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Je ressors totalement assommée de l'enragé, coup de massue juste après Triste Tigre. Je me sens écartelée entre un sentiment de culpabilité de petite bourgeoise et un désir d'agir, mais comment ? On nous dit que Dieu est omniscient, omniprésent, omnipotent mais n'est-ce pas le Diable ?

Comment est-ce possible une telle violence sur des enfants, à l'instar de Neige Sinno qui a été abusée sexuellement par son beau-père, pendant sept ans, et de Sorj Chalandon qui a été battu et brutalisé par son père ?

Les deux auteurs partagent leurs vécus, à la recherche de résonances. Il est vain de leur demander si la littérature les a sauvés, ils sont condamnés à vivre avec leur trauma.

l'enragé nous prend à la gorge dès les premières lignes. Ce sont les prémisses d'une lecture en apnée, le souffle coupé, la boule au ventre.

« Tous ont la tête basse, le nez dans leur écuelle à chien. Ils bouffent, ils lapent, ils saucent leur pâtée sans un bruit. Interdit à table, le bruit.
[…]
Sous les coups de matraques, ma mâchoire renonce. J'ai un troupeau de gardes sur le dos. Ils me redressent, me passent les menottes. Un surveillant frappe ma nuque d'un coup de nerf de boeuf et me crache au visage.
-Salopard, va !
Je tremble. Tous tremblent. Deux coups de sifflet ».

Nous sommes au réfectoire de la colonie pénitentiaire de Belle ile en mer, ouvert de 1880 à 1977, pour des mineurs de dix à vingt et un ans, abandonnés par leurs parents, internés pour des petits larcins ou des accusations non fondées.

C'est un centre de torture où les sévices font légion, et où les prisonniers servent de main d'oeuvre pour la construction navale, les travaux des champs, le gros oeuvre du ballast ferroviaire ou des voiries… Leurs salaires sont versés à l'administration pénitentiaire. Tout concourt à « nous écraser sous les charges, affamer nos corps, essorer nos esprits ».

Le 27 août 1934 éclate une émeute qui entraine l'évasion de 55 mutins (ou 56 selon certaines sources). Les touristes comme les habitants de l'île se mobilisent pour traquer les fuyards - à raison d'une récompense de 20 francs - , ils sont récupérés en l'espace de quelques heures, sauf un. Jacques Prévert est sur les lieux, en vacances. Très choqué, il compose le poème tristement célèbre, « la chasse à l'enfant ».

« Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens ».

Le père de Sorj Chalandon n'arrêtait pas de le menacer de le faire enfermer à Belle Ile. C'est pour cette raison qu'il s'est servi de ce fait divers pour construire l'enragé.

« En fait, Belle-Île m'avait toujours hantée. Et je me sentais coupable de ne pas avoir donné la parole à tous ces enfants dans mes écrits qui, je le savais, avaient été enfermés pendant près d'un siècle dans des conditions extrêmement dures ». Extrait d'un interview publié dans Le Télégramme, le 10 octobre 2023.

C'est ce qui le motive à raconter l'histoire du 56ème mutin, le seul qui n'a pas été retrouvé, Jules Bonneau, alias La Teigne, .

En tant qu'ancien enfant martyre, Sorj Chalandon est tout à fait à même pour se mettre dans la peau de Jules Bonneau et lui prêter sa voix.

Il s'ensuit un récit terrifiant qui nous malmène de bout en bout, en nous autorisant quelques rares bouffées d'air.

« Tu sais pourquoi je t'ai tendu la main, le premier jour ?
Non, je ne savais pas.
-Pour que tu desserres le poing.
J'ai souri ». (p.401)

On trouve aussi quelques traits d'humour.

« - Deux rouges à bord ? C'est plus « La Sainte-Sophie », c'est le cuirassé « Potemkine ». (p.372)

Pour organiser un enterrement sans argent, la bande d'amis trouve des subterfuges très drôles : « Les monogrammes correspondaient à un autre deuil, mais le doré faisait joli. […] le vieux mousse, lui se retrouvait déguisé en cocher, gants blancs et chapeaux haut de forme ». (p.267)

Sorj Chalandon connait bien Belle Ile en mer et il s'est appuyé sur une solide documentation. En fin d'ouvrage, il remercie Sophie et Ronan Naudin, propriétaires de la librairie « La Longue vue », dont il a repris les prénoms pour les sauveurs de Jules Bonneau.

l'enragé est très intéressant d'un point de vue historique, mais il est surtout remarquable par sa belle écriture vivante. Il m'a pris aux tripes, certes il m'a fait passer un mauvais quart d'heure mais j'en sors grandie.

