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Effroyable de voir qu'il y a à peine sept décennies l'Irlande était encore un pays peuplé de gens d'une mentalité archaïque sans logique, sans compassion, sans humanité. C'est à cette époque en avril 1949 qu'Eva Fitzgerald ( Goold-Verschoyles de son nom de jeune fille) décide de quitter son mari et son foyer au conté de Mayo pour partir à Dublin. Avec le peu d'héritage qui lui reste de sa mère elle y achète une maison et ouvre un studio d'Art pour enfants, afin de subsister et de faire quelque chose d'utile pour les enfants dans une société où la créativité est considérée marginale et l'expression de soi mal vu. Elle est déjà proche de la cinquantaine , des enfants majeurs, un âge où la femme pour l'époque et le pays est déjà considérée « hors d'usage » . Même si au début elle manque encore de confiance en elle, l'idée que sa vraie vie commence peut-être que maintenant et le cadeau d'un ami de son mari va l'encourager pour y avancer.
Pourtant la société irlandaise est non seulement sujet au ségrégationnisme religieux, machiste et homophobe mais elle lui reproche même d'être végétarienne , sans parler de sa situation de femme séparée, le divorce étant impossible à obtenir, et que la permission de son mari étant nécessaire pour qu'elle puisse ouvrir un compte en banque et obtenir un passeport . Certains de ces qualificatifs désavantageant aussi ses deux enfants s'y ajoutera son obsession à les protéger, malgré leurs âges adultes.

Un livre sociologiquement intéressant, où on peut admirer cette femme très réceptive à la vie et ses possibilités , luttant pour préserver son indépendance , son respect à elle-même malgré les sérieuses difficultés financières et morales et les tragédies auxquelles elle sera obligée de faire face. Dotée aussi d'une notion d'empathie ancrée, celle-ci lui sera plus souvent un fardeau qu'une bénédiction, que la société finira quand même par reconnaître et apprécier.

Première rencontre interessante avec Bolger avec ce roman inspiré librement de la vraie histoire de Sheila Fitzgerald , que l'auteur mettra treize ans à écrire. Il la croise à 18 ans dans sa caravane dans le conté de Mayo alors qu'elle a déjà 73 ans, et ils resteront amis jusqu'à sa mort en 2000.Une femme courageuse pour son époque qui a la chance d'être ressuscitée sous la plume magique de Bolger. Un livre émouvant, éprouvant, aux personnages masculins décevants mais féminins attachants qui se posent beaucoup de questions existentielles,
Qu'est-ce-qu'une vie ?
Qu'elle est la définition d'une bonne mère ?
Quel est la définition du bonheur que chacun cherche comme l'épée de Graal , est-elle primordiale pour une vie réussie, satisfaisante ?
« Le bonheur est un cadeau rare, saisit-le quand tu le peux* »,en dira Hazel, la fille d'Eva. Ce qu'elle fera.
Histoire d'une vie , où les livres aussi auront un rôle déterminant à certaines étapes de la vie d'Eva, Gurdjieff, “Rencontres avec des hommes remarquables”, Herman Hesse , “Le jeu des perles de verre”……étrangement des livres et auteurs qui m'ont aussi influencée .
Une femme qui malgré toutes les tragédies de sa vie décida de vivre dans le présent et de chercher et saisir la joie et le bonheur au coeur de la vie, jusqu'à la fin, “…..no bomb that ever burst shatters the crystal spirit.”
( George Orwell )


* ‘Happiness is a rare gift, Grasp it when you can.'


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Je fais la connaissance de l'auteur irlandais Dermot Bolger avec ce livre traduit par Marie-Hélène Dumas qui vient d'être publié en France.

Ce livre m'a tout de suite séduite par son rythme lent et le sens de l'observation comme si je regardais un tableau, attirée par la peinture mélancolique d'une époque en train de disparaitre. Cette magnifique composition d'un temps perdu m'a fait penser au roman cet été là de William Trévor qui m'avait beaucoup marquée également.

Au centre de ce récit, Eva, le portrait révolutionnaire d'une femme irlandaise en voie d'émancipation, une artiste dans l'âme qui a fait de sa vie une oeuvre en création.

