AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,08

sur 10005 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans quel état un personnage revient-il à la vie civile après avoir été confronté à ce que Voltaire appelait « Boucherie héroïque » ? L'époque a changé et Bardamu, antihéros du Voyage au bout de la nuit n'est pas un Candide, mais la guerre de 14 n'est qu'un premier jalon dans son cheminement ou plutôt son errance vers « ce bout de lumière qui finit dans la nuit »…
En effet, plus rien n'a de sens pour ce rescapé qui constate par exemple, parmi d'autres naufrages, que « l'amour, c'est l'infini mis à portée des caniches ». Chacune de ses observations sont cinglantes et fait entendre la voix d'un écorché vif qui s'allume à la façon « d'un vieux réverbère à souvenirs au coin d'une rue où il ne passe déjà presque plus personne ». Mais que le lecteur se rassure : c'est l'électricité de la langue de Céline qui balance toute sa lumière…
Commenter  J’apprécie          10
« Notre vie est un voyage, dans l'hiver et dans la nuit. Nous cherchons notre passage, dans le ciel où rien ne luit. Voyager, c'est bien utile, ça fait travailler l'imagination. Tout le reste n'est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force. Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé.
C'est un roman, rien qu'une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais. Et puis d'abord, tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C'est de l'autre côté de la vie. »
On rêve tous un jour de toucher le Graal littéraire, le roman qui va faire chavirer votre coeur à jamais. Je tiens Voyage au bout de la nuit comme le livre le plus génial qui m'ait été donné de lire à ce jour.
Quel verbe ! Quelle verve !
Le reste paraît si insipide... Comment qualifier ce roman ? C'est une pourriture éclatante. C'est un ramassis d'étoiles. C'est une vomissure de lumière. Il n'y a pas d'autres mots pour dire ce geste qui consiste à nous tendre un miroir et de nous inviter à plonger dans notre béance dérisoire et accablante.
Mais surtout il y a cette façon de nous raconter une histoire.
J'ai goûté à ce livre comme à une volupté épaisse, énorme. C'est une gueule ouverte sur l'humanité, fétide, outragée, agonisante.
On entre dans ce livre comme on entre dans une nuit monstrueuse, vers laquelle on voudrait tendre le bras pour voir ce qu'il y a à la fin, à la toute fin, se rassurer en quelque sorte qu'on est bien éveillé, même si on se tient debout dans la boue et qu'on avance à tâtons.
Voyage au bout de la nuit, cela démarre comme à la manière de Denis Diderot, c'est Jacques le Fataliste façon début du XXème siècle, un enchantement de circonstance, d'une petite cause naissent et s'enchaînent tous les événements qui composent la trame romanesque qui va suivre et entraîner le narrateur dans sa course effrénée, Ferdinand Bardamu, notre alter ego peut-être hélas à notre dépend, mais avons-nous le choix ?
Ainsi le premier chapitre du Voyage au bout de la nuit démarre par une discussion à la terrasse d'un café à Paris, un bavardage ordinaire qui va engager toute une vie, celle du narrateur, Ferdinand Bardamu.
C'est la ténuité d'une cause sans commune mesure avec l'ampleur de ses conséquences.
À la terrasse de ce café, comme ça, sur un coup de tête, par fanfaronnade, Ferdinand Bardamu va s'engager dans la guerre, il le fait sans héroïsme et il va en revenir très vite, car tout s'est fait sur un malentendu mais surtout c'est un lâche, il adopte la lâcheté comme unique comportement et c'est juste beau comme geste, c'est puissant, c'est jubilatoire de voir comment il va malmener et rendre ridicule à jamais tout geste de patriotisme.
Le désir de guerre prend ici un coup sérieux dans les reins, sinon ailleurs.
Le malentendu est scellé, les conséquences massives de ce moment d'enthousiasme vont se déployer : l'histoire peut commencer. Les trajectoires prises par la vie correspondent à des inflexions minimes, à des accidents de parcours, à des élans d'orgueil, avant que Ferdinand Bardamu ne s'aperçoive de sa fatidique erreur. On entre dans le romanesque par cette petite porte insignifiante, dérisoire, à l'instant où il y a un décalage, un abîme entre la cause et la conséquence, entre une toute petite chose, une toute petite cause et une infinie série de catastrophes qui vont suivre et construire le roman.
Le malentendu du héros vaut à Bardamu de passer quelques nuits savoureuses dans les bras de Lola jusqu'à ce qu'elle découvre l'imposture, que son amant est un lâche, alors que la lâcheté n'est-elle pas l'expression de vouloir vivre, survivre, coûte que coûte, comme le désir impérieux de voyager ?