Je suis étonnée qu'un livre d'une telle qualité n'ait eu aucun prix, surtout compte-tenu de l'importance de ses ventes !
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Monsieur Sorj Chalandon vous êtes le maître des émotions, vous avez tant de sensibilité, mais aussi de rage en vous qu'il est impossible de lire vos livres, et celui-ci ne fait pas exception, sans ressentir le souffle de vos pensées, de votre âme. Notre souffle, nous, nous le retenons tout au long de cette dure mais ô combien histoire émouvante.
Ce roman n'est malheureusement pas pure invention, l'histoire est réelle même si romancée.
Sorj Chalandon nous décrit les conditions inhumaines dans lesquelles vivent les enfants orphelins, délaissés de tous, parfois voleur ou ayant commis des actes de délinquance. Parqués, emprisonnés, torturés, ces enfants vivent au bagne que l'on appelle plus pudiquement la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer.
Et puis, il y a le grand moment, où ces enfants se révoltent et décident de s'évader.
Toutes ces pages m'ont bouleversées tant par la cruauté que par la générosité. Sorj Chalandon rend un très bel hommage à Jules Bonneau et à tous ces enfants fracassés par la haine, la cupidité et la cruauté de l'homme.
Un style qui va droit au coeur car c'est une plume qui vient du coeur.
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Les bagnes pour enfants n'ont rien d'un sujet réjouissant et la vie était loin d'être douce. Comment s'étonner que le personnage de Sorj Chalandon soit devenu l'enragé ?
En 1934, Jules Bonneau (ça ne s'écrit pas pareil), vingt ans, est enfermé au bagne pour enfants de Belle-Île. Abandonné par sa mère, puis par son père et enfin par ses grands-parents paternels, il a atterri là il y a sept ans. Depuis, il ne connaît que les coups, le travail interminable, la mauvaise nourriture et la loi des caïds.

Comment réussir à survivre ? En se soumettant ? En se révoltant ? Survit-on seulement ?
La révolte de 1934 racontée par Sorj Chalandon a bien eu lieu, pour les raisons mentionnées dans le roman. Jules est le seul à ne pas avoir été repris (dans le livre), mais comment s'insère-t-on dans la société quand on est marqué au fer rouge ? de braves gens peuvent-ils l'aider, et d'ailleurs y en aura-t-il pour lui tendre la main ?

J'ai aimé cette fiction basée sur des faits réels, le personnage de Jules et le dynamisme de l'écriture. le livre se lit facilement et l'intrigue est prenante.

Lien : https://dequoilire.com/lenra..
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Alors que depuis des années j'entends parler de la magnifique plume de Sorj Chalandon, je n'avais jamais osé ouvrir l'un des livres de cet auteur. Étant sensible aux couvertures et aux jaquettes d'ouvrages, les versions brochées très sobres de ces romans ne m'attiraient pas. Il aura fallu qu'une copine me pousse à me lancer dans l'écoute de l'enragé pour que je me rende compte à quel point j'étais passée à côté d'un auteur coup de coeur !

Avec ce roman se révélant d'une certaine noirceur, Sorj Chalandon revient sur un triste fait divers datant de la nuit du 27 août 1934 où cinquante-six gamins de la colonie pénitentiaire située sur l'île bretonne de Belle-Île-en-Mer vont se révolter et s'échapper de ce bagne pour mineurs. Alors que dans les heures qui suivent l'ensemble des fugitifs est retrouvé; dans L Enragé, l'un d'eux, un certain Jules Bonneau que l'on surnomme "la teigne" va manquer à l'appel...

Il n'aura fallu que la lecture de quelques chapitres pour que je sois complètement plongée dans ce roman qui m'a tenu en haleine. J'ai été complètement prise dans cette histoire où je me suis fortement attachée et inquiétée pour nos personnages. Parfois, le suspense se révélant insupportable, j'étais tentée d'accélérer sa vitesse d'écoute pour arriver à connaître certains dénouements.

