J'ai beaucoup aimé me plonger dans ces nouvelles où se mélangent fiction et réalité légendée. Où se trouve la frontière entre vérité et propos rapportés au fil du temps ? Il s'en passe des événements dans ces petits pays du Nord de la France.
Des petits pays et des petites gens dont les aventures font tout le sel de ces petites histoires comme Aldo, cet immigré italien vivant chichement dans un blockhaus et dont la mort suscita un étrange intérêt quand une superbe étrangère vint se recueillir sur sa tombe.
« Le visage d'Aldo c'était l'outrance d'un masque de comédie antique. Celui de la dérision. Un visage tellement buriné, crevassé, lavé aux pluies et aux neiges, rougi par le gel et les étés de feu qu'il semblait pétri dans l'argile grossière d'un potier malhabile. »
Il y a aussi l'histoire de Claude, délicat et richissime fermier resté célibataire et pourtant bien convoité par les demoiselles alentour...
« Les parents disparurent et Claude devint Maître Claude. Il ne changea rien à la bonne gestion que Martin avait initiée. Rien ne changea non plus dans la disposition du logement et de ses meubles. le domaine continua à prospérer pendant de nombreuses années. Simplement on savait maintenant, sans jamais en parler publiquement, que tout cela serait, malgré tout, condamné à la mort du vieux garçon. »
Il y a encore cette étrange histoire d'un gars discutant avec un fantôme, là-haut sur un terril...
« Vous savez, vous êtes monté sur ce que l'on a appelé un jour, avec un peu de dédain, un crassier. Sachez qu'i i les milliards de particules qui le forment sont le témoignage de l'effort de l'homme. Chaque feuilletis est une souffrance et chaque poussière, un soupir ! »
Et puis bien sûr, on vous parlera aussi de l'inénarrable Marie Pourette. Marie Pourette ? Un surnom bien sûr ! Comme tous les « surnoms qui sillonnent la campagne. Ceux qui portent une lutte, une épreuve... ».
« Au début, on l'avait chuchoté (le surnom) derrière son dos, après son passage. Et puis un jour, comme d'habitude, quelqu'un de plus hardi, de plus malveillant, le lui avait lancé en travers de la face. Avec gentillesse et persévérance elle avait essayé, à chaque fois, de rappeler son nom véritable en évoquant ses parents. Elle soulignait cette remarque d'un sourire lumineux. Mais rien n'y fit... »
Mais ma préférée, celle qui m'a bien fait voyager au-delà du réel, est et restera Petite Plume. Une histoire d'amour entre un petit garçon pas comme les autres et sa grand-mère.
« Alors, Petit Pierre, Petite Plume, monta sur le rebord du lanternon, fixa le ciel limpide traversé par un héron fuselé et serein qui naviguait d'un étang à l'autre. Là, quelqu'un semblait lui parler et il restait subjugué par cet appel irrésistible.
Lentement, Pierre tendit les bras bien loin de son torse et, avec un sourire lumineux... s'envola. »
Oui, j'ai beaucoup aimé me retrouver au coin du feu et écouter sagement et patiemment les contes de monsieur Bouchain, un passionné d'Histoire et d'histoires locales qui sait si agréablement mettre en scène ces petites gens, ces héros de nos petits villages dont on découvre encore l'histoire bien des années après leur disparition et qui demeurent légendes dans le folklore local.
Michel-René Bouchain manie, sans aucun doute possible, avec brio l'art du conte et le double d'une écriture agréable. Un régal !