Nous allons suivre Bardamu dans ses pérégrinations, dans l'indomptable Afrique, puis dans ce New-York optimiste, avant que le voyage ne s'installe définitivement à la Garenne-Rancy, décor à jamais sordide. D'un voyage géographique, nous passons alors à un voyage sédentaire, intérieur, vertigineux pour autant dans une ville triste et méchante où le narrateur va continuer à s'enfoncer encore un peu plus dans la nuit des autres.
J'y ai vu à chaque page une comédie truculente, une pièce de théâtre, des scènes inoubliables, des comédiens hauts en couleur avec des noms que je n'oublierai jamais : Lola, Musyne, Dolly, Bestombes, Robinson, Bébert, la vieille Henrouille...
Ici la bonté est dans la puanteur. Mais la méchanceté est là aussi, je crois avoir reconnu dans certains personnages affreux, sales et méchants la figure mythique des Thénardier, peut-être en pire...
On peut devenir le rescapé de ce monde épouvantable décrit par Ferdinand Bardamu dès lors qu'on saura en découvrir la beauté.
Je ne me souviens pas d'avoir lu un roman qui décrivait de manière aussi puissante la bassesse humaine, les vilénies ordinaires, le geste de pisser dans la Seine avec un sentiment d'éternité, la gaité crasseuse, le désastre de l'humanité et ses trous sanglants.
Ce voyage, c'est une déambulation intérieure où le désespoir prend son envol.
Pourtant il y a dans ce voyage des personnages attachants que je n'oublierai jamais. À commencer peut-être par Bébert, cet enfant fragile dont la gaité est portée vers l'univers. Il y a aussi la prostituée Molly et sa tendresse infinie. J'en veux à Bardamu de l'avoir quittée. Et puis il y a aussi la vieille Henrouille et ses deux dents qu'elle astique soigneusement parce qu'elle veut rester coquette.
Ce désespoir, c'est la misère des pauvres si bien décrite, la poussière qu'on mange à longueur de journée, ce médecin qu'est devenu Bardamu et qui ne sait pas comment parfois se faire payer de ses honoraires.
Ici se côtoient ceux qui croient encore au bonheur et ceux qui n'y croient plus, comme une lutte impérieuse...
Voyage au bout de la nuit doit tout d'abord se lire au premier degré et l'effet sur le lecteur n'en est que plus puissant. Mais on peut y voir autre chose. On pourra y lire des métaphores, des paraboles, des allégories, qui pourraient donner à penser. Pourtant ce texte ne cède à aucune ambition édifiante. À chacun son voyage.
Avant que ce ne soit la nuit partout, avant de refermer ce livre et de désirer déjà le relire dans quelques années, je voulais vous dire : Voyage au bout de la nuit est un énorme chef d'oeuvre, sublime, répugnant, abyssal dont la beauté n'enlève pas la crasse immonde qui se terre entre les personnages, dont la bonté ne supprime aucun de leurs mauvais sentiments, mais peut-être guide nos pas vers la nuit encore sombre et agitée, de laquelle il faut m'extraire pour tenter de rédiger quelques mots afin de revenir à vous.
Commenter  J’apprécie          6955
Il m'a fallu des années pour me décider à lire ce livre monumental.
En fait, je l'ai écouté lire par …Denis Podalydes, ce qui en a probablement modulé ma perception .
Ce sont les tribulations d'un aventurier aux prises avec un monde sans grande pitié.
On y voit sa guerre, son expérience des colonies d'Afrique, les États-Unis en tant qu'immigrant, la région parisienne pour un médecin généraliste désargenté, et aussi l'amitié .
L'écriture est directe, colorée, brutale parfois.
Maintenant je suis prête à le lire.
Commenter  J’apprécie          10
Se plonger dans du Céline pour la première fois, c'est comme passer sous une douche froide en pleine chaleur d'été. le début est compliqué et puis ça devient de plus en plus agréable.
Le début fut en effet une tâche fort ardue car le style de Céline est évidemment très particulier. Les premières pages furent donc longues et fastidieuses à digérer. Puis, de fil en aiguille, l'on s'y habitue et la lecture devient beaucoup plus fluide. A ce moment là, on comprend toute la beauté du fameux style de Louis-Ferdinand. On a l'impression qu'un vieil ami nous raconte une histoire incroyable qui lui est arrivée il y a peu. Cette mélodie d'oralité captive, envoute le lecteur et ce dernier reste dès lors pendu aux lèvres de l'auteur en attendant la suite du récit. C'est ce qui fait de ce roman, selon moi, un grand classique de la littérature.
Commenter  J’apprécie          81
Alors, génie ou salaud?
Ben les deux, comme vous et moi, sauf que nous on habite quelques étages en dessous.
Perso, je suis un sympa très con, volontiers primaire quand on me grille une priorité.

