Une vie tracée comme un filin tendue entre ici et un futur que l'on devine, que l'on espère… En funambule sur ce fil, Valentin et Sébastien conjuguent les jours au futur, et comment les en blâmer ? On le fait tous. Parce qu'on n'imagine pas que cette soie si fragile sur laquelle on marche, sur laquelle on court, on s'aime, on danse… sur laquelle on vit, puisse un jour se casser.
Fracture.
Une seconde à peine, une brisure, une sortie de route, et le monde s'écroule. Leur monde. Notre monde.
Le reste du monde ? Non… lui continue de tourner, de danser, de vivre, et c'est peut-être ça le pire, après tout.
Depuis le bas-côté où l'on constate, effaré, l'étendue de ses plaies, on voit les autres passer, ces autres qu'on envie, que l'on se met à détester aussi, ces autres qui étaient nous. Mais nous ne sommes plus ces autres.
Valentin et Sébastien ne sont plus ces autres. Chacun à leur façon, ils deviennent des abîmés, des diminués, des coquilles vides, des âmes aux pièces manquantes.
Fracture(s) est le récit bouleversant de cette seconde qui a tout changé et de l'après, mais c'est bien plus que cela.
Emy Bloom trouve les mots justes, les mots sensibles, pour dire la peur, la douleur, le doute, et tout cet amour qui ne sait plus voler mais qui essaye encore, qui essaye toujours, parce que… Parce qu'un coeur entier bat encore entre leurs ailes brisées. Parce que c'est lui dans ce corps, c'est toujours lui. Parce que Valentin aime Sébastien. Parce que Sébastien aime Valentin.
Entre victoires et découragements, entre poing fermé et main tendue, l'auteure nous livre ici plus qu'une histoire. Elle nous conte avec maestria et sensibilité la beauté du chemin qu'ils n'avaient pas prévu d'emprunter, et qu'on emprunte avec eux, happé par le talent de cette plume que je découvre avec bonheur et qui sait si bien parler les mots du coeur.
Bien sûr, le sol est jonché d'obstacles, bien sûr…
Bien sûr, le voyage est épuisant, déroutant, décourageant parfois, bien sûr…
Mais il est si joli, il est si grand le ciel au-dessus de ces oiseaux aux ailes en vrac.
Dans ce roman,
Emy Bloom nous fait cadeau de bien plus que des mots délicieusement maniés, bien plus que des phrases construites avec talent, elle nous offre… des plumes.
Et on en fait des ailes, des espoirs et des rêves pour ces deux personnages auxquels on s'attache dès le tout premier chapitre.
Et lorsque l'on referme ce livre, on le sent. C'est comme une sterne qui lisserait son duvet juste là, dans la poitrine.
Et lorsque l'on referme ce livre, on le sait. L'auteure nous a ouvert ses bras et son coeur, et doucement, tout doucement, elle nous a appris à voler.
Alors on ferme les yeux pour retenir encore un peu Valentin et Sébastien. Comme il est dur de les laisser partir…
Alors merci à l'auteure…
Pour la douleur toute nue que j'ai ressentie à travers eux et la tendresse qui m'a étreint le coeur,
Pour les larmes que je n'ai pas su retenir, et les sourires qui ont fleuri juste après,
Pour les doutes qui m'ont assailli et les espoirs que je n'ai pu m'empêcher d'avoir,
Pour Valentin,
Pour Sébastien,
Et pour les plumes,
Merci. 💙