Concernant l'écoute en elle-même, j'ai adoré. le timbre de voix et le ton donné au récit par Féodor Atkine s'accordaient complètement au récit et je n'imagine pas un autre lecteur pour la lecture de ce texte. Cerise sur le gâteau, j'ai beaucoup apprécié l'interview à la fin en compagnie de l'auteur que j'ai trouvé très intéressant.

Je tiens à remercier mon amie pour m'avoir permis de faire cette merveilleuse découverte. Je retiendrai également le fait qu'il faut que j'arrête de juger les ouvrages à leur couverture car, le risque est de passer à côté de gros coups de coeur...
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Écrivain de talent, Sorj Chalandon avait été, dans les années quatre-vingt, correspondant de guerre en Ulster, au Liban et en Syrie. Il avait assisté à des scènes épouvantables. Elles lui avaient inspiré des romans brillants, récompensés par des prix littéraires. Il y montrait comment la peur, la douleur et la haine se nourrissent d'elles-mêmes en surenchères de violences. Des violences que chacun, tour à tour, pour son compte ou pour celui des siens, considère comme de justes vengeances.

Dans son dernier roman, l'enragé, les violences sont confinées, moins sanguinaires, mais la rancoeur, la haine, l'enchaînement des coups et des représailles sont de même nature. de quoi enrager !

Les événements de l'enragé se sont déroulés en 1934 à Belle-Ile-en-Mer, une terre isolée chantée par Laurent Voulzy. Un site jadis jugé idéal pour installer une prison, car comme l'avait mentionné une autrice italienne pour éclairer un titre de livre, il n'y a pas de mur Plus haut que la mer. Au fil des années, la vieille prison a été rebaptisée : Colonie pénitentiaire, établissement d'éducation surveillée, institut de réinsertion d'adolescents en difficulté. On sait ce que recouvrent ces dénominations politiquement correctes : une maison de corrections, où j'écris le mot au pluriel, car les enfants reclus, les « colons », y ont été maltraités, battus, violés au gré des envies de défoulement des surveillants. Des traitements qui achevaient de transformer en animaux sauvages, agressifs et… enragés, des adolescents sans repères, enfermés pour des vétilles ou coupables de simple vagabondage.

C'est le cas de Jules Bonneau, surnommé la teigne et fier de l'être. Ce jeune homme imaginé par l'auteur est enfermé depuis six ans. Il raconte son évasion et celle d'une cinquantaine de ses camarades, un événement réel, survenu lors d'une rébellion générale consécutive à une brutalité de trop. L'Administration fera appel à la population de l'île pour une méprisable « chasse aux enfants ». Ils seront quasiment tous repris. Qu'en sera-t-il pour Jules ?

Tout le long de sa narration, Jules s'exprime comme il parle. Des phrases courtes, un rythme haché, une retenue de respiration, comme lorsqu'on guette sans cesse autour de soi d'où viendra la prochaine menace. Un ton monocorde, parce qu'il faut dissimuler, aux autres et à soi-même, les bonnes et les mauvaises nouvelles, de même qu'il faut masquer le début de sympathie et de confiance que l'on peut éprouver pour quelqu'un.

Celles et ceux qui veulent du bien à Jules peineront à l'apprivoiser. La confiance ? Une inconnue pour lui. Il serre les poings dès qu'on l'approche. Il lui arrive même, lorsqu'il se sait en situation d'infériorité, d'enrager intérieurement et d'imaginer les violences dont il rêve de frapper son interlocuteur.

Pendant une bonne partie du livre, je me suis senti extérieur aux événements racontés. Peut-être trouvais-je trop lisible l'intention de l'auteur, sa volonté de m'émouvoir, de provoquer mon indignation ! Cela m'a incité à résister, à rester sur ma réserve. Plus tard, après l'évasion, tout au long de la cavale de Jules, j'ai laissé se développer mon empathie pour le personnage, j'ai craint ses réactions irréfléchies à l'égard de personnes bienveillantes, j'ai craint qu'il ne se fasse manoeuvrer par d'autres, malintentionnées.