Céline lui, c'est des idées de cro-magnon avec un style (que je trouve) exceptionnel.
Comment peut-on être aussi bigleux et aussi clairvoyant à la fois?
Son voyage, c'est celui de tout le monde, sauf qu'il va plus loin et qu'il le raconte mieux.
La révolte, le dégoût, l'impuissance, on y passe tous mais on se contente de râler… nous.
Céline c'était la haine et le dégoût trop (bien) exprimés. Ça dérange forcément.

Toujours est-il qu'il devait pas rigoler tous les jours Louis-Ferdinand… Une chose est sûre: je préfère (de loin) l'avoir dans ma bibliothèque que comme colocataire.
Commenter  J’apprécie          405
Je ne remercierai jamais assez les personnes qui m'ont donné envie de lire L.F. Céline, d'abord mes parents quand j'étais adolescente (peut-être étais-je un peu trop jeune et surtout influençable à l'époque, on nous représentait Céline au cours de Français comme un nazi) puis Luc ! Il y a quelques mois, j'ai donc relu "Mort à crédit" et enfin découvert le magnifique "Voyage au bout de la nuit". En découvrant ce livre, je me suis rendue compte que je tenais une merveille de la littérature française entre mes mains, sans doute un des plus beaux romans français. le style, la narration, me faisaient penser à un autre auteur. Était-ce Camus? Peut-être... C'est en continuant que je me suis rendue compte qu'il ne s'agissait non pas d'un auteur, mais de deux auteurs (naturalisés) américains ! Jack Kerouac et Charles Bukowski ! Une prose spontanée, car lui aussi, a inventé un nouveau style, "un style révolutionnaire" d'écriture, une écriture merveilleuse, touchante, une écriture autant poétique que crue comme le faisait ce cher Bukowski! Mais "ce langage du peuple" qu'on qualifie parfois à tort de "vulgaire" n'est-elle pas nécessaire pour mieux dessiner l'authenticité de certains personnages et de certaines situations ? Grâce à son style qu'ont appelé "révolution littéraire", Céline a aussi trouvé une façon de contourner les tabous instaurés par la société ! Et tout comme Bukowski, Céline émeut, ma mère avait raison, c'était un homme d'une grande sensibilité, une sensibilité que j'ai ressentie tout au long de ses récits !
Voyage au bout de la nuit n'est pas un roman autobiographique, plutôt une fiction autobiographique, même si Céline se base sur des moments importants de sa vie.
Le personnage principal, Fernand Bardamu, raconte ses expériences lors de la première guerre mondiale, mais d'autres thèmes sont aussi abordés.
Publié en 1932, ce célèbre roman décrit un voyage dans le monde du désespoir et de l'absurdité de la vie, dans un style tout à fait nouveau pour l'époque, avec l'utilisation du langage parlé (parfois cynique). Il traite de la folie de la Première guerre mondiale, de la cupidité des colons en Afrique, de la solitude à New York, de l'impuissance du petit homme à Paris, et surtout de la suspicion, de l'étroitesse d'esprit et de l'égoïsme de la société, dont les mêmes personnes sont toujours les victimes. L'homme est disséqué sans pitié. Céline (1894-1961) a manqué de peu le prix Goncourt, mais ses rivaux de l'époque sont morts depuis longtemps et oubliés à jamais, alors qu'il est toujours très lu, malgré les accusations de fascisme et d'antisémitisme.
Dans un style rare et convaincant et dans la langue du peuple, il montre que la guerre et d'autres misères sont mieux combattues en les disséquant jusqu'à l'os.
J'en ai mis du temps, à rédiger ce billet, cette petite chronique, vous en trouverez sans doute des meilleures sur des sites littéraires ou d'autres blogs. Je ne sais pas pourquoi, mais plus j'aime un livre, plus j'ai du mal d'en parler. J'espère simplement avoir fait ce que je désirais faire depuis presque un an : partager mon ressenti, mon intérêt, ce "coup de coeur" littéraire, comme disent beaucoup de blogueurs aujourd'hui, pour un très grand livre, un chef-d'oeuvre...
Commenter  J’apprécie          220
Usurpateur, usant de langage populaire avec élégance, cynique et extra-lucide, Bardamu, au fil de ses destinations, jette une lumière crue sur la comédie humaine. Se revendiquant lâche, il s'acharne tranquillement sur toutes nos « énormes » illusions.