Eva, c'est Sheila Goold Verschoyle que Dermot Boger avait rencontré lorsqu'il était étudiant et l'avait encouragé comme personne dans ses premiers pas d'écrivain.
Eva comme l'appelle l'auteur dans son roman, est un personnage féminin inoubliable. Entêtée à vivre sa vie affranchie des conventions, à mener des combats pour des idées et des valeurs qu'elle partage avec convictions.

Une vie marquée par des manques et des tragédies qui n'ont pas altéré sa croyance en quelque chose de supérieur qui n'a rien à voir avec la religion.
Et c'est cette foi, cette énergie qui rendent Eva si solaire et accueillante.

Ce roman est l'hommage personnel de Dermot Bolger à partir des confidences enregistrées de Sheila dans sa petite caravane de fortune appelée L Arche, plantée dans les bois de l'ancienne demeure en ruine de son mari à Turlough dans le comté de Mayo.

Cette maison ancienne de Glanmire House hantée dans ses caves par la légende du fantôme du majordome et les cendres du parterre de jonquilles sont les derniers vestiges d'un passé révolu.
Ce sont les traces des lieux immortels, le lieu de départ et d'arrivée des nombreux chemins parcourus à travers le monde par Eva.

Le premier chapitre par son ton élégiaque fait naître une émotion qui m'a beaucoup marquée et la toute fin qui est une réalité sombre serre le coeur. Les derniers instants d'une vieille dame excentrique aux vêtements colorés entourée de ses derniers chats et de son fidèle colley racontés pour moi de deux manières différentes.

Entre temps, nous remontons le passé d'Eva. le roman se déploie à grandes enjambées comme la grande fresque d'un incroyable parcours d'émancipation féminine sociale et politique des années 50 jusqu'à l'aube du 21 ième siècle.
Que ce soit à Dublin, à Londres, au Maroc ou au Kenya, Eva a laissé quelque chose d'elle-même dans ses rencontres en laissant pousser la graine de la création chez ses interlocuteurs.
A Dublin, par exemple Eva a été la première à ouvrir des ateliers de peinture pour enfants. Sa caravane de bohème, son dernier chez-elle, u dans les années 70-80 a été le refuge d'étudiants en arts du monde entier qui venaient la voir pour discuter avec elle.

Une arche de lumière est à la fois un beau roman lumineux et enténébré des bonheurs envolés comme est la vie qui lui a valu plusieurs années d'écriture à l'auteur. Il est le deuxième volet d'un premier roman centré celui-ci sur l'enfance d'Eva à Manor House dans le comté du Donegal « Toute la famille sur la jetée du paradis » qui aborde les tensions politiques de la vieille famille aristocratique Goold Verschoyle dans une Irlande déchirée.

J'aimerais aussi voir les croquis dessinés par Sheila Fitzgerald (son nom d'épouse) lorsqu'elle était enfant dans le livre « A Donegal summer » qui n'est pas encore publié en France.
Encore de belles lectures à découvrir.

Je remercie Babelio et les Editions Joëlle Losfeld pour m'avoir fait découvrir ce roman dans le cadre de la Masse Critiques Littératures.
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A 45 ans, l'irlandaise Eva, fatiguée d'une vie trop fade, quitte son lieutenant colonel de mari pour se consacrer à son école de peinture et à sa famille, son fils Francis qui assume clandestinement à Londres son homosexualité et sa fille Hazel dont la vie de couple bat de l'aile au Kenya.

Ce qui est beau, c'est la deuxième partie du livre, la force de cette femme qui, malgré les épreuves, vivant de rien dans sa cabane, va poursuivre sa passion pour la poésie, ses combats pour la nature et les animaux.

