France ?
J'ai pu lire de nombreuses critiques de ce roman. Les unes dénonçant le trop grand d'épistoliers, les autres pourfendant le ton des missives qui, c'est vrai, ne reflète en rien le langage de l'époque. Untel est un con, et un autre un jean-foutre... Nul doute qu'aucun érudit florentin n'oserait de telles formules.
Pour ma part, j'ai eu l'impression que l'auteur s'amusait follement dans cet exercice périlleux, et son plaisir à été le mien. Il multiplie les chausse-Trappes, finit par dévoiler un assassin si improbable que le dénouement m'a paru follement truculent.
Mais surtout, il plonge son lecteur dans ce monde irradiant de couleurs, de coupoles sublimées, de réflexions passionnantes sur les lois de la perspective en peinture, tout en interrogeant la license des chairs nues offertes au Seigneur puisque c'est au nom de Dieu qu'on peignait à l'époque. Enfin, il nous promène dans les rues de Florence en en dressant un portrait criant de vérité.
J'ai refermé le livre avec l'irrésistible envie de revoir cette cité flamboyante et ses innombrables trésors. En ce sens, et en bon Machiavel, Laurent Binet a relevé le gant.
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Quel double bonheur ce livre. Premier bonheur : un roman épistolaire d'un raffinement rare. Les tournures de phrases et l'intrigue comme a la belle époque. Second bonheur : mettre Michel-Ange dans un livre à suspens, la Peinture en toile de fond (!), la ville de Florence pour scène, et une écriture comme si on y était. Lecture franchement exaltante.
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Roman épistolaire, balade florentine artistique à la Renaissance et investigations.
Pouvoir de l'Art et Art du Pouvoir.
Une perspective de lecture, à mon goût, réjouissante et réussie !

Le narrateur nous confie un échange de correspondances entre différents protagonistes dans la Florence du XVIème siècle à travers lesquelles on suit le déroulement d'une enquête.
Ambition politique et soif créative à la Renaissance italienne.

Janvier 1557, l'artiste peintre Jacopo da Pontormo a été retrouvé assassiné dans la Chapelle San Lorenzo de Florence, près des fresques auxquelles il travaillait depuis onze années …
Vénus et Cupidon, le Déluge et tous ces corps représentés, peintures maquillées… Secrets et mystères à démêler.
Le Duc de Florence, Cosimo de Médicis, entend bien tout mettre en oeuvre pour éclairer cette affaire qu'il confie à son fidèle et dévoué homme de confiance, Giorgio Vasari.
Une enquête pleine de bizarreries et de zones d'ombre se profile, mêlant luttes de pouvoirs, alliances et rivalités politiques, complots et intrigues de cours, sens et mouvements artistiques …

L'auteur met en scène des artistes de l'époque, sculpteurs, architectes, peintres et parmi eux Michel-Ange, historiens d'art, et des personnalités telles que les Médicis.

Je me suis délectée des intrigues, des secrets à travers ces correspondances, autour du pouvoir et de l'art.
J'ai savouré ce polar historique épistolaire teinté d'humour et de subtilité appréciant le style de l'auteur que je lis pour la première fois.
J'ai aimé cette lecture enrichissante tant par son côté historique qu'artistique, et le genre épistolaire empreint ici d'une touche surannée m'a totalement séduite.

Une très belle découverte que je recommande !
Merci à Christine - Bidule62 - pour son avis incitatif qui, comme ma libraire, a fini de me convaincre !
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Après Civilizations, Laurent Binet souhaitait continuer à parcourir l'histoire de la Renaissance. Avec Perspective(s), il exploite la mort d'un peintre ayant réellement existé, Jacopo Pontormo, décédé en 1557, pour en faire cette fois, non pas une uchronie, mais un roman d'intrigue…épistolaire. Quel mystère cache le meurtre de cet artiste au service du Duc de Florence? Que révèlent les manigances des puissants pour tirer profit de cette tragédie? A travers la lecture de 176 courriers (un de plus que Les liaisons dangereuses) échangés par les protagonistes de cette histoire, le lecteur suit l'enquête…

La question qu'on se pose est donc : est-ce que ce procédé littéraire fonctionne? Est-ce que ça prend?

Pour pimenter l'affaire, il se trouve que ce désormais célèbre Pontormo est retrouvé au pied d'une toile présentant la fille du Duc de Florence en Vénus, les jambes dénudées…dans un contexte où Rome planche sur index des oeuvres d'art interdites - qui sera publié en 1559.
Rien de mieux donc que Florence pour situer ce roman, à une époque où pouvoir temporel et pouvoir religieux se livraient bataille pour le contrôle des âmes, qui aboutira au massacre de la Saint-Barthélémy à Paris 15 ans plus tard...

On suit avec plaisir les intrigues des personnages réels ayant marqué la période, au premier rang desquels la très romanesque Catherine de Médicis, reine de France et héritière légitime du Duché de Florence. Chacun y présente son point de vue “j'aimerais qu'à lire mon point de vue, vous puissiez envisager les choses sous une autre perspective”.
Bien que l'intertextualité soit très présente dans ce récit où “rien ne se passe comme prévu”, je le trouve dans l'ensemble bien agencé, et n'ai pas été gêné dans ma lecture par le style épistolaire.

La perspective, c'est aussi celle que s'approprient les artistes de la Renaissance, afin de créer le réel “tel Prométhée volant le feu à Dieu pour le donner aux hommes”. En seconde lecture, Laurent Binet nous propose donc une réflexion sur la place de l'artiste dans la société, lui qui n'est pas épargné par la critique. Accordons lui de l'audace, en passant de l'uchronie au roman médiéval épistolaire, du courage (chroniquer une campagne électorale de François Hollande n'est pas acte consensuel) voire une certaine vanité (Grasset fit enlever de HHhH 20 pages de critiques des Bienveillantes de Jonathan Littell), mais reconnaissons lui du talent.
Peut-être aurait-il dû suivre les conseils de Proust à Morand l'enjoignant à ne pas se mêler de politique…

Chez moi, ce roman fait aussi écho à deux autres romans de la rentrée 2023 : le très érudit polar médiéval Croix de cendre, d'Antoine Sénanque, et le très populaire Veiller sur elle, de Jean-Baptiste Andrea, dont l'action se déroule aussi en Toscane et interroge également la place de l'artiste face au pouvoir (on croise d'ailleurs la famille Orsini dans ces deux ouvrages).
Je suis reconnaissant à Laurent Binet de faire de la littérature populaire en pariant sur l'intelligence de son lecteur.

Absent des prix de l'automne qui ont récompensé soit des romans très populaires (Veiller sur elle, Une façon d'aimer) ou très ancrés dans les doutes de l'époque (Les insolents, Triste Tigre, Humus?), Perspective(s) n'est ni l'un ni l'autre, mais reste un très bon roman qui aurait eu sa place sur le podium.
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