Vous ne savez pas ce qu'est un blitz, une ronde, une nulle ? Cela ne fait rien.
Et Spassky, Fischer, Rechevsky, Lombardy, vous en avez déjà entendu parler ? Non? Pas d'importance.
Alors peut-être êtes-vous déjà allé au Manhattan Chess Club, qui hébergeait tous les ans les championnats d'échecs des Etats-Unis ? Non plus ?
Alors venez avec moi, je vous emmène dans les coulisses des échecs, un monde très sélect mais où n'importe qui peut y entrer, à partir du moment où son intelligence et sa passion des échecs peut l'emmener vers les plus hauts sommets.
Et pour
Bobby Fischer, cette passion a été dévorante. C'est à l'âge de 6 ans qu'il reçut son premier jeu d'échecs par sa mère, Régina. Il s'y intéressa immédiatement et y jouera seul, sa soeur ayant abandonné très vite. Regina l'emmena alors au Brooklyn Chess Club où il fut remarqué par le président Carmine Nigro. Pendant 5 ans, Nigro fut son mentor et le familiarisera avec les premiers tournois. Ce fut ensuite Jack Collins, meilleur professeur d"échecs des EU qui le prendra sous sa coupe.
Surdoué, l'ascension de Fischer dans le monde des échecs fut fulgurante. Imaginez-vous : il fut champion des EU juniors et de l'US Open à 13 ans et obtiendra le statut de maître, la plus grande distinction qui permet de concourir au championnat du monde.
Sa légende était née.
A 14 ans, il fit une nulle avec
Max Euwe, 56 ans, ancien champion du monde. Une nulle est décidée par les deux adversaires lorsque aucun des deux ne peut gagner. C'était du jamais vu.
En 1957, à 14 ans, il devint champion des EU dans le tournoi zonal (face aux meilleurs du pays). Il participa au tournoi interzonal (les meilleurs du monde entier) et sera qualifié pour le tournoi des Candidats (dernière ligne droite pour qui affrontera le champion du monde en titre).
Sa prestation à ce tournoi ayant été décevante, il fit une pause et revint sur la scène lors d'une rencontre opposant l'URSS au reste du monde. Il faut savoir que l'URSS détenait la suprématie sur les échecs depuis plus de trente ans et Fischer les accusait de tricheries, leur combat sportif s'apparentant plus à une idéologie qu'au simple jeu. Il écrasa tous ses adversaires et accéda enfin au Championnat du monde contre Boris Spassky, à Reykhavik en 1972.
En pleine guerre froide, ce combat fut un véritable enjeu politique entre les 2 plus grandes puissances de l'époque et provoquera un déferlement inimaginable de négociations, promotions, discussions, pressions de toutes parts, jusqu'au président Nixon qui n'hésita pas à téléphoner à Fischer.
A 28 ans, Fischer devint champion du monde devant l'abandon de Spassky.
Véritable héros national, Fischer refusa toutes les propositions qui ne cessaient d'affluer, qui auraient alimenté sa légende et l'auraient rendu richissime, et se retira de la compétition.
Commença alors sa descente aux enfers, ermite, prison, cavale, batailles juridiques et financières et j'en passe, entrecoupée d'une revanche que Spassky désirait, 20 ans après.
Bobby Fischer était un personnage énigmatique et contradictoire. Un génie aussi. Fou, l'était-il ? Nombreux sont ceux qui le qualifiait de schizophrène, mais les psychiatres avaient une autre opinion.
C'était quelqu'un de torturé, en prise avec ses démons. Avide de connaissances et assidu des librairies et bibliothèques, il étudiait l'histoire, les sciences politiques, la religion, l'actualité et plus tard la philosophie.
Malgré cela, il n'a jamais arrêté de cracher son venin sur les juifs, puis sur les américains, puis les japonais. Ses divagations antisémites et anti-américaines lui ont valu de nombreux détracteurs et ennemis à vie, au point qu'il s'est toujours senti en danger de mort.
Ses problèmes existentiels, ou sa quête, lui ont fait également changer de religions au fil de sa vie.
Ses colères notoires et ses caprices ont quand même contribué à modifier et faire évoluer les règles du jeu d'échecs.
Il y aurait tant à dire sur ce livre, tant de choses que j'ai dû supprimer. Trop long ! déjà comme ça...
Outre une biographie fabuleuse, qui ne raconte pas seulement les échecs et les tournois mais la vie incomparable de cet homme dont la légende n'est pas éteinte, Frank Brody nous apprend aussi, ou nous rappelle, cette période de la guerre froide, les enjeux politiques et commerciaux, l'embargo des EU contre la Yougoslavie, le rôle des banques, le mécénat et l'origine des fonds de certains... On côtoie le monde journalistique et télévisuel de l'époque, les incidences de ce pouvoir qui pouvait encore être muselé.
Pour terminer, j'ajoute que
Fin de partie n'a pas été écrit que pour les connaisseurs, les inconditionnels des échecs, mais pour tous ! La preuve.
Grand merci à Babelio via Masse Critique et aux éditions Aux Forces du Vulcain pour ce beau cadeau.