Ce n'est pas mon genre de livre mais c'est sans doute un bon livre dans le genre.
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Une arche de lumières est l'histoire d'une femme ordinaire à laquelle il arrive des choses extraordinaires ? Non, ce n'est pas cela. L'histoire d'une femme de convictions qui survit à une malédiction ? Bien essayé, mais non, c'est trop vague. le mieux est que vous lisiez ce roman magnifique de Dermot Bolger, auteur irlandais qui gagne à être suivi, captivant et surprenant, jusque dans sa postface qui nous apprend qui était dans la vraie vie l'héroïne du livre, qui ne répondait pas au prénom d'Eva, comment l'auteur l'a connue et comment il a travaillé sur cette sorte de biographie, qui s'autorise une grande part de fiction, pendant une quinzaine d'années. Nul doute que Bolger idéalise beaucoup Eva, mais cela fait partie du charme d'Une arche de lumière, avec une existence qui commence véritablement un jour de1949, lorsqu'elle prend la décision courageuse de quitter son mari et sa maison du comté de Mayo. C'est le début d'un vagabondage entre l'Angleterre, l'Espagne et le Maroc, dans des conditions le plus souvent précaires, mais aussi avec une énergie dévastatrice pour mener des combats incessants pour le droit de l'homme (et de la femme), le bien-être des animaux, l'écologie, etc. Une vie faite de rencontres et d'une empathie perpétuelle qui séduit même ceux qui la trouvent excentrique et bizarre. Oui, elle connait la bohème mais elle fait de son mieux pour protéger son fils, homosexuel, et sa fille, mal mariée, malgré la distance qui sépare souvent le mère de ses enfants. La plus belle relation, celle qui éclaire le début de la vieillesse d'Eva, est celle qui l'unit à sa petite-fille et qui nous vaut des pages splendides où il n'est pas interdit de verser de chaudes larmes. Dans son parcours, émaillé de deuils trop nombreux, Eva cherche à être elle-même, sans compromis avec les règles sociales, en quête de justice, d'harmonie et de bonheur, même s'il n'est qu'illusoire et fugace. Ce destin, fait d'espoir et de désillusions, de solitude aussi, Dermot Bolger le conte avec une plume aiguisée, pleine de bienveillance pour son héroïne, qui devient vite notre amie intime, qui partage ses sentiments, nous émeut et nous ravit, volontaire à l'extérieur et fragile à l'intérieur, une aventurière au coeur pur, que les coups du sort n'ont pas empêché de mener une vie de lumière, tournée exclusivement vers les autres.

Un grand merci aux Éditions Joëlle Losfeld et à Babelio, via sa Masse Critique.
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"Quoi que la vie te réserve, promets-moi de te battre bec et ongles pour le droit au bonheur".

Cette demande a l'air simple, pourtant dans une société où l'on se préoccupe surtout de son statut elle a de quoi surprendre. Cette phrase prononcée par sa mère le jour de son mariage, Eva ne l'oubliera jamais. Elle la confortera dans ses choix, lui fera relancer la marche avant lorsqu'elle se trouvera temporairement enlisée, lui permettra de construire sa vie en suivant son instinct. Qu'est-ce que le bonheur ? Éternelle question à laquelle chacun répondra de façon très personnelle. Pour Eva, le bonheur a un rapport étroit avec la liberté. Et sa recherche de liberté va l'amener à faire puis assumer des choix qui la mettront en marge de la société pendant une bonne partie de sa vie. Dès le moment où, en 1949, à 46 ans elle convainc son mari de la laisser partir. Elle quitte la demeure cossue des Fitzgerald pour une petite maison à Dublin où elle s'installe avec ses deux enfants déjà grands et prêts à faire leur vie de leur côté. Elle ouvre une école d'art pour les enfants, persuadée que laisser s'exprimer la créativité est le premier pas vers la construction de soi. Elle ne sait pas encore à cette époque qu'elle n'est qu'au milieu de sa vie, que de terribles chagrins l'attendent. Mais aussi des rencontres. En Irlande, en Espagne, au Maroc, dans les îles britanniques et même au Kenya où vit sa fille, mariée à un propriétaire terrien. Partout où ses envies la portent. Une vie sobre, débarrassée de vaines possession, axée sur le rapport aux autres, sur l'engagement pour les causes qui lui tiennent à coeur, sur une certaine spiritualité à mille lieues des murs fermés des églises. Jusqu'à sa (presque) dernière demeure, une roulotte qui lui permet de se poser quelque temps et de repartir, défendant farouchement son indépendance et sa liberté, et que sa petite fille baptisera "l'arche", nom prédestiné.

