J'ai enfin réussi à lire en entier un roman de Jose Calvo Poyato, l'historien prolifique, après avoir entamé et abandonné en plein vol El rey hechizado, La Biblia negra et autre Manuscrito de Calderón. Impossible de lâcher Sangre en la calle del Turco, qui mêle habilement enquête policière et grande histoire, j'avais l'impression de lire un polar écrit par Pérez Galdós.
Fernando Besora est un jeune journaliste ambitieux parti faire carrière à Madrid peu après la Révolution de 1868. Alors qu'il effectue un reportage pour le journal libéral La Iberia, ses investigations vont le mener sur la piste d'une mystérieuse secte. Le Rouletabille madrilène ne se doute pas que très rapidement sa sagacité va le faire basculer dans la toile d'araignée qui se tisse autour du général Prim, devenu depuis la chute de la reine Isabel II, l'homme à abattre. Ajoutez à l'enquête solide et rondement menée une histoire d'amour impossible avec la belle Paloma Azpeitia et vous obtenez un polar historique à consommer sans modération.
Mais c'est surtout la toile de fond choisie par Calvo Poyato qui est passionnante Près de 150 ans après l'assassinat de Juan Prim, on ignore toujours qui furent les commanditaires du meurtre. Après la Révolution de Cadix en 1868, la reine Isabel II est destituée. Le général Prim est à la tête du gouvernement provisoire dont Francisco Serrano est le régent. La Révolution, La Gloriosa, a été financée par le duc de Montpensier qui veut le trône. Mais le général Prim ne veut ni d'un Bourbon, ni d'un Orléans pour gouverner l'Espagne. En soutenant la candidature de l'Italien Amadeo de Saboya, il a signé son arrêt de mort.
Qui était à la tête des insurgés? Les Républicains, menés par Paul y Angulo, les partisans de Montpensier, ceux de Serrano, les esclavagistes cubains?
Guerre de succession, intrigues, velléités républicaines, montée en puissance de la bourgeoisie espagnole et du mouvement ouvrier, agitation à Cuba, Jose Calvo Poyato n'omet rien et nous offre sa version des faits, sans faire mentir le sous-titre sur la couverture. Il s'agit bien de "Una emocionante intriga en la España del general Prim » qui restitue avec brio le Sexenio Revolucionario sans oublier d'évoquer le reste de l'Europe notamment la France de 1870 et la Commune. Le jeune Besora ira d'ailleurs jusqu'à Paris encerclé par les Prussiens pour mener à bien son enquête. Avec Sangre en la calle del Turco, Calvo Poyato a su habilement mêler intrigue et histoire en évitant les écueils du cours magistral. Une lecture très recommandable.
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