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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce procès-verbal de l'an 40, la défaite militaire de 1940 est due à une débâcle intellectuelle et administrative , on parle de faillite. Multilplication des échelons et des grades, fragmentation du haut commandement et rivalité des services. Carence intellectuelle lié au dogme de la guerre defensive. Ils restaient dominés par le souvenir de la guerre précédentes.
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C'est un livre que j'ai acheté sans en connaître autre chose que le propos et la photographie de couverture. Je m'attendais donc à un récit de combat, a du bruit et de la fureur et non une étude profonde sur le désastre de 1940.
Marc Bloch, historien spécialisé dans le moyen-âge et co-créateur de l'école des annales, pères de six enfants à décidé à la fin des combats d'écrire le récit de la débâcle et dans chercher les causes. Etant officier de ravitaillement, il a pu assister de l'arrière à la défaite, ce qui lui a permis, grâce a son esprit de synthèse, d'appréhender la réalité. Son étude fine et précise, consciencieusement étayé est en avance sur son temps. Il arrive, alors qu'il n'a pas beaucoup de recul, aux mêmes conclusions que les historiens actuels : incapacité du commandement tant militaire que politique, absence de vision tactique et stratégique. Il nous décrit une armée englué dans les formulaires, dans les procédures. Mais attention ce n'est pas une charge aveugle contre les militaires et les politiciens mais plutôt un texte afin d'éviter de recommencer les mêmes erreurs. 
Ce texte paru de façon posthume mérite d'être lu, ne serait ce d'un point de vu historique, pour une fois c'est un officier qui raconte, mais aussi pour voire ce que l'intelligence bien employé est capable. Un texte à méditer même si il faut tenir compte des contextes si on veut l'appliquer à notre époque, d'ailleurs c'est ce qu'il dit.  
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Rarement un témoignage aussi précis nous est livré à l'intérieur même d'un conflit. L'historien Marc Bloch, qui aurait pu rester chez lui au vu de son âge, s'engage en tant qu'officier, en l'occurrence pour faire la guerre de 39-40, mais également pour la suivre avec un oeil d'entomologiste.
Ses annotations font mal. Pêle-mêle sont rapportées une coopération médiocre avec les Anglais (on peut difficilement en douter…), la faillite des élites militaires, enfermées dans un conservatisme stérile quand elles ne sont pas finalement satisfaites de voir tomber la troisième république, mais aussi une certaine complicité de la bourgeoisie française, complicité qui se transformera bien vite en collaboration avec l'ennemi.
La plus importante cause, selon Marc Bloch, de la défaite éclair reste cependant une bureaucratie aussi tenace que paralysante. Personne ne savait où se prenaient les décisions et l'empilement échevelé des organigrammes et des structures interdisait toute cohérence d'ensemble.

De ce terrible écheveau, Marc Bloch en constitue d'ailleurs un rouage bien malgré lui et c'est avec un empressement de scrutateur qu'il nous livre une anecdote aussi révélatrice qu'imparable sur la densité organisationnelle qui immobilise l'armée française : au cours de sa mission, il est en effet amené à rencontrer son homologue luxembourgeois, un francophile acharné désireux de voir la Wehrmacht mordre la poussière. Celui-ci déclare à Bloch la chose suivante ; soit l'armée française se sent capable d'aller inquiéter les Allemands chez eux, auquel cas les importants stocks d'essence luxembourgeois seront remplis à disposition des Français, soit au contraire, les armées françaises privilégient un recul tactique, quitte à laisse pénétrer un peu la Wehrmacht en France. Dans ce cas, les stocks luxembourgeois, colossaux, seront intégralement vidés pour ne pas tomber aux mains des « boches ».
La décision est d'importance, aussi Marc Bloch, ne se sentant pas le pouvoir d'apporter lui-même une réponse, fera remonter illico la problématique au plus haut niveau.
Quatre ans plus tard, le rapport de Marc Bloch est retrouvé, parfaitement archivé et muni d'un nombre incalculable de visas, sans qu'aucun des signataires n'ait apporté une quelconque réponse. Au final, les Allemands, qui passeront par le Luxembourg, se serviront allègrement des stocks de carburant au grand désespoir de l'officier luxembourgeois qui, attendant une réponse française, n'avait pas eu le temps de vider ses cuves….

