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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Une "étrange défaite" pour une "drôle de guerre", ou lorsqu'un historien devenu acteur s'attribue le rôle d'un témoin. Un historien analyse une guerre pour en comprendre les causes et les acteurs. Ici, c'est la pertinence des analyses qui frappe, alors que le chercheur n'a pas accès aux archives, il restitue les responsabilités individuelles et collectives, institutionnelles comme personnelles.
Je connaissais en partie l'oeuvre scientifiques de Marc Bloch, et quelle émotion de découvrir ici le portrait d'un homme dans toutes sa richesse, avec ses contradictions et ses valeurs, lui l'universitaire qui se change en combattant, le juif non pratiquant amoureux de la France et de sa culture, le professeur qui pense à la jeunesse. En 1942, au milieu des horreurs de la guerre, il est capable d'optimisme, de réfléchir en profondeur à une réforme de l'éducation et de la constitution.
Et tout ça, sans haine, sans appel à la violence, alors que lui-même combat dans l'ombre pour la France. Il le dit, il est prêt à sacrifier sa vie, et il le fera, ce qui rend ses analyses encore plus forte.
Un texte fort, car ce grand historien est un grand homme.
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Surgit de l'étrange défaite une lumière de lucidité aveuglante. Sans doute transcendé par ce que l'on connaît de Marc Bloch, sa compétence d'analyse historique et son destin tragique, ce texte expose les rouages d'une défaite annoncée. le plus surprenant peut-être, alors que Marc Bloch est un historien médiéval, est sa capacité à une analyse à chaud des événements. On devine sa culture d'analyse, qui examine les causes et les enchaînements plutôt que les événements.
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Tout ce que réclame la morale française depuis au moins cent cinquante ans, c'est un esprit de fonctionnaire motivé par le goût et l'appât du confort : voilà ce qui innerve notre belle société et en fonde la structurante mentalité, pas autre chose, n'en déplaise aux flatteurs et aux amateurs des raccourcis de l'Histoire. Nous ne sommes ni des philosophes ni des révoltés : ces images et ces fables servent de propagandes dont l'effet de répétition obtuse, comme de puérils proverbes, fabrique, établit et perpétue ce que nous ne constatons point à dessein de se consoler ne n'être pas meilleurs que nous sommes. Un Français typique n'a ni hauteur ni énergie, il n'en a ni l'idée ni le temps ; un Français n'est ni Descartes, ni Voltaire, ni Hugo, bien qu'il soit vrai que ces trois furent français, mais ils furent incontestablement au-delà d'un Français. D'ailleurs, cette faiblesse générale des vertus, ce manque d'importance, de conscience et d'individu, bien des indices historiques et littéraires m'incitent à penser à son ancienneté : je ne puis admettre que notre « ère » ne daterait que des années 2000 et attribuer à cette si courte période le nom de « post-modernité » ; je trouve à cette théorie une surestimation du potentiel d'innovation d'un peuple balourd comme le nôtre, qui ne pense ni ne fait rien, dont le caractère n'a pas varié du constat implacable qu'en fit Georges Darien dans La belle France en 1900, on y reconnaît sans différences notables le Français d'aujourd'hui, inerte et bas, indolent et mesquin. Une nationale fierté, dont l'orgueil aveugle ne tolère pas d'être confronté à une réalité crue qui la désavoue, suppose à tort que tout son rapport est refondé puisqu'à chaque guerre on s'entr'extermine pour rien, il ne se peut donc que ces anciens si absurdes nous ressemblent encore, c'est pourquoi on préfère, sur toutes ces morts scandaleuses, fabriquer de nouvelles et symboliques renaissances, célébrer de nouveaux baptêmes d'humanité, pour s'imaginer que les fils de la France ont été, on ne sait pourquoi ni comment, révolutionnés des flagrantes erreurs de leurs pères, sans doute sous l'impulsion de ce devoir de mémoire qui, pour quiconque, ne signifie que ceci : il faut se croire une meilleur conscience, et ne pas oublier qu'on vaut un peu mieux. Pourtant, c'est sans mal qu'on peut oublier quand on ne sait rien, quand il n'y a rien de précieux à garder, quand tout ce qu'on sait est une légende qui n'édifia jamais – car les Français par tradition et sous la volonté immatérielle de ses institutions morales ne conservent des guerres successives que le catéchisme simpliste qu'on leur a donné à retenir, avec leurs divers Clovis et vases de Soissons. Sans mal également, on peut oublier ceux qui furent avant nous quand