Ce nouvel opuscule de
Georges Cathalo énumère des constatations douces amères sur le petit monde des poètes. Il s'exprime en aphorismes qui sont parfois des détournements habiles de phrases connues : « La poésie mène à tout à condition d'en sortir. » Ses remarques jouent le plus souvent sur le registre de l'humour : « Les poètes mineurs ont toujours mauvaise mine quand ils vont au charbon ». Toutes nous rappellent que l'auteur est avant tout poète : « Ecrire de la poésie, c'est sculpter des nuages »… Ce milieu de la poésie,
Georges Cathalo le connaît bien et ses « bestioleries poétiques » sont des traits sans complaisance contre ses coreligionnaires, gouvernés le plus souvent par un « ego » insatiable, qu'une cure psychanalytique pourrait bien guérir de leur verve poétique : « Les poètes ne savent pas lire / rire / dire. Veuillez rayer les mentions inutiles. » Ce pessimisme de l'auteur rejoint celui d'un La Rochefoucauld ou d'un
La Bruyère dans les portraits de leurs contemporains. Cependant la situation de l'auteur est paradoxale puisqu'il appartient bel et bien à cette « peuplade poétique » qu'il critique aussi vertement ! Il rencontre lui aussi l'indifférence à ses écrits des « pouvoirs en place », ainsi que l'ignorance ou l'absence d'intérêt du grand public, et les difficultés à trouver éditeur et lecteurs… Peut-être devrions- nous, suivant son exemple, trouver la véritable inspiration dans le « silence » ou « la nuit », et pratiquer une « poésie buissonnière ».
La religion de la poésie est sans doute mal desservie par ses fidèles, victimes de leurs travers trop humains, et en particulier de leur égo, mais n'est-elle pas aussi une voie de résilience dans notre monde traversé par des tragédies sanglantes ? Dans ce livre dédicacé et confié à la poste un certain vendredi 13 novembre 2015,
Georges Cathalo de poète, n'est-il pas devenu prophète en déclarant : « La poésie va devenir peu à peu l'ultime rempart contre la barbarie, si toutefois ce monde survit à la barbarie. » ? ©
Eliane BIEDERMANN – in « Friches » N°120 – mars 2016