Un livre injustement méconnu, peut-être parce qu'il appuie sur des plaies qu'on se refuse encore à connaître, et qui pose très justement une question forte : comment une armée telle que celle opposée par la France aux Allemands en 1940 a pu se déliter en si peu de temps, pour en arriver à constituer une sorte de déroute record, inexplicable et encore inégalée...
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Officier français qui a participé aux deux guerres mondiales et historien, Marc Bloch produit dans les mois qui suivent la défaite de 1940 : L'Etrange défaite, réflexion historique qui n'a jamais été profondément remise en cause. Malgré le manque d'informations et de recul, il analyse les circonstances et les causes de cette catastrophe incroyable.
Incapacité du commandement, déresponsabilisation des chefs militaires, incapacité de l'Etat major français à valoriser son alliance avec l'Angleterre, lassitude du peuple français, résignation dominante ...
Marc Bloch dénonce également l'égoïsme bourgeois. La haute bourgeoisie ne s'est pas remise de la victoire du Front Populaire. Se sentant menacée par les nouvelles couches sociales, elle n'a pas su éclairer la France et l'a condamnée à la défaite qui sonne alors comme une revanche du haut patronat sur le peuple.
L'auteur en appelle à la jeunesse et à la manifestation d'énergies nouvelles pour "reconstruire la patrie". La France de la défaite est celle du regret. Elle est dotée d'un gouvernement de vieillards dont l'icône, le Maréchal Pétain est lui même très âgé.
Ce texte devient intemporel lorsqu'il appelle à la vertu et à la reconstruction.
Marc Bloch vit les idéaux qu'il prône . Plus vieux capitaine de l'armée française de 1940, il n'avait pas hésité à se réengager. Il entre dans la Résistance. Arrêté et torturé, il est fusillé en 1944 par la Gestapo.
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C'est en lisant "C'est la guerre" de Stéphane Audoin-Rouzeau, cet été, que j'ai vu de nombreuses références à cet ouvrage de Marc Bloch dont je n'avais, je le confesse, jamais entendu parler. L'acuité des citations qu'Audoin-Rouzeau en tirait m'avait convaincu de le lire, ce que je viens donc de faire, qui plus est pour la modique somme de 0 € puisque cet ouvrage est maintenant dans le domaine public (merci la liseuse).
Marc Bloch, historien de renom, a fait toute la première guerre mondiale en tant qu'officier d'infanterie, avant de rempiler à sa demande en 1940, à l'âge de 52 ans, ce qui faisait de lui alors le plus vieux capitaine de l'armée française. Pendant ces quelques semaines de débâcle, il a fréquenté de près l'état-major de la première armée, c'est dire s'il constitue un témoin de premier choix.
D'abord embauché en tant qu'agent de liaison avec les Anglais, puisqu'il maniait la langue de Shakespeare, il s'est rendu compte qu'ils étaient trois à faire le même travail, il a donc été transféré en tant que responsable de l'approvisionnement en essence, tout en n'ayant, de son propre aveu, aucun rudiment en logistique, et s'il a appris très vite, il priait tout de même pour qu'Hitler n'attaque pas tout de suite – en même temps, ce n'est pas comme si l'essence était importante, hein, non plus !