on leur est si conforme, si identique, si inchangé : c'est alors en soi qu'on porte la bêtise immémoriale des siècles, et il n'est pas nécessaire de rien fixer en arrière, puisqu'autrui en arrière, c'est soi maintenant. Je ne sache pas par où l'on pourrait démontrer que nos aïeux aux fusils à baïonnette et en pantalon garance furent différents de nous en quelque point fondamental – si l'État d'à présent ne retenait pas les crétines véhémences de son peuple, qui sait si nous n'en serions pas à faire la guerre aux islamistes de la manière tout semblable dont nos prédécesseurs firent croisades, s'il existait ici encore des troupes mercenaires (quoique, certes, avec un armement différent). C'est ce que je veux expliciter ici, à la troublante lumière du brillant texte de Marc Bloch venu là comme une confirmation. Notre ferveur débilitante à croire au changement en général et en particulier à son changement est une persuasion suggestive en contradiction patente avec la réalité de la passivité immuable des Français. Mais il est vrai que ce mythe du progrès est ancien en France où l'on suppose inexorable l'évolution de l'être en proportion du passage du temps et de l'apparition des technologies. On veut espérer depuis longtemps en la mythologie selon laquelle les humains s'améliorent suivant quelque destin inopposable, une force édificatrice courant et se renforçant dans le cycle des ères pour nous rendre meilleur, pour adoucir et perfectionner nos moeurs, pour civiliser lentement et irrépressiblement chacune de nos engeances. Mais partout où l'on impense d'automatisme ce processus, on ne fixe qu'un regard partial sur l'Histoire, et celle-ci se teinte évidemment de ce lot de préjugés antérieurs, et l'on en cherche systématiquement des leçons à tirer par lesquelles, à force de déformations complaisantes, nous aurions vaincu telle primitivité en nous tandis qu'en vérité l'homme demeure. C'est au point que l'on se sert perpétuellement de la variété des couleurs locales et temporelles, qui ne sont que des circonstances contingentes, pour déduire des altérités essentielles, admettant bêtement que là où simplement le décor se différencie, la personne n'est diamétralement plus la même ; on ne voit pas la même chose en surface, donc les changements profonds sont incontestables – mais qui de nos jours porterait de tels pantalons rouges pour aller à la guerre : c'est bien la preuve irréfutable que tout a changé ! Pourtant, je crois qu'en loin un doute ne cesse de nous tenailler là-dessus ; je crois que nous soupçonnons l'imposture de si promptes déclarations ; je crois même que chez nous, puisqu'on ne parvient pas à se cacher entièrement la stupidité de ses historiques prédécesseurs (mais bien davantage la sienne), on a particulièrement besoin de croire que l'on est « passé à autre chose », au point de créer des fragments millimétrés de périodes dont naturellement nous ne devrions point faire partie, étant si distincts que nous ne nous assimilons à rien ni personne avant nous ; il ne faut pas que nous en soyons restés là. C'est flatteur de se sentir uniques quand nous sommes en vérité si confusément communs ; nous nous sentons relevés d'avoir une place à part, même factice, bien qu'on ignore au juste où elle se situe et comment la distinguer ; il va de soi qu'on n'est comparable à nul autre, même si l'on est absolument en peine de dire en quoi. Mais il y a toujours le décor insistant, la surface éblouissante des choses, les technologies superficielles et accapareuses, et tout cela ne correspond certes pas aux cartes postales jaunies d'autrefois ; c'est donc bel et bien qu'il y a eu un bouleversement et donc que nous sommes singuliers. C'est une façon d'espérance et d'oubli, je crois, en opposition avec le constat des êtres. Mais il est vrai qu'on ne réfléchit pas, de nos jours. À ma connaissance, personne (ou alors bien peu, si peu que mes recherches sont restées à peu près vaines) n'a fait l'effort de mesurer avec minutie l'esprit de ces anciens qu'on déclare si opposés à nous ; on n'a même pas eu le soin d'examiner notre propre esprit contemporain et ses caractéristiques – je suis l'un des premiers sur le sujet. On se contente d'affirmer des platitudes. « Nous sommes dissemblables. — En quoi ? questionne-t-on. — Mais ça se voit ! — Ah ? — Oui, c'est évident : a-t-on jamais de sa vie télégraphié un câblogramme. » Ni examen, ni analyse, ni le plus petit commencement de méthode : il faut. C'est si bon de ne ressembler à personne que l'assertion doit suffire, il s'agira de trouver après coup des idées pour s'en persuader. On peut mettre un nom précis sur soi, se sentir dignifié par l'appellation qui ne désigne personne d'autre : « Post-moderne ». N'importe si ça ne veut rien dire, si ça ne correspond à rien, si c'est vide comme Léviathan ou comme le complexe d'Oedipe : d'autres enfin trouveront des raisons ; aujourd'hui la vérité vient bien avant les raisons, on n'a pas besoin d'arguments quand on a l'intuition, on sait avant que de savoir pourquoi on sait. Je pense post-moderne donc je le suis. Et – irréfutabilité maximale – puisque j'en suis heureux, alors c'est vrai indubitablement.