Commenter  J’apprécie          30
Attaquer la critique d'un tel livre fait planer l'ombre de la justification obligatoire : bien sûr, on ne peut ignorer les dérives de Céline, abjectes, inexcusables, qui n'ont fait que ternir son travail. S'il faut le dire alors je me prête à l'exercice. Je connaissais le terrain dans lequel je mettais les pieds. Mais si "Voyage au bout de la nuit" est bien une charge anti-guerre, anti-tout, une fable féroce qui ensevelit la bêtise humaine, elle ne laisse pas deviner ce qui sera la suite de cette pensée et qui chutera dans les abysses. Si le roman se montre nauséabond, ce n'est pas pour sa charge antisémite, mais bien pour son pessimisme survolté.
Et puis, il y a la langue, ce magma coulant qui brûle tout sur son passage, cette inventivité jubilatoire, cette étonnante arrogance à déployer la langue de la rue au coeur d'un roman. Rien que pour ça, la lecture en vaut la peine, car - ce n'est pas moi qui l'affirme - il y eut bien un avant et un après "Voyage au bout de la nuit".
Les chapitres dédiés à la guerre, au colonialisme et au rêve Américain (New York) méritent qu'on se penche sur ce livre. C'est tout simplement époustouflant.
Le réalisme social, ponctué d'aphorismes colériques, est parcouru d'une poésie au style unique qui ne peuvent que ravir les amoureux de littérature.
"Voyage au bout de la nuit" : un roman noir, âpre, désespéré, un chardon, oui, mais qui présente de magnifiques reflets.
Commenter  J’apprécie          170
"En fait ce « Voyage au Bout de la nuit » est un récit romancé, dans une forme assez singulière et dont je ne vois pas beaucoup d'exemples dans la littérature en général. Je ne l'ai pas voulu ainsi. C'est ainsi. Il s'agit d'une manière de symphonie littéraire, émotive, plutôt que d'un véritable roman.

L'écueil du genre c'est l'ennui. Je ne crois pas que mon machin soit ennuyeux.

Au point de vue émotif ce récit est assez voisin de ce qu'on obtient ou devrait obtenir avec de la musique.

Cela se tient sans cesse aux confins des émotions et des mots, des représentations précises, sauf aux moments d'accents, eux impitoyablement précis. D'où quantité de diversions qui entrent peu à peu dans le thème et le font chanter finalement comme en composition musicale. Tout cela demeure fort prétentieux et mieux que ridicule si le travail est raté. À vous d'en juger. Pour moi c'est réussi.

C'est ainsi que je sens les gens et les choses. Tant pis pour eux. L'intrigue est à la fois complexe et simplette. Elle appartient aussi au genre Opéra. (Ce n'est pas une référence !) C'est de la grande fresque, du populisme lyrique, du communisme avec une âme, coquin donc, vivant. le récit commence Place Clichy, au début de la guerre, et finit quinze ans plus tard à la fête de Clichy. 700 pages de voyages à travers le monde, les hommes et la nuit, et l'amour, l'amour surtout que je traque, abîme, et qui ressort de là, pénible, dégonflé, vaincu…"
Louis-Ferdinand Céline (lettre aux éditions de la N.R.F. ,avril 1932)
Commenter  J’apprécie          270
Le voyage au bout de la nuit est une oeuvre étonnante : d'une liberté folle, elle est également extrêmement construite. Et c'est tout comme la langue : un mélange d'argot et de français soutenu, d'expressions orales triviales juxtaposées dans la même phrase à un plus-que-parfait du subjonctif. On sent que ce gigantesque chaos est parfaitement maîtrisé, que les errances de Ferdinand Bardamu, l'alter ego de l'auteur, sous couvert d'aventures rocambolesques, sont cadrées minutieusement pour explorer tous les aspects d'une société qui déraille : la guerre, les colonies, l'Amérique, les pauvres, les riches, l'Église, la médecine...
Commenter  J’apprécie          110





Lecteurs (36411) Voir plus



Quiz Voir plus

Quiz Voyage au bout de la nuit

Comment s'appelle le héros qui raconte son expérience de la 1ère guerre mondiale

Bardamu
Bardamur
Barudamurad
Barudabadumarad
Rudaba Abarmadabudabar

9 questions
1306 lecteurs ont répondu
Thème : Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand CélineCréer un quiz sur ce livre

{* *}