Voilà, le ton est donné. Dans un patient et lumineux réquisitoire, Bloch raconte les incuries qu'il a subies à titre personnel, mais surtout décrit les impérities qu'il a vues et entendues tout autour de lui durant les semaines de la débâcle. Autant le dire tout de suite, c'est accablant. de la nullité et du défaitisme des officiers d'état-major au manque de combativité des grades inférieurs, de la division sociologique de l'armée (entre les pacifistes internationalistes syndicalistes d'un côté qui ne font pas la différence entre le meurtre et la légitime défense, et la grande bourgeoisie d'autre part, qui ne pardonne pas le front populaire de 1936), de l'impréparation et de la courte-vue de l'entre-deux guerres au manque de réactivité face aux évènements et à notre incapacité à collaborer efficacement avec des alliés, tout le monde en prend pour son grade.
Je n'ai pas pu m'empêcher de repenser à l'insulte que nous adressaient les Américains en 2003 lorsqu'ils furent vexés que les Français ne les suivent pas en Irak : "surrenderers monkeys"... singes capitulards.
Si, sur l'ensemble de l'Histoire, il ne faut pas sombrer dans le "french army bashing" à courte vue, et se souvenir par exemple que, contrairement à une idée reçue, la proportion de victoires-défaites contre les Anglais est de 60-40 en faveur de la France, il faut avouer que l'on n'a jamais mieux mérité ce sobriquet que durant ces tristes mois de mai et juin 1940 (en dépit de la résistance opiniâtre de certains éléments de l'armée qu'il ne convient pas d'insulter).
Dès lors, je me pose la question sur le titre "L'étrange défaite". Ce livre ayant été édité à titre posthume, après que Bloch fût fusillé pour résistance en 1944 – il nous est d'ailleurs parvenu presque par miracle, après avoir été enterré dans son jardin. Je me dis que le titre n'est forcément pas de lui, car à sa lecture, on conçoit cette défaite comme tout sauf "étrange".
C'est vraiment un très grand livre. Celui d'un analyste à l'intelligence acérée, celui d'un patriote au sens noble du terme, qui ne méprise aucune frange de la société, celui de quelqu'un capable d'élever le débat au niveau philosophique, celui d'un visionnaire. Un très grand bonhomme.
Pour moi, dans la catégorie "essais", c'est la lecture de l'année, et même peut-être de ces dix dernières années, et s'il n'est pas d'un abord facile pour les ados ou les personnes peu lettrées, chacun devrait s'y confronter dès qu'il a acquis le bagage nécessaire.
Pour enfoncer le clou, la version que j'ai lue comportait 6 articles supplémentaires écrits pour la plupart en 1943, un an avant sa mort. En tant que prof, mon attention a été attirée par le dernier des 6. Voyant la victoire se profiler, Bloch y exprime sa vision des réformes nécessaires pour l'éducation nationale après guerre, en particulier au niveau secondaire et universitaire. Cruel constat : bientôt 80 ans après, quasiment aucune de ses préconisations n'a été prise en compte (suppression des examens incessants transformant les jeunes en singes savants, fin de l'hyperspécialisation des écoles et des diplômes, suppression de certaines grandes écoles, décloisonnement des universités, retour à un enseignement général plus pragmatique pour éviter l'ennui, et j'en passe...)
Ce n'est même pas une intuition, c'est une certitude que j'ai, après 25 ans de carrière : si on l'avait écouté, nous n'en serions pas là, à présent, avec des hémorragies de décrocheurs, d'écoles alternatives, d'instruction en famille, des diplômes inutiles, des examens coûteux et sans valeur, des "bullshit cursus" menant tout droit à des "bullshit jobs"... et à un niveau général moyen toujours plus désastreux d'année en année.
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En ces temps de cérémonie en l'honneur de nos soldats morts en Afganistan, il est nécessaire de lire - ou relire - un grand texte écrit "dans la rage" en juillet 1940 par Marc Bloch, historien du moyen-âge, fondateur, avec Fernand Braudel, de l'école des Annales.