Cette rengaine persuasive comporte les failles élémentaires de la pensée qui exhausse d'emblée le sujet irrationnel pour en faire un être d'éloge. On dispose même en France d'une école de sociologie qui admet pour vraie une idée absurde et infondée dont le postulat est : « Il y a quelque chose d'unique dans la mentalité à notre époque. » Préjugé, croyance, religion que cet axiome désiré. J'imagine que c'est une fierté ou du moins une consolation d'exister quand c'est pour affirmer qu'on est nouveau et donc libre. La valeur d'un tel système ne va pas au-delà de cette rassurante surestime de soi. Encore un domaine où il s'agit de plaire, d'attirer des suffrages, de faire des émules en flattant : la réalité passe après. C'est à cause de ce genre d'a priori qu'on est restés incapables de tirer effectivement des leçons du passé : le passé ne saurait consister en un objet de leçon, le passé, en effet, ne pouvant pas se reproduire à l'identique ni semblablement, puisque le temps vient après lui et l'efface qui nous rend automatiquement si dissemblables et méritants ; ainsi l'homme appartient continuellement à une autre période, ainsi tout a, toujours, tellement changé sous l'effet du progrès des âges qu'il est même inutile d'aller chercher des références pour provoquer ce changement : l'espèce, sans qu'il en aille presque de sa volonté, mute. On s'est obstiné notamment à mal comprendre la défaite de 1940 qui n'est due qu'à cela, qui fut elle-même une réitération des principales défaites de la grande Guerre, je veux dire qu'on doit tous ces échecs aux vices imputables au contemporain français et demeurés universellement en l'état aujourd'hui aussi bien qu'à ces époques où, déjà, on s'était empressés de remiser de pareilles fautes à des « jadis » devenus impossibles et dont les conditions étaient heureusement « définitivement surannées ». Les manuels prétendent encore que c'est à cause de l'état-major qui n'avait pas su s'adapter aux conditions inédites du conflit, et c'est lui qui a porté toute la responsabilité de la déconfiture, on a reporté les malheurs de la France sur une poignée de vieillards « dépassés et obtus », une minorité de piètres professionnels, de mauvais fonctionnaires, en somme, n'est-ce pas ? pas du tout comme des travailleurs aujourd'hui ! eux qui jouissaient du privilège exclusif de l'obscurité mentale et de la mauvaise foi ! On a admis une fois pour toutes que, sans eux, tout aurait tourné autrement, et comme on n'a quand même pas osé examiner plus loin, preuve de la permanence d'une obscurité mentale et d'une mauvaise foi, non seulement on s'est dépêchés de pardonner à ces pathétiques cacochymes, mais la seule résolution qu'on a prise là-dessus fut de déléguer le soin d'éviter le renouvellement de pareille gabegie à… des fonctionnaires vieillissants chargés d'y remédier ! Pour pallier l'insuffisance intrinsèque de cet esprit de fonctionnariat qui a tué tant de Français, on a déterminé qu'il fallait que des fonctionnaires français résolussent le problème ! Il est bien clair qu'on n'a décidément rien compris ; ce devoir de mémoire décidément ne vaut rien si c'est pour se répéter des mantras faux et déculpabilisateurs ! Nos administrations sont demeurées les mêmes, et elles représentent strictement – strictement ! – le mode d'existence et les aspirations du Français contemporain, être d'incurie, celui de 2020. On ne veut pas entendre chez nous que la hiérarchie, qu'on a tant blâmée, ne fait pas différer les hommes aux divers grades : c'est que, pour devenir un supérieur, il faut presque toujours avoir été subalterne à quelque niveau, de sorte que les déviances qu'on constate chez nos dirigeants existent toujours en germe chez le citoyen-type. le Français ne comprend jamais que le supérieur, c'est lui-même accédé à une situation avantageuse, et qu'il comporte ainsi en ferment la « qualité » de sa propre administration. Voilà pourquoi une guerre menée sur notre sol, animée par une armée de conscrits et de généraux fonctionnaires, rendrait de nos jours