Au mois de novembre 2015 ont paru dans la prestigieuse collection de la Pléiade les oeuvres complètes de
Michel Foucault, disparu en 1984.
Dans cet essai publié aux éditions le Quartanier Érik Bordeleau explore un aspect peu étudié de la pensée de Foucault : le rapport entre résistance politique et anonymat.
Énoncée ainsi, cette problématique peut sembler aride, mais Bordeleau montre à quel point ses enjeux sont essentiels aujourd'hui.
En effet, dans notre société individualiste qui a pour slogan « I am what I am » se développent paradoxalement des mouvements collectifs comme Anonymous par exemple, dont les membres sont masqués et agissent principalement sur le Web.
On se souvient aussi de l'affaire de Tarnac en 2008 où un collectif avait saboté des lignes TGV.
Ce qui est discuté ici c'est le principe de l'anonymat comme mode de résistance, sans jugement moral sur le bien-fondé de telles actions.
Pour
Michel Foucault, être anonyme, c'est être éminemment présent. Devenir imperceptible est la seule possibilité d'être juste dans notre rapport au monde.
Foucault a toujours été tenté par une certaine forme de dissolution de son existence privée. Même si c'est de l'anecdote, Bordeleau rappelle son goût des saunas, par exemple, de la drogue, et la tentation du suicide. Les recherches de Foucault sur la folie ne sont rien d'autre que l'exploration de ce moment où le « je » vole en éclat.
Il faut abandonner une certaine intériorité privée, prendre le contrepied de l'humanisme, pour créer des modes d'expression collectifs.
Il ne s'agit pas non plus d'être l'incarnation d'une conscience collective, de parler pour les autres, mais de faire le mouvement inverse : se fondre, se dissoudre pour mieux s'insérer dans le réel et avoir ainsi une efficacité maximale.
La pensée de Foucault est toujours au bord du paradoxe. Ce dont il est question, c'est d'une sorte d'esthétique de l'existence. Il s'agit de « faire oeuvre de soi », de devenir « nous », de découvrir de nouvelles manières d'être en communauté.
Et cette question est plus que jamais d'actualité.