Une arche de lumière traverse la seconde moitié du 20ème siècle aux côtés d'une héroïne formidablement attachante sur fond de conflit irlandais, de décolonisation et de luttes pour toutes les émancipations qu'il s'agisse de l'apartheid en Afrique du Sud, du droit des femmes ou de ceux des homosexuels. Eva s'intéresse au vivant, à la personnalité de chacun, mère attentionnée et inquiète, grand-mère éblouie, oreille attentive et réconfortante pour celles et ceux qui se donnent la peine de dépasser les convenances. Prête à renoncer à son dernier rêve, s'installer au Costa Rica pour ne pas abandonner son vieux chien.

Cela faisait bien longtemps qu'un roman ne m'avait autant émue. Peut-être parce qu'il interroge tellement le sens de la vie, sans effets spéciaux, à l'aune de sentiments palpables. Sans doute aussi parce que Dermot Bolger s'inspire d'une femme qu'il a réellement rencontrée comme il le raconte dans une très belle postface. Dans un monde où nous faisons face à de plus en plus d'injonctions parfois contradictoires, où la pression de l'image et de la consommation n'ont jamais été aussi fortes, où le bruit se fait assourdissant, ce personnage déterminé à suivre sa voie, à assumer une sorte de décroissance en se contentant du minimum vital et surtout à savourer les instants d'un bonheur très simple est tellement inspirant.

Il y aurait encore beaucoup à dire. Pourtant, ce qui me semble le plus important c'est de souligner la beauté poignante qui se dégage de ce roman à l'image de ces quelques mots que Francis, le fils d'Eva adresse à sa mère dans une lettre : "Aujourd'hui, pendant que j'en dégageais un (arbre), j'ai compris ce que toi et moi nous devons faire de nos vies : éclaircir autour de nous un espace suffisant pour pouvoir y respirer et simplement vivre notre vie, en restant nous-mêmes."

Le plus beau roman que j'aie eu sous les yeux depuis un bout de temps.
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Babelio Masse Critique épisode je ne sais plus combien tant notre collaboration est ancienne. Et bon millésime cette fois avec le dernier roman de Dermot Bolger Une arche de lumière. Cet auteur irlandais est l'un des meilleurs contemporains, mais j'en dis autant de Colum McCann, Joseph O'Connor ou Donal Ryan. Années cinquante, Eva est l'héroïne irlandaise, épouse de Freddie, mais qui ne partage pas les idées conservatrices de son mari. Eva reprend sa liberté. Et se consacrera à sa vie personnelle, ce n'est cependant pas un roman que je définirais comme féministe, c'est bien mieux que cela. Francis, le fils d'Eva et Freddie, est homosexuel. En ce temps là, pas facile. Leur fille Hazel, très indépendante, aura besoin de deux mariages pour comprendre sa solitude.

On suit Eva du comté de Mayo au Maroc, en passant par l'Espagne et le Kenya qui s'éveille à l'indépendance. C'est un très beau personnage romanesque, un peu inadapté que ce soit à l'Irlande rétrograde (oui, ma chère Irlande a longtemps privilégié l'obscuroté), ou au monde en général. Mais surtout Eva a vraiment existé et Dermot Bolger l'a bien connue. J'ai aimé cette dame mûre, vieillissante, très âgée et son énergie à vivre au mieux avec ses convictions, qui parvient à ne jamais s'arroger le droit de donner des leçons. Une vie jalonnée de drames terribles, trois horreurs successives. Mais Eva est une vivante, une opiniatre qui tout au long de son existence, a privilégié sa liberté tout en empathies, difddrentes, avec Franciset Hazel.

On sent l'importance qu'a eue dans la vie de Bolger Stella, le modèle qui lui a inspiré le personnage d'Eva. C'est très émouvant et pour tout dire on envie cette relation. Relation déjà évoquée dans Toute la famille sur la jetée du Paradis, que publia l'auteur en 2008, la famille Goold Verschoyle, dont Stella (Eva) est le membre le plus attachant. Les 460 pages d'Une arche de lumière, c'est une odyssée, un voyage "vital" avec ses tristesses infinies, ses moments de joie simple, surtout les rapports d'Eva avec les jeunes générations, sans flatterie ni démagogie. Et la grande complexité des fils qui unissent les êtres humains.