exactement les mêmes résultats qu'en 1939 ; voilà pourquoi toute entreprise, petite ou d'ampleur, qui privilégie le caractère national est condamnée aux mêmes effets, aux mêmes illusions et aux mêmes échecs : nous sommes la France de 1939, ainsi que celle de 1914, et celle aussi de la fin du XIXe siècle ! Remplacez les chevaux par les autos et les journaux par les téléphones, vous conservez les mêmes dispositions personnelles, les mêmes turpitudes, le même état d'esprit général, la même inaptitude congénitale ! La différence, vous verrez, n'est qu'une façon de mode, une couleur induite par les parures et les technologies, une apparence ou une superficie. Ce qui s'est mis en travers de cette évidente et dure réalité de notre constance dans l'insolente médiocrité, c'est De Gaulle, parce qu'on n'a pas voulu reconnaître qu'il était une exception parmi les Français et non un Français caractéristique ou même un produit de la France comme on a préféré le représenter par amour-propre, et aussi parce qu'il a remplacé son constat réel et intime d'un peuple vachard avec lequel il devait composer, pour louer des êtres surestimés et veules en distribuant à la cantonade des médailles et des milliers d'attestations de service. Quoi ? on voudrait me réfuter encore là-dessus ?!
Voyons donc. Préférence chronique pour l'irresponsabilité. Désir de stricte obéissance passive, allant jusqu'au refus même d'interpréter un ordre : pensée unique et indéfectible de la procédure. Aspiration insatiable à davantage de divertissement. Pénibilité presque pathologique à approfondir, à s'informer, à intellectualiser, à rendre un vrai effort mental, à s'intéresser au-delà de sa charge. Peur fondamentale des reproches par inhabitude d'agir de façon autonome. Langage d'inessentiel, variétés de proverbes, copies d'éléments courus, jargon déshumanisé dans toutes communications officielles, reprise d'expressions arrêtées et publiques – tout cela comme sentiment d'astuce et d'adaptation pour initier la fierté. Lenteurs, paperasserie, rapports, protocoles, degrés multiples et échelons assez étanches où reporter toujours opportunément son devoir. Absence systématique d'initiative individuelle. Rivalités des services ; rivalités au sein même des services : conflits particuliers et dérisoires que nul n'essaie d'arranger au nom de la liberté d'expression. Faiblesse des comptes rendus : imprécisions, creux, négligences de toutes sortes sans remords ni reproche, flou omniprésent fait pour entretenir la relativité des volontés et des décisions. Préséances et cooptations abolissant la justice des promotions et des sanctions : mélange bureaucratique et partial d'autoritarismes et de laxismes avec, en général, conservation des plus anciens et insignes faveurs accordées aux jeunes à conditions qu'ils soient disciples de l'ordre établi. Formation – initiale ou continue – théorique, déconnectée, obsolète et absurde. Défiance contre l'innovation véritable et ostracisme des partisans de l'altérité : un conformisme scrupuleux d'où naît la dénonciation en cas d'enfreinte au règlement. Offuscation du sens de recul au seul profit d'un objectif étroit de secteur sourd à l'intérêt général. Renoncement à fixer et à définir ses propres objectifs, c'est-à-dire à verbaliser soi-même un idéal à son action ainsi que des critères intérieurs et intègres de succès. Principe de précaution généralisé : l'action est licite seulement si elle est inscrite au protocole, à moins qu'elle soit présentée comme un risque, auquel cas elle donne lieu à une note de service. Et, par-dessus tout cela, crainte formidable des décisions personnelles, égoïsme de fuite, stratégie d'évitement : référer toujours à un supérieur qui n'ose guère lui-même, que vous importunez manifestement d'une responsabilité qu'il doit prendre, dont il devra référer à son tour et préfèrerait ne pas entendre parler : d'où hésitation à transmettre un renseignement, et enterrement d'informations capitales, à cause de cela.