Voici - entre autre - ce qu'écrit cet intellectuel, engagé volontaire en 1940 - il a 54 ans et est père de 6 enfants, il participera ensuite, après sa démobilisation, au réseau "Combat" dans la Résistance et sera à ce titre fusillé par les Allemands en 1944 - sur les politiciens de la période de 1938 :

Prisonniers de dogmes qu'ils savaient périmés, de programmes qu'ils avaient renoncé à réaliser, les grands partis unissent, fallacieusement, des hommes qui, sur les grands problèmes du moment (...), s'étaient formés les opinions les plus opposées. Ils en séparaient d'autres qui pensaient exactement de même. »

Cela ne vous dit rien ?

Cette analyse à chaud des causes de la débâcle de 1940, publiée en 1946, écrite par un homme lucide et habitué à la recherche des faits, qui a donné sa vie pour la Patrie, reste d'une actualité brûlante aujourd'hui sur les tendances de l'âme française. de la lecture de tels témoignages, on peut transposer des règles de vie pour mieux comprendre le désenchantement politique actuel....Finalement - hélas - rien ne change.

Mais revenons à l'Etrange défaite.

Marc Bloch décrit d'abord son expérience personnelle de l'extraordinaire chaos de l'offensive allemande du 10 mai 1940. Il en avance plusieurs explications. Voici un florilège de citations :

- Depuis le début du 20° siècle, la notion de distance a radicalement changé de valeur. Les Allemands ont fait une guerre d'aujourd'hui, sous le signe de la vitesse. Nous avons en somme renouvelé les combats, familiers à notre histoire coloniale, de la sagaie contre les fusils. Mais c'est nous, cette fois, qui jouions les primitifs.

- Cette guerre fut le fait de perpétuelles surprises : les Allemands ne jouaient pas le jeu, n'étant jamais là où on les attendait. Ils croyaient en l'action et à l'imprévu. Nous avions donné notre foi à l'immobilisme et au déjà fait.

- La doctrine, couramment répandue par les doctrinaires, nous affirmait arrivés à un de ces moments de l'histoire stratégique où la cuirasse dépasse en puissance le canon (allusion à l'investissement dément dans la Ligne Maginot).

Quelques semaines de combats meurtriers et brouillons suffirent pour mettre ainsi en lumière l'insuffisance du haut commandement, de l'organisation, de l'armement et des blindés (considérés comme une arme lourde à mouvoir et réservée à la défense), de liaisons entre les forces françaises entre elles et le corps expéditionnaire britannique, la faiblesse du renseignement, la pléthore du nombre de ses organismes et la rivalité entre eux, la crise d'autorité et l'incapacité à sanctionner les manquements, la manie paperassière du temps de paix perpétuée en temps de guerre, les chevauchements, les strates multiples, le sectionnement des responsabilités.

Dans la troisième partie intitulée Examen de conscience d'un Français, ce sont les responsabilités morales de la classe militaire et politique qui sont mises sous revue :

- la folie de l'exode, la rapidité à déclarer les villes de plus de 20 000 habitants "ouvertes", la non défense des ponts, l'impréparation des troupes pendant la "drôle de guerre", le manque de connaissances global de l'encadrement : "une paresse du savoir qui entraîne une funeste complaisance envers soi-même."

En particulier est fustigée toute la littérature du renoncement mettant en garde contre les dangers de la machine et du progrès, le manque de culture des "élites", leur absence de curiosité technique et politique - nourri d'une Presse orientée, comme d'effort pour comprendre le peuple par horreur des masses et du Front Populaire.

- une remarque, en passant, sur le régime d'assemblée défunt : "c'est un problème de savoir si une chambre, faite pour sanctionner et contrôler, peut gouverner." le régime parlementaire, les assemblées pléthoriques, les politiciens en prennent pour leur grade : "les partis servaient simplement de tremplin aux habiles, qui se chassaient l'un l'autre du pinacle".

Un grand texte, donc, court et nerveux, écrit avec talent d'une traite, avec quelques fulgurances d'espoir dans une issue proche et que son auteur clairvoyant, fusillé au cul d'un camion allemand, ne verra pas mais qui lui survivra.
Lien : http://www.bigmammy.fr
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La TRES ETRANGE ACTUALITE de L'ETRANGE DEFAITE.
C'est un ami qui m'a conseillé de lire ce bouquin en pleine pandémie du covid 19. J'avais entendu parlé de Marc Bloch mais j'ignorai tout de lui et de ses écrits. Faute, erreur impardonnable. C'est un livre d'histoire capital qui devrait être enseigné et commenté au lycée et que je ne saurai vous conseiller de lire.

