Quand le club de lecture auquel j'appartiens m'a proposé ce livre dont la presse et les lecteurs disaient tant de bien, j'ai frétille de plaisir pensant sincèrement découvrir une pépite littéraire rare. Ma déception a été à hauteur de mes attentes.
Bien que je ne sois pas une cinéphile acharnée, je connais l'actrice
Isabelle Carré et j'apprécie son jeu tout en finesse ,la profondeur dont elle remplit ses interprétations, son physique lumineux qui lui conserve un air d'éternelle jeunesse.
Comment supposer que son enfance a été aussi difficile dans une famille où les non-dits et les démissions structuraient le quotidien des enfants qui auraient bien aimé avoir des parents « comme les autres »au lieu de ce couple de soixante huitards bohèmes incapables d'assumer leurs contradictions ? Une mère échappée d'un milieu aristocratique étouffant qui ne pourra donner à ses enfants que trop peu d'amour ce qui conduira la petite
Isabelle D a peine quatre ans à sauter par la fenêtre. Un père artiste attiré par les hommes qui finit par quitter sa famille pour vivre ses amours interdites.
Après un séjour en hôpital psychiatrique,la jeune Isabelle se retrouve à 15 ans à vivre seule dans un studio, terrorisée par cette indépendance précoce qui lui a été imposée par les circonstances.
Elle ne trouvera son salut que dans le théâtre et réussira à se construire tout en restant fidèle à ses parents malgré l'emprIsonnement de son père et la réapparition du premier amour de sa mère ,le géniteur de son frère qui avait abandonné 40 ans auparavant une jeune fille « déshonorée « .
Bien sûr cette histoire est poignante et le parcours d'Isabelle ne peut que forcer le respect.
Mais je n'ai pu me défaire tout au long de ma lecture d'une gêne liée à ce sentiment de voyeurisme qui saisit le lecteur ,qui entre dans un espace intime peuple de secrets dérangeants.
J'imagine que pour ceux et celles qui ont dû affronter de telles épreuves dans l'enfance,écrire constitue une thérapie salutaire et permet de chasser les démons. Mais quand les protagonistes constituent la famille de l'auteur et conservent son amour et sa compréhension, n'y a t'il pas une impudeur à les soumettre ainsi au regard des autres ,regard scrutateur et curieux, regard sévère et sanctionnateur, regard ironique et moralisateurs ?
Comme Delphine de Vigan (
Rien ne s'oppose à la nuit) ,
Isabelle Carré a pris ce gros risque et ce que je lui souhaite sincèrement c'est qu'elle ne connaisse pas le choc en retour raconte toujours par
Delphine de Vigan (
D'apres Une histoire vraie).
En ce qui concerne le style narratif,j'ai été déroutée par l'absence de linéarité (les sauts temporels sont quelquefois inattendus ) et la pluralité des points de vue car l'auteur se faufile parfois derrière un personnage pour révéler l'interpretation des actions et sentiments qu'il lui prête. L'autobiographie laisse alors la place au dévoilement par un narrateur omniscient de la psychologie de ses personnages et on entre alors dans le roman.
Je sors de cette lecture perplexe et je me demande une fois de plus quels sont les critères qui conduisent un livre au succès.
Certes comme disait Tolstoï les familles heureuses ne constituent pas le matériau littéraire de prédilection pour le romancier.
Certes il est préférable que le lecteur puisse se rassurer en comparant son propre sort à celui de l'auteur.
Certes il est légitime de dénoncer certains comportements ne serait-ce que par catharsis personnelle.
Mais voilà, en ce qui me concerne,je n'ai pas réussi à adhérer et je conserve de cette lecture un sentiment de malaise diffus .