Avez-vous reconnu de quoi je parle ? Quoi ? « l'esprit sénescent de l'état-major durant la seconde Guerre mondiale ? Mais non ! Rien qu'un fonctionnaire ou un salarié contemporain, rien qu'un citoyen français d'aujourd'hui ! Ce mécanisme mental n'est ni d'une époque, ni d'une politique, ni d'une mode révolue : c'est celui de la France et des Français aussi bien d'hier que d'à présent, depuis cent cinquante ans au moins, mécanisme auquel nos compatriotes ne s'opposent point, qui les conforte dans leurs agréables dispositions à regarder ailleurs, à mener leur profession et leur vie dans l'insouci et la routine les plus reposants. Or, c'est précisément ce mécanisme qui a conditionné l'écrasante défaite de 1940 quand 1918 ne nécessitait environ qu'une lourde obstination et de lents changements stratégiques. Nous l'emportâmes, oui, mais c'est à condition qu'il ne suffise pour cela que d'appliquer une procédure, à la rigueur altérée avec force parcimonie et moult consultations majoritaires et non sans inépuisables râleries. le changement n'est pas français ; comment notre peuple serait-il altéré de quelque chose ? Rien n'est « blitz » chez nous ; ce n'est pas du tout une question d'états-majors ou de généralissimes : c'est nous tous ensemble et nous en particulier, c'est nous comme somme de personnes avec cet immobilisme confortable inscrit loin, très loin dans nos usages. Nous ne sommes plus des inventeurs, des explorateurs, des artistes, des exemples, des caractères. Il est permis de penser que si Bonaparte l'emportait, c'est parce qu'il n'avait pas l'esprit français, que ce n'est pas la France qui gagnait grâce à Bonaparte mais que Napoléon triomphait seul contre les Français qu'il lui fallait remuer contre leur gré, muter malgré eux ! Pourtant, le Français aime la victoire, ça oui, il se l'approprie quand il est forcé d'y apporter son concours ; mais ce qu'il y a de plus français dans Waterloo, c'est la charge stupide du général Ney qui fait ce qu'il a l'habitude de faire en chargeant contre des carrés anglais, dans un massacre résigné et à peu près inutile. Les tranchées longues et bêtes au rythme lancinant, les assauts stériles à telle heure précise contre des barbelés et une mitraille invincibles, sans évaluation de nécessité comme à Azincourt, le sifflet qui fait grimper des échelles par centaines au suicide délibéré dans une grande bassesse d'inconséquence bovine : ça, c'est français, voilà qui est la France ! On dit qu'il y eut partout des résistants : eh bien ! je prétends qu'ils n'étaient pas foncièrement français, ces résistants de mon coeur, qu'ils étaient comme De Gaulle bien supérieurs à la France énorme et massive, faite d'inertie et de grogne molle, bien supérieurs à cette masse où heureusement ils n'ont pu se confondre, bien supérieurs, oui, et c'est justement ce qui les a rendus ostensibles à l'Histoire. J'exagère ? Mais est-ce qu'on « résiste » au travail de nos jours, et à toutes sortes de peines et d'injustices ? Allons ! vous le savez bien : on meugle et on se résout, sauf si bien sûr on est une multitude ! L'esprit français est depuis longtemps, a contrario de toutes fanfaronnades, pour l'essentiel un esprit stylé de collaboration ainsi que d'intérêt personnel par insouci d'idéal actif, par souhait de confort, par peur du risque, au fond par manque d'individu : le socialisme qui a si bien pris chez nous est bien français, parce qu'il importe par-dessus tout au Français d'être solidaire et d'aspirer à la légèreté ; or, le socialisme
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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Ce livre, écrit dans la foulée de la défaite de 1940, au mois de juillet je crois, est impressionnant de lucidité. Certes, l'auteur est un grand historien, mais avoir cette capacité de recul et d'analyse au plus près des événements est tout à fait époustouflant. Car ici Marc Bloch qui a été mobilisé comme tant d'autres a été le témoin de la déroute des forces alliées durant le deuxième conflit mondial. Il a donc deux casquettes dans cet ouvrage, celui de l'historien et celui de témoin. Cette réflexion est puissante. Elle pourrait tout autant être écrite de nos jours avec tout le recul qui est le nôtre. Il en ressort, de manière consternant, l'incapacité de l'Etat-major à passer d'un temps de paix à un temps de guerre.
Ce témoignage est encore plus poignant, sachant que l'auteur a été fusillé par les nazis pour faits de résistance en 1944. Non, vraiment, ce n'est pas l'ouvrage d'un historien de bibliothèque que nous avons là, mais celui d'un homme profondément patriote et qui ne pouvait rester dans l'inaction tant que l'occupant était là.
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Historien de formation, Marc Bloch, engagé volontaire à 54 ans en 1940, porte un regard désenchanté et lucide sur les évènements qu'il vient de vivre en 1939-1940. La drôle de guerre, puis la débâclé le conduit à s'interroger sur les raisons de la défaite. Il y voit non seulement une faillite de l'état major, engoncé dans ses certitudes de 1918, des politiques, sans esprit de suite, et plus globalement du système§me français d'éducation des élites, sans développement de l'esprit de curiosité.

