C'est sur les conseils élogieux de plusieurs babéliotes, mais aussi pour valider une case d'un des challenges auxquels je suis inscrite cette année, que je me suis décidée à tenter la lecture d'un roman de
Michel Bussi. J'avoue très humblement que je n'avais pas vraiment été tentée jusque-là par cet auteur, présumant que ses romans ne devaient guère être mieux que des romans de gare. Décidée à partir à l'assaut de ce préjugé, j'ai donc choisi « Gravé sur le sable », une sombre histoire d'argent sur fond de Débarquement de juin 1944 qui finit mal. Alors, pétard mouillé ou pas ?
Revenue pleurer son compagnon Lucky Marry mort vingt ans auparavant sur les plages de Normandie pendant la Seconde Guerre mondiale, Alice Queen apprend par inadvertance que celui-ci avait conclu un pacte avec un autre compagnon d'armes, Oscar Arlington, pour prendre sa place en première ligne sur le front. Les gradés américains sachant que les premiers instants du Débarquement seraient une vraie boucherie, du moins pour les quarante premiers d'entre eux, ils avaient en effet organisé un tirage au sort pour déterminer quels soldats, sur les cent quatre-vingt-huit de la troupe, en feraient partie. Oscar Arlington, un soldat froussard venant d'une bonne famille, a ainsi tiré le numéro quatre, tandis que Lucky Marry, plus valeureux et plus pauvre, a tiré le numéro cent quarante-huit. Oscar a donc proposé à ce dernier d'échanger leurs places, à dix mille dollar le rang, soit pour plus d'un million et demi de dollars. Problème : Lucky est décédé en héros, et Alice n'a jamais touché le moindre dollar… Toujours éplorée deux décennies plus tard, elle s'adresse en tout bonne foi à la famille Arlington, Oscar venant de décéder dans des circonstances mystérieuses, pour toucher la somme qui a été promise à Lucky. Emilia Arlington, la mère d'Oscar, refusera bien sûr de lui verser cette somme. Alice, qui n'a plus rien à perdre, décide donc d'entrer en croisade pour récupérer son argent, et au-delà de ça, de venger l'honneur de Lucky…
Ce résumé vous a paru long ? Hé bien sachez que cela n'est qu'un premier bout de cette intrigue à tiroirs, qui comprend donc beaucoup d'intrigues secondaires, et qui prend son temps pour toutes les exposer. Je commençais à m'ennuyer ferme, et je me demandais comment certains lecteurs ont pu être tenus en haleine par ce roman quand entre en scène Nick Hornett, le détective privé auquel Alice s'adresse pour l'aider dans sa quête. Si l'intrigue reprend un peu de mordant, j'ai en revanche été atterrée par le comportement de ce détective privé un peu looser : il tombe amoureux d'Alice à la seconde où il la voit – c'est son droit –, mais alors, il est d'une lourdeur confinant au malaise, tant il objectifie Alice, réduite à son physique de rêve (morceaux choisis : « Regrette rien, mon petit Nick [après la destruction de son appartement, Alice refuse d'être hébergée par lui. On la comprend]. Imagine qu'elle ait accepté ton invitation. Imagine-là se balader en petite tenue devant toi, toute la journée, dans ton deux-pièces. Une veuve ayant fait voeu de chasteté… A devenir fou, ou psychopathe. A finir à l'asile ou embarqué par la police des moeurs ! » ; ou bien encore : « – Vous êtes gentil, Nick… Je sais, trop gentil même… Je devrais être un salaud et t'embrasser, là, que tu le veuilles ou non ! »). S'ensuit un road trip pour les besoins de l'enquête, où pas une minute il n'arrête d'être insistant à son égard, alors qu'elle n'est pas intéressée. J'en ai déduit à ma lecture que le but de ce décalage entre les deux personnages devait être humoristique, je comprends que l'action se passe dans les années 1960 et que le roman a été rédigé il y a quinze ans, mais c'est d'un goût douteux, surtout quand des conceptions qui le sont encore plus sont placées dans la bouche d'un autre personnage féminin, qui répond ceci à son interlocutrice parlant de viol conjugal : « Certes violée de temps en temps par votre mari, mais qui n'a pas ses petits malheurs… ». Pardon ?
Puisque j'en suis à évoquer la lourdeur des personnages, j'en profite pour évoquer celle du style de l'auteur, assez proche du trente-huit tonnes. Certains dialogues ne sont pas très bien rendus, nuisant à la crédibilité du roman, et l'auteur, visiblement admiratif du roman noir américain et qui n'a pas su se détacher de ses influences mal digérées – à noter que c'était son premier roman –, cède plusieurs fois aux déclarations tonitruantes et définitives opérées par un narrateur omniscient trop bien empreint de sa propre gravité, du type : « Lison ne sut jamais pourtant. Alan savait garder un secret ». Tout le monde n'est pas
Raymond Chandler… bien que je doive reconnaître que l'intrigue, originale, a été bien conçue et qu'elle a presque réussi à me captiver, notamment en repartant sur une autre voie alors qu'elle aurait pu se terminer honorablement. Bref, un premier essai loupé, et je ne pense pas y revenir de sitôt.