Merci à Babelio, qui m'a parfois éloigné de mes conforts littéraires, et c'est très bien ainsi. Et aux Editions Joelle Losfeld.
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C'est avec ce magnifique roman que je découvre la plume saisissante de Dermot Bolger qui nous conte la vie de Sheila Fitzgerald, amie de l'auteur, décédée il y a quelques années. Entre les pages, Sheila devient Eva. Lasse de sa vie bien rangée de femme mariée, elle décide un jour de quitter son époux pour enfin accéder pleinement au bonheur auquel elle aspire tant. Une vie en toute simplicité, au plus proche de la nature, exempte de tout surplus inutile et futile.

Parce qu'Eva est avant tout une passionnée à la recherche de son bonheur qui n'aura eu de cesse, toute sa vie, de se répéter la maxime énoncée par sa mère le jour de son mariage : « Quoi que la vie te réserve, promets-moi de te battre bec et ongle pour le droit au bonheur. » Pour parvenir à ce bonheur, elle quittera sa vie dorée et bien rangée dans sa demeure cossue en Irlande et se rendra en Angleterre, en Espagne, au Maroc ou encore au Kenya. Pour le droit au bonheur, toujours.

Au coeur de ce récit, à l'écriture exigeante, se cache la vie d'une femme prête à tout pour vivre sa vie comme elle l'entend. La vie qu'elle veut pour elle-même et non celle que la société catholique irlandaise voudrait lui imposer. Au fil des ans, elle se délestera de tout ce qu'elle n'estimera pas nécessaire, pour finir dans sa roulotte, baptisée « l'arche » par sa petite-fille. Au sein de sa dernière demeure, elle accueillera, tour à tour, des poètes, des aventuriers et des rêveurs. Alors que sa vie familiale n'aura été qu'une succession de malheurs et de pertes, elle se raccroche à ses amis, ceux de toujours ou de passage, pour donner un sens à son existence. En toute simplicité, sans fard, mais avec beaucoup de douceur. Parce que, finalement, c'est ça, le bonheur.

Voilà une pépite littéraire à savourer sans attendre.

Je n'ai qu'une hâte désormais : découvrir toute l'oeuvre littéraire de cet incroyable auteur.
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Devinez où j'étais ces quinze derniers jours ? Très souvent entre le comté de Mayo, Dublin, le Wexford, l'Espagne, le Maroc, Londres et le Kenya avec… Eva.

Dans la famille Goold Verschoyle, je voudrais la fille cadette ! Mais oui, souvenez-vous de Toute la famille sur la jetée du Paradis dont je vous ai parlé en 2012 je crois. C'est avec cette incroyable fresque historique, sociale et familiale que j'ai fait la connaissance de Dermot Bolger, au fin fond du comté de Donegal. C'est avec plaisir tout à fait certain que j'ai retrouvé cette « suite » (même si Dermot Bolger se défend d'avoir écrit une suite et revendique plutôt un portrait de la fille cadette de la famille). N'empêche, on l'avait laissé mariér malgré son esprit libre, mère de 3 enfants, embringuée avec un certain Freddie Fitzgerald dont elle porte désormais le nom. le bonhomme est à peu près tout le contraire d'Eva. Elle ne sait pas vraiment pourquoi elle est « rentrée dans le moule » de la société bien bien-pensante de l'époque en épousant cet aristocrate éculé. Les temps changent en Irlande, mais pas Freddie ! Nous la retrouvons en 1949, en train de faire ses valises à la quasi-veille de son demi-siècle. Les enfants sont élevés, adultes. Elle peut désormais tenir la promesse faite à sa mère celle du droit au bonheur. Ce quu ne veut pas dire délaisser ses enfants. Francis aura tant besoin d'elle ; Hazel est tellement « tout feu, tou flamme ». Mais remettons tout ça dans le contexte de l'époque : en Irlande, le divorce n'existe pas, une femme est mineure à vie, dépendante de son époux jusque pour avoir un passeport. Bon, c'était kif-kif en France… Eva quitte donc Freddie. Ce n'est pas si facile dans son esprit le moment venu, où elle le regarde dormir dans la même pièce qu'elle. Malgré leurs disputes, elle n'a pas de haine pour lui, juste de la colère, des reproches, mais aussi de l'affection, toujours. C'était juste pas le bon numéro, celui tiré par dépit amoureux. Lui, finit par se réveiller et n'est pas surpris de la voir le quitter. Il lui dit qu'il va s'atteler « à fermer [Glanmire House] correctement, sinon les Gitans entreront et emporteront tout » . Ce manoir transformé en maison de chasse est la seule chose qu'il reste à Freddie, le parent pauvre du clan Fitzgerald qui détient le gigantesque et somptueux Turlough Park. Il est alcoolique, il a un pied bot, il est dans le dénigrement de la société irlandaise qui change en ces années 50.