Belle performance d'écriture que de faire parler ce jeune homme à un tel rythme pendant quatre cents pages ! Sorj Chalandon prétend qu'il n'y serait pas parvenu s'il n'avait pas été battu, enfant. Mais moi qui ai lu Profession du père, je n'y avais pas trouvé l'enfant particulièrement enragé…

Le thème de l'ouvrage n'est pas neuf. Il m'a ramené à des romans de la fin du XIXe siècle, évoquant l'enfance malheureuse ou maltraitée, Sans famille, Poil-de-carotte, Oliver Twist, que l'on faisait lire autrefois dans les bonnes familles, pour que les enfants prennent conscience de leur sort heureux et qu'ils mangent sagement leur soupe, par égard pour ceux qui n'ont rien dans leur assiette.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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« Pour survivre ici, il faut être en granit. »

Avoir si souvent dit et écrit combien j'admirais Sorj Chalendon. Avoir à plusieurs reprises été bouleversé par ses livres. Avoir assisté à 5 ou 6 rencontres avec lui, entendu sa rage et vu pointer ses larmes. Avoir systématiquement acquis tous ses livres même celui que beaucoup décriaient.

Toutes ces preuves d'amour suffiront-elles à me faire pardonner les lignes qui suivent ? Espérons-le…

Car ma lecture de l'enragé, ce morceau de vie de Jules Bonneau dit La Teigne, prisonnier sept années durant du bagne pour enfants caché au coeur de Belle-Île avant de s'en évader, n'a été qu'une longue déception tout juste éclairée de temps à autre par quelques insuffisants éclats.

Si l'histoire est vraie et le fait historique oublié et aujourd'hui rétrospectivement insupportable, sa version romancée n'a pas pris : un gamin auquel – désolé - je ne suis pas parvenu à m'attacher ; une succession de situations invraisemblables qui agace ; une approche historique mélangeant cocos et fachos, un peu simpliste.

Et puis surtout, cette approche manichéenne des hommes et des femmes là où Chalandon nous avait habitué jusque-là à davantage de discernement, de flou, de gris entre le noir et le blanc, a rapidement eu raison de mon intérêt.

Alors l'histoire est sympa, mais ce coup-là, la rage ne prend pas, l'émotion est absente, l'empathie surgit rarement. En tout cas pour moi…

Pas grave Sorj, car Jacques et Bonzi, les frères irlandais, la troupe de Beyrouth ou les gars des Houillères sont depuis longtemps au panthéon de mes lectures. Et ça vaut largement une déception sans conséquence…
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Commençons ce commentaire par un aveu honnête : comme pour Jonathan Coe, j'ai le yeux de Chimène pour Sorj Chalandon. Jamais déçue, toujours épatée. Ce livre ne déroge pas à la règle. Je l'ai dévoré à peine acheté.
.
L'histoire : début des années 30, Belle Ile en Mer, bagne pour enfants. J'ai dit cela à mes filles qui m'ont répondu en choeur "quoi, y'a eu des bagnes pour enfants ???" avec un magnifique ton consterné.
Je compte leur passer le livre, manifestement il y a des trous dans leur culture. Mais c'est vrai qu'on ne disait pas "bagne" mais "colonie pénitentiaire" ou toute autre appellation qui dissimule la triste réalité.
Grosse différence avec les vrais "bagnes" : on gardait les gamins en métropole. Sinon travail forcé, sévices, violences, malnutrition etc tout était symétrique aux vrais "bagnes". Mais pire : les gamins avaient parfois commis un petit larcin, mais on trouvait surtout des abandonnés, des orphelins, des indisciplinés, des révoltés dont la République ne savait que faire.
Quelle tristesse....
Le roman va s'attarder sur un point historique avéré : une mutinerie suivie d'une évasion et d'une "chasse à l'enfant".
.
Ce livre est une mine d'informations. Malheureusement toutes plus dures les unes que les autres. Un roman révoltant mais indispensable.
Impossible de ne pas s'émouvoir à la triste vie du petit Camille. Impossible de ne pas partager les révoltes et les envies de meurtre de Jules.
L'auteur écrit toujours aussi bien et nous fait sentir, partager au plus près la vie de ces gamins. Avec eux on est enfermé dans ces murs, enfermé par cet océan, sans espoir....
.
Je crois que ce livre, je ne suis pas prête de l'oublier, même si l'histoire est dure, parfois très dure. Bouleversante et parfois affligeante sur la nature humaine....
Heureusement qu'il y a Ronan, Sophie, l'équipage de la Ste Sophie. Mais combien de gens humains ?
A lire, impérativement.
.
A titre d'info le poème de Jacques Prévert écrit suite à cette mutinerie :
http://lac.premiersplans.org/wp-content/uploads/PCDL-La_chasse_a_l_enfant.pdf
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Ouvrir un livre de Chalandon c'est savoir que l'on pénètre un univers rempli d''humanité.
C'est L'assurance d'être touchée au coeur tant son talent est grand et son écriture magistrale.
Je sais, j'ai déjà dit cela …. Mais je réitère après la lecture de « l'enragé »

