Autopsie d'un amour perdu ou la rupture pour les nuls
Qui n'a jamais, au lendemain d'une relation qui a pris l'eau, refait le film de l'histoire? Se demandant à quel moment cela avait commencé à clocher? Se rappelant les bons souvenirs, tout en occultant les mauvais? Se disant que s'il avait fait ceci ou cela, ça aurait tout changé?
C'est ce que nous offre
Nina Bouraoui dans ce roman, à travers l'histoire d'amour terminée entre A. et Adrian qui vient de la quitter pour une autre femme. Dans une loghorrée de près de 250 pages, A. raconte les sentiments, les émotions qui la traversent après que l'amour a fui. Et cela sonne incroyablement juste.
C'est un roman qui se lit très vite, d'un seul tenant presque, nous sommes presque aussi pressés de le lire que la narratrice de raconter l'histoire, son histoire. Ce n'est rien, dans l'absolu, tous les jours des tonnes de gens quittent des tonnes de personnes, et le monde ne s'arrête pas de tourner pour autant - et heureusement. Mais quand l'être que vous aimez de tout votre coeur, en qui vous aviez placé toute votre confiance, avec qui vous vous voyiez tout simplement vieillir vous quitte, c'est votre monde qui s'écroule. Et
Nina Bouraoui a eu l'intelligence de placer son récit en 2015, juste après les attentats contre
Charlie Hebdo, mettant en parallèle, tout en ne les comparant pas car n'étant pas au même niveau, l'effondrement intérieur d'une femme face à la peine d'une nation.
Ce roman m'a parlé, bien évidemment, car j'ai moi aussi vécu des ruptures douloureuses, il y en a même eu une de laquelle j'ai cru ne jamais me relever. Et ce livre parlera certainement au plus grand nombre tant son sujet est universel. Je suis même certaine qu'il m'aurait profondément marquée si je l'avais lu à un autre moment de ma vie, si je l'avais lu quand moi aussi je vivais la même traversée du désert que la narratrice. Elle ne donne pas un mode d'emploi pour se relever, elle explique simplement le tsunami qui est en train de la traverser de part en part. Car lorsqu'on se sépare de quelqu'un, on ne quitte pas juste une personne. On renonce aux habitudes prises, certains endroits vous sont désormais interdits. On naît seul, on meurt seul, mais doit-on vivre seul pour s'éviter ce chagrin?
S'agissant de l'écriture de
Nina Bouraoui, je la qualifierais de très contemporaine, s'inscrivant pleinement dans l'urgence de notre société et de son histoire. Il ne faut pas nécessairement comparer les auteurs mais j'ose pour ma part la mettre en parallèle avec
Philippe Besson, auteur dont j'apprécie énormément les romans; leurs deux plumes se ressemblent beaucoup je trouve. Et même si je passe toujours un très bon moment avec les livres de
Philippe Besson, je sais aussi qu'ils ne feront que passer dans ma vie de lectrice. Je pense que ce sera la même chose pour les livres de
Nina Bouraoui: j'aime beaucoup, je comprends parfaitement ce qu'elle écrit, je ressens les mêmes sentiments que ses personnages, mais je ne pense pas que je puisse avoir un coup de coeur pour un de ses romans un jour, il me manque peut-être un soupçon d'âme et d'originalité
En résumé, un roman qui m'a touchée, qui m'a émue, qui a ravivé des choses, choses que je suis heureuse aujourd'hui d'avoir dépassées. Ce livre s'inscrit dans notre époque et parlera au plus grand nombre.
Il se lit d'une traite grâce à la plume très enlevée de l'auteure qui a le génie d'écrire de petites histoires qui sont en réalité l'histoire de tout le monde.
Lu en avril 2021