Nous allons suivre Eva jusqu'à l'an 2000. Une traversée du demi-siècle qu'il lui reste à vivre, comme femme libre, qui se cherche une place dans la société, qui s'interroge sur le rôle d'une femme délivré e des liens du mariage, qui interroge la notion de bonheur. Eva est une rêveuse qui souhaite réaliser ses rêves. Elle va comprendre que la réalité est parfois rude. Elle va se relever inlassablement de chaque coup dure, rebondir et repartir sur de nouvelles voies. Artiste peintre, elle veut libérer l'imagination des enfants grâce à la peinture dans cette société irlandaise corsetée. Puis elle se cherche dans l'écriture. Mais c'est difficile pour une femme à l'esprit aussi libre qu'elle de se faire accepter par les éditeurs. Finalement, elle va se créer un univers bien à elle, dans une caravane surnommée L'Arche de lumière par sa petite-fille. Elle va être un âme réconfortante pour les gens un peu paumé dans la vie, pour les âmes esseulées quelles qu'elles soient, humaine ou animale. Ceux qui ne savent pas trop comment se trouver, se sentir bien dans une société pas toujours simple. Un jour, elle rencontre un certain Donal, jeune chômeur d'une vingtaine d'années qui voudrait être écrivain… Devinez qui c'est ! 😉

Pour ceux qui l'ignorent, et c'est ce que rappelle Dermot Bolger dans la postface de l'ouvrage, c'est qu'il s'est inspiré d'une histoire vraie. Eva a été inspirée par Sheila. Toute la famille a existé. Les noms ont été changés pour tout un tas de raison, notamment le fait que c'est tout de même bien difficile de savoir qui est exactement quelqu'un (on ne sera jamais dans son esprit), tout comme il est difficile de se connaître complètement soi-même. Sheila a finalement été le mentor de Dermot Bolger, celle qui lui a donné la force de réussir dans son projet alors qu'il était ouvrier et chômeur. Bon, mais tout ça est la dimension supplémentaire du récit que l'on apprend à la fin.