Ce livre m'a interpellé à double titre : d'abord, parce que je venais de lire « un balcon en forêt » de Julien Gracq, sur le « vécu » d'un officier lors de cette courte guerre.

Ensuite, parce que je trouve ce livre toujours d'actualité : sommes-nous incités à plus développer notre curiosité, et notre ouverture tant dans le système scolaire que dans le monde professionnel ? Bien sûr, il y a eu des progrès parfois volontaires -programme Erasmus- que contraints -la mondialisation de l'économie-. Mais il y a encore de vastes progrès à faire : la méconnaissance relative des langues étrangères limite notre information ou bien encore la charge de travail très court terme, quand des entreprises comme Google offre à se employés 10 ou 20% de leur temps pour des travaux sans lien direct.

Alors, vous pouvez lire ce livre en tant que contribution à l'analyse de la tragédie de 1940. Vous pouvez aussi le parcourir en vous demandant si nous avons vraiment changé. le constat est intéressant tant sur un plan personnel que collectif.

Il y a des livres qui se relisent pour médite. Celui-ci est un bon exemple.

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J'ai mis beaucoup de temps à lire ce livre. La raison en est certainement le malentendu qui le défini.

On dit de ce témoignage que c'est une analyse à chaud des raisons de la débâcle de 1940. Ça l'est bien mais plutôt à la fin du récit. le début est plutôt constitué dès pérégrination de Marc Bloch dans sa mission de ravitaillement en essence. Ce n'est pas inintéressant, mais j'avais du mal à m'accrocher aux mouvements erratiques de dépôts d'essences en quartiers généraux, aux anecdotes révélatrices ou anecdotiques.

Les cinquante dernières pages je les ai cependant lu d'une traite. L'analyse attendue est bien là. Il classe par ordre de responsabilité croissant les différents protagonistes qui ont entraîner pas vraiment la défaite (qui n'est que la consequence ultime) mais l'abandon du combat. A ces yeux les élites d'alors pensaient que la France méritait la défaite, car elle croyait le pays illégitimement souillé par les « menées gauchistes » des dernières décennies et surtout des années trente avec la parenthèse du front populaire. Cette bourgeoisie qui ne supportait plus l'érosion de son pouvoir politique et économique, la perte de ses rentes, et la perte du contrôle (temporaire) du pouvoir. Ce que leur reproche surtout Bloch est leur isolement, leur refus (idéologique) de voir la réalité de la vie des français d'alors, leurs fantasmes de voir des gueux prétendument les menacer alors qu'ils ne réclamaient que leur part de dignité.

Cette dernière partie est terriblement d'actualité. Mais Bloch, en historien avisé, rappelle qu'en histoire les mêmes causes ne mènent pas aux mêmes, car les causes sont aussi contingentées dans le contexte social, économique, politique du moment. Mais une chose est sûr, la situation n'est pas bonne.
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Le portrait de Marc Bloch dans l'avant-propos de Georges Altman en impose : professeur d'université, combattant des deux guerres, résistant, fusillé...Inutile de dire qu'on entame la lecture avec le désir d'aimer respectueusement ce témoignage.

