En apprenant la mort de
Michael Bishop, j'ai réalisé que j'avais beaucoup apprécié tout ce que j'ai pu lire de lui (le génial « Requiem pour
Philip K. Dick », plus quelques nouvelles ici et là), sans jamais vraiment creuser plus loin - voilà comment je me suis retrouvé à lire «
La machine infernale », roman fantastique/horreur publié en 1985 et jamais réédité, sur lequel je ne serais probablement jamais tombé » par hasard, et ç'aurait été sacrément dommage. « What made Stevie Crye » (titre original, malheureusement intraduisible, et beaucoup plus signifiant que la version française) est un OVNI littéraire, ça semble évident évident dès la quatrième de couverture (je vous renvoie au lien Noosfère) ; et pourtant, les premiers chapitres sont étrangement traditionnels, pour ne pas dire typiques des romans d' »horreur » US de l'époque – au point qu'on finit par se demander si Bishop n'est pas en train de pasticher le style et les intrigues d'un certain
Stephen King... Et on finit par réaliser que c'est très exactement le cas, sauf que Bishop ne se contente pas d'imiter, mais dynamite méthodiquement sa propre construction. D'abord en la faisant glisser progressivement dans une dé-réalisation onirique qui évoque (en avance) le Lynch des années 90 - ou
Philip K. Dick ; à ce stade, le lecteur peut avoir l'impression qu'on est juste passé d'un fantastique volontairement « standart » à un autre (celui qui joue sur la nature fuyante de la réalité et/ou de sa perception), certes un peu plus audacieux mais pas non plus très surprenant. C'est compter sans la perversité de l'auteur, qui à partir de là se joue de nous et de nos attentes, pour nous débarquer sur des rivages imprévisibles, quelque part entre post-modernisme et new-weird. Autant le dire tout de suite, les amateurs de récits cadrés - avec un début, un milieu et une fin clairs et nets et délimités – risquent de ne pas apprécier, voire se sentir floués ; personnellement, j'ai adoré me faire mener en bateau par
Michael Bishop - et réaliser petit à petit les implications du titre original.