J'ai mis 2 semaines à lire ce livre, à traverser un demi-siècle en compagnie d'Eva. Il se passe tellement de choses dans sa vie si riche, mais aussi très tragique. On ne s'ennuie pas, c'est incroyablement raconté, avec, par instants, un sens du suspense qui vous assomme ! On se prend, à l'instar d'Eva, quelques coups durs ! Ses sentiments sont ainsi parfaitement bien retranscrits, sans que l'on tombe dans le larmoyant, parce que, même quand elle est dans des moments d'abattement profond, il y a toujours une petite lumière au fond d'elle qui reprend le dessus et la vie reprend. C'était génial de vivre dans cette caravane trimbalée du Mayo au Wexford, jusqu'au dernier moment où cela fût possible. J'ai quitté à regret Johnny le chien, et tous les chats qu'elle a hébergés. En revanche, j'ai eu quelques surprises avec la traduction quand j'ai lu le mot « Gitan » à plusieurs reprises. J'ai eu le pressentiment que le mot employé n'était pas tout à fait exact. Je voyais poindre le mot « tinker » dans la version originale. Et bingo, c'était bien ce mot qu'a employé Dermot Bolger (donc pas le mot « gypsy » ou « travellers ». Il n'y a pas de Gitans en Irlande dans les années 50-60, encore moins au fin fond du Mayo. Il y a des retameurs, des ferrailleurs nomades qui vendent leurs services. Ils sont spécialistes du travail des métaux. Rafistolent les outils agricoles, fabriquent des boites de conserves… Ce sont des Irlandais, avec des bouilles qui vont avec, si je puis dire. J'ai lu (en diagonal) un livre sur le sujet, écrit des universitaires américains : Irish Travellers, the unsettled life, de Sharon Bohon Gmekch et George Gmelch, Indiana University Press, 2014, qui raconte entre autres, l'origine sémantique du mot « tinker« , liée aux métaux et l'évolution de leur vie. Ils ont été très discriminés quand ils ont commencé à chercher du travail en ville, dans les années 70 et c'est devenu un mot péjoratif. En tout cas, bien que la communauté des gens du voyage irlandais soit complexe, ce ne sont pas des Gitans – et pas des Roms non plus, même si de nos jours, vous pouvez croiser des Roms à Dublin.

Dermot Bolger a mis une dizaine d'années pour écrire ce roman envoûtant. Alors je lui pardonne quelques répétitions.

C'est un incroyable voyage dans le temps et l'histoire de l'Irlande que je vous invite à faire, sur les pas d'une femme hors normes très attachante. J'ai beaucoup aimé et je pense que c'est un livre dont on se souvient longtemps, comme Toute la famille sur la jetée du Paradis.
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Tout comme Paul Éluard le dit : « Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous. » et lorsque Dermot Bolger rencontra la première fois Sheila Fitzgerald, un premier rendez-vous qui sera suivi de bien d'autres, il était loin de se douter que cette belle personne, emplie d'empathie prendrait vie sous les traits d'Eva dans ce magnifique roman qu'il a pris grand soin d'écrire et de réécrire pendant dix ans.

Et même si comme il le précise lui-même, Une arche de lumière est une fiction, inspirée du vécu de cette femme, on ressent la nature extraordinaire de cette femme, et on aimerait avoir eu le privilège de la rencontrer.

Fiction ou pas ce roman est magnifique et pour ceux qui connaissent mon indépendance ne seront pas surpris que j'ai tant d'admiration pour cette femme libre, au parcours aussi atypique qu'exceptionnel, possédant de l'empathie et une volonté incroyable pour faire en sorte de toujours aller bien malgré les épreuves qu'elle traverse, gardant près de son coeur ses chers disparus, poursuivant vaille que vaille sa route.

J'attendais ce rendez-vous littéraire avec l'impatience que vous connaissez, de plus en plus amoureuse de la littérature irlandaise, loin d'imaginer à quel point ce roman allait me boulverser, mais aussi me conforter dans mes choix de vie, tout en m'aidant à toujours croire au bonheur, car même après la douleur il reste toujours un chemin qui nous y mène à ce bonheur que ce soit à travers un livre, une balade, un souvenir, il suffit juste d'ouvrir la porte de son coeur, comme Sheila, comme Eva…

Il suffit (par exemple) juste de se laisser porter jusqu'Une arche de lumière et se laisser porter par la magnifique plume de Dermot Bolger, pour avoir rendez-vous avec la beauté littéraire.

C'est publié par Joëlle Losfeld et c'est un pur bonheur.

Chronique complète sur mon blog ⬇️⬇️⬇️

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Un lumineux itinéraire, par delà pauvreté et pertes, l'invention d'une liberté, d'une spiritualité, d'un partage entre les hommes, les animaux. Par des ellipses, des insistances sur les moments clés, Dermot Bolger parvient à transmuer cette histoire vraie en roman, à transmettre la fragile beauté des commencements, l'oppression sociale puis pas la communion de tous ceux qui, maladroitement parfois, tentent de s'en émanciper. Une arche de lumière décrit aussi, en n'en retrouvant partout dans le monde les hantises, l'âpre et tendre humanité irlandaise.
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