Ce roman inoubliable est bouleversant.
150 critiques : je ne vais pas résumer ce récit, juste exprimer
Mon ressenti !

Belle île en Mer, la colonie pénitentiaire « véritable bagne »
On y place les enfants de 12 à 21ans : petits voleurs de pommes, orphelins, enfants abandonnés, rebuts de la société.
J'ai découvert la monstruosité ! J'ai eu mal de cette violence exercée sur ces enfants, cette exploitation : "de la main d'oeuvre gratuite".
l'enragé est un cri de douleur et de colère, celui de Jules Bonnot, jules et ses peurs, sa rage, sa révolte, qui, pour survivre se transforme en fauve « la teigne »
Il va prendre sa revanche sur toutes ses peurs, toutes les violences subies
par la rebellion !
Sorj chalandon offre la parole à tous ces enfants qui sont privés de tout, opprimés par des adultes, par une société, par un monde d'une violence absolue.
Mais connaître cet auteur, c'est savoir qu'au bout du tunnel... une petite lueur une humanité, l'espoir.
la deuxième partie m'a réconfortée :
Il s'agit de la métamorphose d'un fauve, né sans amour, maltraité, fracassé par la vie, battu, humilié.

Jules va rencontrer la bonté, des gens bien, des mains tendues.
Il sera obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues 
il va apprendre à faire confiance.
Et même, si marqué par la haine et la violence, il se dirigera vers la rédemption

J'ai été touchée par Renan le marin, Alain le communiste, le basque, Sophie la rousse : de belles âmes dans un monde dur.
Jacques Prévert apportera sa contribution par son poème
« La chasse à l ‘enfant »

Ce livre: un combat contre l'inacceptable, « contre tout ce qui détruit l'humain dans l'autre, ce qui lui ôte sa dignité » Une écriture avec les tripes de l'auteur qui sait la douleur de l'enfance cabossée !





