Voilà des années que je n'avais pas mis le nez dans de la poésie. Si mes souvenirs sont bons, le dernier recueil à être passé entre mes mains doit être «
Le Parti pris des Choses » de
Francis Ponge. C'était dans un cadre scolaire, bref, ça ne me rajeunit pas cette histoire. Les «
Lettres Glacées » de
Yann Cathelinaud sont tombées entre mes mains un peu par hasard. Écrit par un membre de ma famille depuis longtemps perdu de vue, je me suis simplement dit « Pourquoi pas ! ». Paru en 2007, l'auteur était âgé de 19ans et, si l'on se fit aux dates inscrites à l'intérieur, les poèmes du recueil ont été composés entre 2004 et 2006. Nous ne devons pas perdre de vue que nous sommes donc sur l'écriture d'un adolescent/jeune adulte - choisissez votre formule - et cela se ressent sur bien des aspects.
Nous avons entre les mains quelque chose qui m'a grandement fait penser à un journal intime. Les poèmes rassemblés dans ces pages évoquent les luttes internes d'une personne en pleine crise existentielle. Dépression, (dés-)illusions, amertume, colère, rancoeur et par moment, un petit rayon de soleil. Hivernal le soleil, de ceux qui parent de reflets argentés les choses nimbées de brouillard et peine à les réchauffer. Tout est très auto-centré et la débâcle de sentiments est assez redondante, on est rapidement lassé. Et pourtant, par ces mêmes aspects pénibles, c'est entré en résonance avec certains souvenirs personnels. Il m'est arrivé, il y a quelque temps maintenant, de toucher le fond. Ouaip, une bonne petite dépression des familles. Et bien, notamment par des aspects structurels et quelques notions évoquées, j'ai retrouvé ce fouillis tourbillonnant et inextricable qui me noyait le cerveau à l'époque. Des sentiments bruts qui ne demandent qu'à sortir, la solitude à la fois pesante et appréciée, une quasi-absence de nuances : tout dans l'intensité, l'auto-centrisme et la dépendance. Sur la quatrième de couverture, l'auteur parle de l'écriture comme une exposition de ce qu'il est, un exutoire. Cela colle assez bien avec cette impression de journal intime que j'ai eu à la lecture.
Un peu dérangeante cette lecture d'ailleurs. Une impression d'outrepasser la bienséance et d'avoir franchi la frontière de l'intimité sans y avoir été convié, c'est assez malaisant. En rajoutant le côté redondant qui me ramenait à mon propre passé, je me suis surpris à penser violemment un « Mais grandis bordel ! »......................................................... Qu'est-ce que j'ai pu haïr cette facette de ma personnalité à l'époque. La partie rationnelle exaspérée et méprisante de l'état léthargique induit par un trop-plein émotionnel. Trop-plein que tout le monde a au moins connu une fois dans sa vie statistiquement en plus ! Grandir... Facile à adopter comme point de vue quand on va bien n'est-ce pas ? C'est fou comme on a tendance à minimiser les difficultés passées une fois qu'elles ont été surmontées.
Alors, oui, ce n'est clairement pas le livre du siècle et j'ai eu du mal à le finir. Mais, au final, c'est en écrivant cette critique que je me suis rendu compte qu'il n'est peut-être pas à jeter ce recueil. Non. Je pense que je vais le garder en souvenir, comme un outil, un rappel, un pense-bête. Quelque chose qui sera capable de m'exaspérer et de me faire questionner cette exaspération. Quelque chose qui me forcera à regarder en arrière de façon à, peut-être, ne pas oublier et mépriser le chemin parcouru.