Jugement de
CATULLE MENDES dans le "Journal".
Le grand mot de chef-d'oeuvre que je viens d'écrire ne voisine pas de trop loin avec la "Dernière Dulcinée", magnifique et tendre poème tragique de M. Albert du Bois, qui vient d'être représenté au théâtre Femina, par les soins des Escholiers ; - il convient de les saluer et de les remercier d'une si belle entreprise.
Dans la "Dernière Dulcinée", en cette douce, fine, jolie, déchirante et atroce comédie, M. Albert du Bois a mis ce qu'il y a de plus beau dans l'esprit, de plus doux dans le coeur ; il fera peut-être des drames plus parfaits, plus admirables que celui-ci : il ne pourra pas en faire que nous puissions aimer davantage. Ah ! comme il le chérit, lui, son
Don Quichotte ! comme il le câline, même quand il le blesse ! Comme on sent que le poète souffre de voir son héros, berné par l'enfant qu'il a voulu secourir contre de méchants petits camarades ; maltraité par Sancho ; berné par la méchante Dorothée - pas si méchante, pourtant, si femme - et par ce grand fat de Pablo Perez ; raillé par les comédiens qui lui demandent des coupures ; comme il nous le montre bon, résigné, charmant, exquisément aimant, pour que nous ayons, nous aussi, de la peine à le voir souffrir ! En vérité, je ne sais au théâtre d'aucun temps, d'aucun pays, un acte plus déchirant, plus poignant, plus terrible et si miséricordieux aussi, et, disons le mot, plus sublime que le dernier : celui où ce sage, ce savant, ce poète, cet homme excellent, devient véritablement fou parmi les fous véritables. - A dessein, je n'entre pas dans le détail de l'action. Il convient que ce bel ouvrage vous soit neuf, presque inconnu, le jour où il sera représenté sur un grand théâtre. Et si, en attendant que la Comédie française s'ouvre à M. Albert du Bois, M. Antoine n'a pas joué ce drame, c'est sans doute que M. Albert du Bois, qui vit à l'écart, a omis de le lui offrir.