Et en effet, on est tout d'abord saisi par la lucide autopsie à laquelle se livre Bloch, sur les causes de l' "Etrange défaite" de 1940. Chargé du commandement du parc d'essence de l'armée, il assiste à la déroute française, dont la cause directe fut l'incapacité du commandement qui n'a pas su penser cette guerre. La victoire allemande fut avant tout, intellectuelle.
Les Allemands ont fait une "guerre d'aujourd'hui, sous le signe de la vitesse" tandis que les Français faisaient une "guerre de la veille ou de l'avant-veille", "le métronome des états-majors" ne cessant pas de "battre plusieurs mesures en retard". Cet état-major, miné par la bureaucratie, vicié par la consanguinité de l'Ecole de Guerre, nourri au culte de l'intrigue et du secret.
Marc Bloch donne de multiples exemples de notre incapacité à anticiper la vitesse d'exécution ennemie, les Allemands apparaissant "là où ils n'auraient pas dû être". "Ils croyaient à l'action et à l'imprévu. Nous avions donné notre foi à l'immobilité et au déjà fait". de plus, nous n'avions pas assez de chars, d'avions ou de tracteurs car nous les avions engloutis dans le béton d'une ligne Maginot tronquée, persuadés d'être arrivés à un moment de "l'histoire stratégique où la cuirasse dépasse en puissance le canon", croyant que l'ennemi ne se déplacerait que de jour, que les chars n'avaient pas de valeur offensive, que le bombardement terrestre était plus efficace que celui effectué par des avions...
Le constat est tellement accablant qu'on se dit qu'il faudrait déterrer l'état-major français de l'époque pour le fusiller dans le dos !

Ce qui rend le témoignage de Bloch formidable, c'est qu'il intervient quasiment en temps réel, puisqu'écrit en 1940, dans le feu de l'action.

Et pourtant, j'ai trouvé ce récit ennuyeux au possible. Bloch décrit certaines manoeuvres logistiques de manière très circonstanciées et dans un style si châtié, qu'au bout d'un moment j'ai eu l'impression de tourner en rond, tout en culpabilisant par rapport à la mémoire de l'auteur.
J'ai donc, aux deux-tiers du livre, adopté la stratégie de l'état-major : battre en retraite.

Livre estimable, parcouru d'analyses remarquables, mais réservé aux amoureux du détail ou aux spécialistes des dépôts d'essence.
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La France étant aujourd'hui aux prises avec une invasion migratoire islamo-africaine, couplée avec la vague montante du racisme anti-Blancs, y aura-t-il un nouveau "Marc Bloch", écrivant une nouvelle "Étrange défaite" ?
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Un grand classique parmi les ouvrages d'Histoire. Marc Bloch, déjà grand historien, analyse cette "étrange défaite" que vient de subir l'armée française. Immédiatement, l'état major est incriminée puis les politiciens qui n'ont pas su anticiper le conflit que préparer, sans se cacher, l'Allemagne nazie.
De nombreux passages sont intéressants, car Marc Bloch n'hésite pas à dire ouvertement ce qu'il pense. D'autres le sont moins pour nous lecteurs, car, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il s'adresse à ses contemporains, leur laissant un témoignage à vif mais aussi des conseils pour une reconstruction qu'il sait inéluctable.
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Dans ce livre, Marc Bloch nous expose les raisons pour lesquelles, à son avis, l'armée française a été défaite en 1940. Selon lui, nos généraux ont toujours été en retard d'une guerre. de même qu'ils ont fait la guerre de 14 en croyant encore être à celle de 70, il feront cette guerre en croyant être à celle de 14. Ils ne réaliseront pas la prédominance de la « logistique », comme on dirait aujourd'hui, celle des transports rapides par automobile.

Marc Bloch a connu la Grande Guerre et, lorsque la « drôle de guerre » arrive, il est déjà avancé en âge.

Le témoignage est intéressant mais Marc Bloch lui-même conserve une vision des siècles passés : c'est normal de faire la guerre, cela fait partie des activités qu'un pays doit mener à bien, il y a un ministère de la guerre comme il y a ceux des finances ou des affaires publiques. Il n'est pas question pour lui de tenir un discours pacifiste.

Par la suite, Marc Bloch deviendra résistant et ne verra pas la fin de la guerre.
Lien : https://perso.cm63.fr/node/302
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