William Boyd : à priori, j'étais moyennement enthousiaste sur la perspective de lire un de ces romans. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi, j'avais cet à priori, surtout moi, qui adore la littérature anglo-saxonne, mais je ressentais l'auteur comme un homme écrivant pour les hommes (oui, je sais, c'est sexiste, mais je n'y peux rien). Néanmoins, à l'occasion d'une masse critique (j'en remercie Babelio et les éditions du Seuil), je me suis immergée dans le dernier opus de
William Boyd, "
Trio" et j'ai passé un excellent moment.
La couverture est très visuelle une coccinelle Volkswagen rouge d'où émerge deux jambes gainées d'un collant rouge et de ballerines de même couleur, le tout se détachant sur un fonds bleu turquoise (qui n'évoque pas spontanément la Manche à Brighton).
Le texte se lit vite et très vivant, dynamique, drôle. On sent que Boyd connaît bien cet étrange milieu qu'est le cinéma et la mise en scène.
Le
trio est ici composé de deux femmes et d'un homme, parmi un grand nombre d'autres d'individus qui gravitent autour d'un film en cours de réalisation "L'épatante échelle pour la lune d'Emily Bracegirdle" (j'adore ce genre de titre de film qui prend toute la place sur l'affiche).
Nous sommes l'été 1968 dans la folklorique station balnéaire de Brighton. En France, il y a eu les événements de mai 1968 (une nouvelle révolution française !), mais le petit monde du cinéma tourne toujours autour de lui même. Nous rencontrons Anny Viklund, jeune actrice vedette qui comme son nom ne l'indique pas, est américaine. Elle est b
elle, sort d'un divorce avec un "terroriste", Cornel Weekes, a une "relation" avec un intellectuel français répondant au nom de Jacques Soldat, tout en ayant une liaison avec son partenaire dans le film, Troy Blaze, jeune et sympathique chanteur à la sexualité épanouie.
Il y a aussi Jennifer Tipton, nom de plume : Elfrida Wing, écrivain propulsé la "nouvelle
Virginia Woolf" depuis une décennie et qui noie sa panne d'inspiration dans l'alcool. Son mari, Reggie Tipton réalisateur, la trompe comme d'habitude cette fois ci avec une romancière, plus jeune, plus inventive, Janet Headstone.
Nous croisons le producteur du film Talbot Kydd, un gentleman à l'ancienne, costume impeccable, une épouse directrice d'école, Naomi, deux enfants adultes, Humphrey (joueur de timbales) et Zoé, avec lesquels il n'échange plus beaucoup et une homosexualité réprimée qui vient tout juste de ne plus être reconnue comme un "crime" en Angleterre à l'époque.
Les multiples rebondissements du roman (dont un film porno, la CIA, les entourloupes entre "amis") et de la réalisation du film se déroulent en parallèle comme si la vraie vie s'invitait dans la "fausse vie" du film
Le roman se divise évidemment en 3 parties : Duplicité, capitulation et Evasion. Les noms des personnages sont tous à double sens ou presque : traduit en français, ils rajoutent du comique au texte qui aborde des sujets très sérieux : l'homosexualité, l'alcoolisme, la drogue, l'engagement politique. J'ai pensé à
Jean Seberg et son engagement avec les Black Panthers, au livre de
Frantz Fanon "
Peau noire, masques blancs", aux acteurs "shakespeariens" John Gieguld,
Alec Guiness et
Richard Burton. Ce roman a eu une résonance étonnante pour moi, car je suis en train de lire "
le journal d'un écrivain" de
Virginia Woolf qui vient d'être réédité en livre de poche et même si j'ai du mal avec les romans de l'auteur, je suis toujours touchée par son histoire.
L'histoire de
Trio, elle, finit dans un couvent, ne me demandez comment, lisez le livre : vous ne serez pas déçus !