Ce tome comprend les 5 épisodes de la minisérie de 1995. C'est le premier tome dans la série des Astro City. Si vous voulez vous découvrir Astro City, vous êtes ici à la porte d'entrée de l'office du tourisme.
Ce recueil se compose de 6 histoires complètes par elles mêmes et qui lues les unes après les autres dressent petit à petit un portrait plus large : celui de la ville d'Astro City.
La première histoire invite le lecteur à suivre la journée d'un superhéros appelé le Samaritain, depuis son lever jusqu'à son coucher. Sa journée commence par arrêter un tsunami menaçant une ville, puis en chaîne avec son arrivée au boulot, sa réunion matinale avec l'équipe de superhéros dont il fait partie, sa pause déjeuner, sa reprise de travail, son après-midi consacrée à sauver des vies et un petit chaton, sa soirée partagée entre une cérémonie de remise de trophée et un combat contre une créature malintentionnée.
La deuxième histoire raconte comment un journaliste a assisté à la mise en échec d'une tentative d'invasion de la terre par des forces occultes et la raison pour laquelle il n'a pas pu en tirer un papier méritant la première page.
Dans la troisième histoire, un criminel habitué à des jobs de guetteur voit un superhéros se changer dans une ruelle et il est assez malin pour en déduire son identité secrète. Que va-t-il faire de ce savoir potentiellement aussi rémunérateur qu'encombrant et dangereux ?
Dans la quatrième histoire, une jeune femme vivant dans un quartier étrange de la ville (Shadow Hill) doit décider si elle souhaite emménager dans un quartier plus normal ou non. Un combat entre une équipe de superhéros et une de supercriminels va lui permettre de choisir son avenir.
Cinquième histoire : un extraterrestre recense les superhéros, leurs activités, leurs identités secrètes en vue de préparer l'invasion de la terre par sa race. Il fera son choix après avoir étudié Crackerjack, un héros en mal d'adulation et de reconnaissance qui n'hésite pas à s'approprier les réussites des autres.
Dans la dernière histoire, le lecteur retrouve le Samaritain qui tente de profiter d'une soirée galante pendant que les autres superhéros gèrent les différentes situations qui auraient pu requérir son attention.
Astro City a une saveur que je n'ai jamais retrouvée dans d'autres séries.
Kurt Busiek s'est fixé pour objectif de montrer qu'à partir d'histoires de superhéros, il est possible de raconter ce que l'on veut avec des points de vue matures, pour ne pas dire adultes. Par exemple, la première histoire montre à quel point le Samaritain n'a pas une minute à lui et pour quelle raison il ne peut pas profiter de sa capacité de voler (posséder n'est pas profiter). La deuxième illustre l'éthique que doit observer un journaliste pour faire son métier. La troisième semble à la première lecture la plus convenue et la moins crédible. À la deuxième lecture, le lecteur s'aperçoit que c'est un commentaire très bien vu sur la notion de culpabilité, d'égocentrisme et de début de paranoïa.
Kurt Busiek nous fait partager la vision du monde que le minable voleur s'est forgée. C'est une illustration et une analyse pénétrante sur l'incidence de nos préoccupations sur notre capacité à déchiffrer le monde.
Je vous laisse découvrir le thème de chacune des 3 autres histoires. Pour parvenir à ce degré de perspicacité et d'empathie,
Busiek ne rechigne pas à utiliser un outil souvent décrié : les cases de texte contenant les pensées ordonnées du personnage principal de l'histoire. Cette manière d'écrire peu sembler vieillotte ; pour moi c'est le biais par lequel ces histoires emmènent le lecteur dans Astro City, avec un véritable point de vue. En plus,
Busiek maîtrise le récit de superhéros et il rend hommage à chaque épisode aux superhéros les plus populaires, sans les plagier (un délice pour les amateurs de Marvel ou DC).
Pour illustrer ces plongées dans la conscience de ces personnages,
Kurt Busiek a choisi un dessinateur peu connu, mais parfaitement adapté.
Brent Anderson n'est pas un débutant : il a déjà travaillé sur des projets haut de gamme tels que X-men : God Loves, Man Kills. Et il a réalisé une histoire en un tome sur un scénario de
Bruce Jones (Somerset Holmes) qui a révolutionné à son époque la manière de raconter une scène d'action de façon cinématographique. le style de
Brent Anderson marie les atmosphères à la
Gene Colan avec l'expressivité des visages à la
Neal Adams. Il a choisi un style plus proche du photoréalisme que du cartoon ou de l'abstraction.
Grâce à ce parti pris, la ville d'Astro City revêt un aspect ordinaire et crédible qui renforce la probabilité de son existence et l'humanité de ses habitants. Les mises en page se cantonnent à des cases rectangulaires sagement disposées les unes à coté des autres, et quelques pleines pages. Les affrontements et les démonstrations de superpouvoirs restent spectaculaires sans être ostentatoires.
Brent Anderson met son savoir faire au service de l'histoire et de l'atmosphère quotidienne de la série : les superhéros existent depuis plusieurs années et les habitants se sont habitués à leur présence sans pour autant être blasés. L'impact visuel des héros et des criminels est renforcé par le fait que l'identité graphique des uns et des autres a été conçue par
Alex Ross (qui avait collaboré avec
Kurt Busiek sur
Marvels). Il illustre également les couvertures pour un résultat magnifique.
Prenez le temps de faire un détour par Astro City et de vous y arrêter. Les sites touristiques vous enchanteront si vous aimez les superhéros et les habitants vous toucheront par leur chaleur humaine. La visite guidée continue dans Family Album.