Au delà, du récit historique de la débâcle de 1940, c'est une clé pour appréhender notre monde actuel. Mais l'histoire ne doit-elle pas nous aider à comprendre le présent?
Marc Bloch y répond ainsi "Car l'histoire est par essence, science du changement. Elle sait et elle enseigne que deux évênements ne se reproduisent jamais tout à fait semblables, parce que jamais les conditions ne coïncident exactement. Sans-doute, reconnait-elle, dans l'évolution humaine des éléments sinon permanents du moins durables. C'est pour avouer, en même temps,la variété presque infinie de leurs combinaisons. .... Elle peur s'essayer à pénétrer l'avenir; elle n'est pas, je crois, incapable d'y parvenir. Mais ses leçons ne sont point que le passé recommence, que ce qui a été hier sera demain. " (p150-p151)

Marc Bloch est historien et officier de réserve en 1940. Il a fait la guerre de 14. A plus de 50 ans, il tient à se réengager.
Responsable de l'approvisionnement en essence, il est aux premières loges ;: proche du front et du commandement. Il décrit la défaite militaire et on est ahuri par la nullité du commandement, l'absence d'analyse, de stratégie, de moyens.Le poids de l'organisation, de la hiérarchie et l'incapacité à juger le réel : "Les Allemands ont fait une guerre d'aujourd'hui, sous le signe de la vitesse. Nous n'avons pas seulement tenté de faire, pour notre part, une guerre de la veille ou de l'avant-veille. Au moment même où nous voyions les Allemands mener la leur, nous n'avons pas su ou pas voulu en comprendre le rythme, accordé aux vibrations accélérées d'une ère nouvelle. Si bien, qu'au vrai, ce furent deux adversaires appartenant chacun à un âge différent de l'humanité qui se heurtèrent sur nos champs de bataille. "
Déjà en lisant la partie militaire, on ne peut que comparer avec ce que nous avons vécu avec la pandémie. C'est macron qui a parlé de guerre. Il suffit de remplacer les militaires par les personnels de santé. Et çà marche l'analyse est juste.

Marc Bloch n'en reste pas là. Il analyse aussi l'état, le personnel politique, les classes sociales et notamment la bourgeoisie. Il parle des mentalités de l'époque, du système d'éducation.
Non marxiste, il cite souvent Marx.
Son jugement est clair et sans appel :
"Ce n'est pas seulement sur le terrain militaire que notre défaite a eu ses causes intellectuelles. Pour pouvoir être vainqueurs, n'avions nous pas, en tant que nation, trop pris l'habitude de nous contenter de connaissances incomplètes et d'idées insuffisamment lucides ? Notre régime de gouvernement se fondait sur la participation des masses. Or, ce peuple auquel on remettait ainsi ses destinées et qui n'était pas, je crois, incapable, en lui-même, de choisir les voies droites, qu'avons nous fait pour lui fournir ce minimum de renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n'est possible ? Rien en vérité. Telle fût, certainement, la grande faiblesse de notre système prétendument démocratique, tel, le pire crime de nos prétendus démocrates. Passe encore si l'on avait eu à déplorer seulement les mensonges et les omissions, coupables, certes, mais faciles en somme à déceler, qu'inspire l'esprit de parti ouvertement avoué. le plus grave était que la presse dite de pure information, que beaucoup de feuilles même, parmi celles qui affectaient d'obéir uniquement à des consignes politiques, servaient, en fait, des intérêts cachés, souvent sordides, et parfois, étrangers à notre pays. (...) Pour comprendre les enjeux d'une immense lutte mondiale, pour prévoir l'orage et s'armer dûment, à l'avance, contre ses foudres, c'était là une médiocre préparation mentale. Délibérément (...) l'hitlérisme refuse à ses foules tout accès au vrai. Il remplace la persuasion par la suggesion émotive. Pour nous, il nous faut choisir : ou faire, à notre tour, de notre peuple un clavier qui vibre, aveuglément, au magnétisme de quelques chefs (...) ; ou le former à être le collaborateur conscient des représentants qu'il s'est lui-même donnés. Dans le stade actuel de nos civilisations, ce dilemne ne souffre plus de moyen terme... La masse n'obéit plus. Elle suit, parce qu'on l'a mise en transe, ou parce qu'elle sait. "