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Roman se lisant d'un trait.
Le cadre a attiré mon attention : Belle-île...
Et à part la chanson de Laurent Voulzy et les récits de vacances de mon cousin et sa petite famille, je ne connaissais pas... Etonnant...
On se dit : il y a un siècle seulement, voilà le genre de société que nous formions. Cela donnerait presque envie de raser cette île et d'y faire venir des migrants. Bon, je n'emballe (et je provoque, c'est ma nature), ce ne sont plus les mêmes, je suppose qu'il n'y a plus aujourd'hui que des rentiers louant des "oxygènelitetdéjeuner" à d'autre rentiers fabricant des "pointdepouvoir".
On est donc plongé dans une société Bretonne un peu repliée sur elle-même qui s'adonne à un exercice assez commun : détester des boucs-émissaires...
Bien sûr ces derniers sont pauvres, miséreux et ici des gamins. Pour les plus vieux d'entre nous, on retrouve dans nos famille ces histoires d'enfants donnés à garder par d'autres, par impossibilité matérielle ou morale de s'en occuper. Cela paraît surprenant avec un regard moderne mais c'était pourtant monnaie courante dans la partie la moins favorisée de la population française.
Ici, c'est presque le bout du chemin, la "maison de redressement" des torts, dont le pire est celui d'être pauvre et de ne pas l'accepter avec la courtoisie exigée par la bonne société.
Le bout du chemin : la mort, le bagne, le vrai... Aucune sortie "par le haut" possible.
Ce roman, de ce point de vue, est assez sombre mais le parti pris de l'auteur permet une immersion très réaliste dans cet univers carcéral déguisé en école de paysannerie et en école navale. Toutes les hypocrisies modernes s'y retrouvent : le paraître plutôt que la réalité, l'image plutôt que la vérité, la médiocrité des médias et leur collusion avec le pouvoir, la bassesse des humains moyens qui hurlent avec les loups (désolé pour eux, ils comprennent bien la notion de victime expiatoire) etc etc... Je crois que ce récit est profondément moderne alors qu'il semble ancré dans le passé.
La meilleure preuve : les croix de feu et la montée du fascisme en Europe, je ne crois pas que ce roman choisisse ce cadre par hasard. Il y a même le pseudo-attentat terroriste visant à faire porter le chapeau aux communistes. Finalement, il est limite « complotiste » ce roman. Chacun sait bien que les attentats « faux-drapeaux » n'existent pas. Enfin, officiellement. Bon, la morale est sauve puisque ce n'est pas l'état qui organise cette tromperie. Un état, jamais !
En face, il crée de véritables héros : le fier Breton à la boussole morale exemplaire, l'infirmière qui se joue de la loi (déjà la très sacralisée « loi de la république ») et qui risque sa vie pour des valeurs qu'elle sait dépasser la médiocrité de cette dernière, le Basque taciturne et le communiste de valeurs.
Bien sûr on peut trouver là une vision embellie et trompeuse de la résistance qui se profile, mais c'est un roman. Et c'est justement la force des romans s'inscrivant dans des cadres historiques de ce genre : nous faire réfléchir au sens de l'engagement, au rapport à la loi, aux situations qui fabriquent des ... résistants.
Un excellent roman.
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Nul doute que si La Souche avait connu l'histoire de la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-mer, il aurait proposé à Voulzy de commencer la chanson directement à Marie-Galante.
Autres temps, autres moeurs, d'accord… Mais, tout de même, un bien triste endroit ! Comme il en existait des centaines d'autres en France hexagonale et dans les colonies.
Triste coïncidence que de commencer ce roman sur la justice, sur l'injustice plutôt, tandis que nous pleurons Badinter.
Chalandon, en 400 pages, livre un puissant réquisitoire contre l'ignominieuse machine judiciaire d'alors. le peuple était rassuré, le bagne comme la guillotine étaient majoritairement approuvés… Echo des débats de l'automne 1981, la voix de Chalandon, dit également non ! Pour les besoins de cette noble cause, il se fait « Teigne », ce gamin incarcéré qui tente de s'arracher de sa captivité. Il est ce narrateur entraîné dans cette aventure tragique et haletante. Jules Bonneau, alias la Teigne, va croiser des matons ignobles, des ersatz de Kapo, une infirmière au grand coeur, un noble marin pêcheur, des bigotes, des communistes, un anarchiste basque, des Croix-de-Feu… Un vrai inventaire à la Prévert. Ça tombe bien, il est là, lui aussi, véridique témoin des événements de 1934 lorsque les « sauvageons » se révoltèrent. Jules Bonneau est inventé mais son destin ressemble à celui de ces milliers d'enfants broyés. Tout à la fois Kubrick, mode Spartacus, Hugo et donc Prévert, Chalandon déploie avec efficacité, tout son talent de romancier, lui qui se plait à se définir journaliste. « l'enragé » est de ces livres que l'on dévore, emporté par cette fougue romanesque.
Un bon Chalandon, c'est un excellent roman… Un bon Chalandon donc mais pas un excellent Chalandon… Emporté par sa légitime indignation, Chalandon nous livre des personnages « entiers », des bons, des brutes ou des truands. Pas d'ambivalences… Pas de doutes… Pas de surprises… L'habituel maître du contre-pied nous gratifie d'une attaque bien frontale qui, certes, se termine dans l'en-but. le résultat doit être applaudi mais l'exigeant adepte du « French Flair » regrettera que l'efficacité redoutable de l'ailier gauche ne se double pas du panache habituel. Je postillonne dans la soupe, c'est vrai… J'ai quelques remords tant je me sens en phase avec cette rage. Pourtant, après avoir entendu tous ces faux-culs encenser l'ancien garde des sceaux jadis raillé par les mêmes, il était impensable que je n'assume pas pleinement cette infinitésimale déception.
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