Mon idéal de vie est un mélange de tranquillité, de confort simple et douillet , de discrétion et d'habitudes. Autant dire : à l'extrême opposé de celui d'Edouard Savenko alias
Limonov, "héros du jour".
Je ressors donc de ce bouquin en étant un peu partagée :
... J'ai été assez fascinée de découvrir le parcours extrême (à tous les niveaux... Physique/mental/professionnel/idéologique/etc ) de
Limonov (ayant un niveau de culture générale situé bien au dessous du niveau de la mer je ne connaissais pas cet individu avant d'ouvrir ce livre ... ), l'écriture d'
Emmanuel Carrère est fluide, vivante et on lit un véritable roman d'aventures "modernes" (j'ai souvent pensé à "Je,
François Villon" de
Jean Teulé au fil de cette lecture : les errances d'un homme atypique, le sexe, la violence, la loi/l'autorité, les hors-la-loi, la crasse, les extrêmes ...).
J'ai été intéressée par tout l'aspect historique/culturel/politique des pays de l'Est cités (...je me souviens des infos-TV à l'époque, je regardais ça de loin... sans trop chercher à comprendre ...Et même en tâchant de comprendre on s'aperçoit , comme dirait E.Carrère , que: "c'est plus compliqué que ça"... ).
... En revanche j'ai été exaspérée, de façon croissante au fil du texte, par cette façon de présenter des Pourritures en Héros.
Alors certes E. Carrère place chaque fois une petite phrase pour préciser qu'il ne cautionne pas tel ou tel truc mais l'impression du contraire sourd de toutes parts ... On sent qu'il est fasciné par ces personnages cabossés et tarés et que dans son échelle de valeur il doit y avoir d'un côté les mous-du-genou-honnêtes qui ne font (à ses yeux) rien d'intéressant de leur vie et de l'autre côté ces desperados-hystériques-et-flamboyants qui font des choses qui aboutissent souvent à rien et/ou à des bains de violences mais au moins qui sont "vivants" Eux (!)... Rhaaaa ça m'agace ... ce côté " leur-vie-c-était-la-misère mais Eux ils sont Fiers et Courageux et peu importent leurs actes on peut dire qu'ils auront 'vécu', Eux ! "
Eh bien : NON , je suis désolée , je suis mémé-la-morale peut être mais non quoi ...Le côté lyrique pour évoquer les prisonniers haute sécurité de la prison où
Limonov se sent enfin "à sa place" entouré de gens siii fiers et siiii sensibles (et tant pis s'ils ont violé ou tué avec barbarie, etc ce sont de vrais "hommes" qui ont fait comme ils ont pu avec ce qu'ils étaient...), ça ne passe pas pour mémé-la-morale.
Il y a des gens qui viennent de la misère et qui tâchent d'avancer dans leur vie à la force de leur travail, sans faire suer le monde, sans tuer , sans violer ou sans chercher à trucider des peuples et ce sont eux les Héros. Après c'est sûr que leur vie est sans doute moins rocambolesque à "écrire" (et "à lire" ... soyons francs, ah!) que celle des psychopathes ...
Et je le répète : même si
Emmanuel Carrère répète ici ou là au fil des pages qu'il ne cautionne pas ou qu'il ne sait pas trop quoi penser de telle ou telle réaction de
Limonov mais que blablabla (et tout en écrivant sa phrase il fait une pirouette et finit toujours par lui trouver des excuses...) son écriture (la façon dont il articule son récit , dont il fait ses descriptions, fait des parallèles avec sa propre vie, etc) dit le contraire (il est fasciné par le gars et semble tout lui laisser passer parce que ça a du panache quoi, de la gueule...).
Même quand Carrère évoque les "NazBols" (c'est à dire les membres du parti d'extrême droite (?)(gauche?droiche?gaute?)(bref extrémiste...) fondé par Liminov et sa clique) en nous expliquant qu'ils ne sont pas ceux-que-l-on-croit (ex: page 387, édition POL ... parce que eux-patati-patata-mecs-gentils-vie-misérable-pas-représentés-par-les-autres-groupes-politiques-etc) il semble aveuglé d'admiration car je trouve que sa démonstration ne fait, au contraire, tomber aucun cliché, et ne vient que confirmer que les jeunes NazBols (jeunes femmes ou jeunes hommes) de la clique de
Limonov tels que les décrit Carrère sont exactement les mêmes que ceux à-qui-on-pensait, il ressemblent tellement à tous les jeunes membres de n'importe quel parti d'extrême droite de n'importe quel pays occidental ... ils en sont venus là pour les mêmes raisons, ils ont le même look, le même âge, les mêmes références, etc. Bref en pensant nous montrer combien ils sont différents (et/ou "excusables" d'en arriver à certaines extrémités ... ) il ne fait que nous montrer combien ils sont similaires à ceux-que-nous-connaissons. Pour fonder son parti
Limonov n'a rien inventé, il n'a fait que reproduire une recette qui fonctionne depuis la nuit des temps quel que soit le pays ...
Pour ma part dès le chapitre 5 (où il est question d'un viol collectif dans la rue , auquel
Limonov participe alors même qu'il n'est qu'un jeune adolescent ) je n'ai plus trouvé aucune excuse au personnage, qui m'est apparu de plus en plus antipathique au fil du récit (franchement il pourrit la vie de ceux qu'il croise alors que lui s'en tire toujours ... Genre le suicide-assassinat de Zolotarev ... autant sans avoir croisé
Limonov ce gars serait toujours en vie ...).
Limonov me fait l'effet d'un gars qui n'avait finalement qu'une aspiration (malgré tout l'enrobage idéologique de son discours...) : être un "People/Pipole" comme on dit de nos jours.
Qu'est-ce qu'il m'aurait fallu pour ne pas être agacée ? Je ne sais pas, peut-être le même bouquin mais avec un ton plus neutre (vis-à-vis du personnage et des faits) de la part de l'auteur ... Cela dit c'est parce qu'il était fasciné par Lui qu'
Emmanuel Carrère a eu envie d'écrire son bouquin (un égocentrique qui écrit sur un autre égocentrique, uh uh)... alors sans fascination il n'y aurait sans doute jamais eu de bouquin "
Limonov" , certes... Et cela aurait été dommage car c'est tout de même l'occasion de brosser un pan de l'Histoire d'une façon vivante et rock'n roll (j'avoue ... ) et c'était intéressant de traverser tous ces bouleversements historiques et culturels dans ce récit . On se mord la queue quoi ...
Bon ma critique part dans tous les sens je m'arrête là , uh uh ...