Décrit-il la société de 1940 ou celle de 2020?
La société n'aurait-elle pas évoluer depuis 1940?
Au final, non.
Pour évoluer, il est absolument nécessaire de connaître et de tirer les conséquences du passé.
Qui a lu Marc Bloch?
Combien de profs d'histoire l'ont cité?
Cette page d'histoire est essentielle pour analyser notre société.
C'est pourquoi il faut absolument lire ce bouquin.




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Un livre important écrit par Marc Bloch, un historien résistant, torturé et tué par la gestapo en juin 1944.
L'Etrange Défaite raconte et commente en historien, comment les Français sont arrivés à 1938 puis à 1940 et ont géré ces trois années terribles.
Il pointe bien sûr les décisions des politiques mais, surtout, à l'origine de ces décisions, le comportement de tout un chacun. Avec tout ce que cela comprend de mollesse, d'égoïsme et de désintérêt mais aussi d'arrangements financiers ou psychiques.
Vivant aujourd'hui, on est bien obligé de se poser des questions…
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Un livre cité par Jorge Semprun est toujours source de culture. Marc Bloch, intellectuel et universitaire brillant, historien (agrégé d'histoire à 22 ans !) d'origine juive, arrêté pour faits de résistance et fusillé par la gestapo en 1944, laisse ici un témoignage unique sur la défaite de l'armée française en 1940. Ce livre est un rescapé, le manuscrit a été trouvé dans une de ses planques après son arrestation. Posthume donc. Il analyse avec acuité les failles de l'armée française qui combattait comme en 14. Les vieux militaires n'avaient pas évolué (ils ne croyaient ni dans les chars ni dans l'aviation). Les ordres étaient ralentis par une hiérarchie implacable et incontournable, où chacun défendait son égo avant les hommes de troupe. Page 128, il écrit : « les sentiments mutuels de deux officiers gravissant ensemble les degrés de la hiérarchie : lieutenant, amis ; capitaines, camarades : commandants, collègues : colonels, rivaux ; généraux, ennemis ». Cela résume dramatiquement bien la situation d'alors : des incohérences, une rétention d'information, du défaitisme, ont provoqué une incapacité de commandement militaire et politique, une absence de vision tactique et stratégique, tout cela à cause de rivalité humaine dans l'état major.Il met aussi en cause la bourgeoisie, comme l'avait fait Léon Blum dans son livre : A l'échelle humaine, qui ne s'était pas remise du succès du front populaire en 36.
Clairvoyant, sincère et juste. Patriote actif, il fut réduit au silence par les balles allemandes et peut-être une dénonciation bien française…
Paix à lui.


Lien : https://www.babelio.com/conf..
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Marc Bloch est incontestablement l'un des historiens qui a permis à la matière historique de se renouveler en profondeur , intégrant notamment à celle-ci les paramètres économiques et sociologiques nécessaires à sa compréhension.

L'historien a fourni dans l'Etrange défaite l'analyse la plus aboutie des causes de la Chute de 1940 (lire également Blum et De Gaulle). Il dresse la liste des responsables de la débâcle : la bourgeoisie au pouvoir incapable de mobiliser les masses, les syndicats , la gérontocratie militaire , la bureaucratie , la presse , l'enseignement suranné, le Traité de Versailles ; bref , tout y est.

Enfin, Bloch en appelle dans cet ouvrage à la "vertu" du citoyen républicain ; lui qui avait la République chevillée au corps - martyr de la Résistance - , fut fusillé par la Gestapo en criant " Vive la France".

La lecture de ce livre est donc conseillée à quiconque veut saisir les tenants et les aboutissants de la débâcle , en comprendre les causes profondes, exprimées avec toute la rigueur d'un historien brillant.
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