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sur 1587 notes
Les rues de Belfast résonnent encore de la poudre qui explose, des pieds qui battent le pavé, de ces corps qui saignent, de ces yeux d'où tombent des cascades de larmes... Ces yeux qui pleurent cette Eire qu'imagine Antoine, cette vieille femme aux cheveux blancs et au fort caractère qui lutte pour son identité, ces yeux qui rient au son du gaélique et qui se tordent de colère devant ces anglais qui défilent, conquérants contre ce peuple opprimé.

C'était hier, au détour du calendrier. Ce conflit s'étirera pendant plus de vingt ans, jusqu'à l'aube des années 2000.

Antoine est luthier et parisien. Sa femme l'a quitté. La monotonie jalonne sa vie jusqu'à ce qu'il ne découvre une photo de James Connolly qui fut d'une des figures de la résistance irlandaise contre les anglais pendant la fin du 19e siècle. Nous sommes en 1974. Ce portrait en noir et blanc, collé dans le fond d'un étui à violon, va donner à sens à son existence beaucoup trop terne. Une conversation avec un client, une impulsion et le voilà en Irlande, à la rencontre de cette vieille femme à la chevelure blanche.

Elle est partout autour de lui, autour de ces enfants qui jouent, autour de ces enfants qu'on enterre, sur ce mur que l'on marque de graffitis, dans sourire de Cathy et Jim O'Leary qui l'accueillent les bras ouverts, lui le luthier de Paris.

Et c'est en Irlande que le luthier devient homme. « Fils ». Ces mots s'impriment dans son coeur. « Regarde comment on fait ». Et dans les urinoirs d'un bar irlandais, Antoine devient Tony. Antoine est frappé à l'âme par Tyrone Meehan, ce leader irlandais emblématique et charismatique, incarnation vivante de la cause, et qui lui apprendra à uriner comme un homme. La vie est faite de petits moments insignifiants mais déterminants et celui-ci en est un. Une histoire d'hommes. La naissance d'une amitié.

Antoine-Tony rentre à Paris profondément bouleversé. L'Irlande lui a offert ce qui lui manquait, l'amour familial de ceux qui pleurent les leurs mais gardent le menton levé et ne baissent pas les yeux, l'amour d'une terre qui vous reçoit les bras ouverts et vous donne tout ce qu'elle a, même si elle n'a rien.

Le jeune homme se construit sous nos yeux, bouton fragile qui éclot peu à peu pour devenir un homme engagé dans une cause.

Mais le monde n'est jamais ni noir ni blanc. Il est fait de multiples nuances de gris. Et c'est ainsi que Tyrone, le Tyrone pilier du combat est en réalité un traître qui fournit des renseignements à l'Angleterre depuis près de 20 ans. Mais où s'arrête sa traîtrise ? Est-il seulement le traître de l'IRA ou est-il aussi le traître d'Antoine? Les valeurs humaines qu'il lui a transmises, noble héritage de cette vaillante Irlande, sont-elles réelles ou n'étaient-elles finalement qu'un rideau éphémère. Qui était ce Tyrone-Denis dont il doit faire le deuil ? Leur relation était-elle sincère ?

J'avais été touchée par Profession du père du même auteur. C'est un récit auquel je pense encore beaucoup. Il en va et en sera de même pour celui-ci. Sous des couverts de fiction, Sorj Chalandon mêle des touches autobiographiques, Antoine-Sorj, Tyrone-Denis Donaldson, et les mots sont d'autant plus forts.


Ce récit ne se contente pas de s'immerger dans l'histoire de l'Irlande il observe et analyse les rouages du coeur humain. Il est tellement facile de porter un jugement, de prendre position, de trancher dans le vif, alors qu'en fait, le monde n'est que dégradé, et rien n'est vraiment simple.
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Antoine, un jeune luthier parisien fête ses trente ans chez un ami à Dublin. Parce que quelqu'un lui a dit : Vous ne connaissez pas le Nord ? Alors vous ne connaissez pas l'Irlande, il prend le train pour Belfast où il ne reste que trois heures, le temps de rencontrer Jim O'Leary. Antoine s'enflamme pour l'Irlande du Nord alors en guerre contre la Grande-Bretagne. Passion pour le pays, certes, mais, surtout, passion pour ses amis irlandais, Jim et Cathy qui l'hébergent d'abord, puis Tyrone, membre influent de l'IRA.

Plus que l'histoire de l'Irlande — même si certaines scènes sont à couper le souffle, c'est une histoire d'amitié trahie. Dès les premières lignes, le lecteur le sait :

« La première fois que j'ai vu mon traître, il m'a appris à pisser. »

Une petite histoire dans la grande. Curieusement, j'ai été plus émue (glacée, plus exactement) par le récit sur Bobby Sands en lisant le jour où le monde a tourné de Judith Perrignon qui évoque la vie et la carrière de Margaret Thatcher. Sorj Chalandon ne s'est jamais vraiment départi de sa casquette de journaliste, il n'a pas encore atteint sa maturité d'écrivain sachant communiquer les émotions, comme il l'a fait ensuite dans l'enragé.

Lien : https://dequoilire.com/mon-t..
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J'boirais bien une Guinness !

Ou deux. Parce qu'il faut bien ça pour me remettre de mes émotions.
Ce roman est à l'image de l'Irlande et des Irlandais. Âpre, rude - comme la Guinness en somme - mais débordant de générosité et de simplicité.

Mon traître nous laisse infiniment seul, triste et amer une fois la dernière page tournée. Mais c'est surtout un sentiment d'incompréhension qui nous submerge. Et comme le narrateur, Antoine, le luthier français, je n'ai qu'une envie : aller à Killybegs pour savoir.
Savoir si

Guinness, Dubliners et Retour à Killybegs !
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Sorj Chalandon, journaliste à Libération pendant 34 ans raconte de manière romancée son amitié avec Denis Donaldson dans « Mon traître ». Tous les ingrédients de la tragédie sont réunis et c'est au cours de la rédaction de ce roman qu'il a appris l'assassinat de celui dont il fut si proche.

Antoine mène une vie terne de luthier dans son petit atelier parisien, sa femme est partie. En 1974, un client lui parle de James Connely, et la république irlandaise rentre alors dans sa vie. Il se prend alors de passion pour ce pays et soutient la cause de l'Ira. Sa vie prend rapidement une densité toute particulière grâce l'amitié très forte qui le lie à un couple, Jim et Cathy O'Leary dont le fils est mort à l'âge de douze ans, tué par les anglais, et à celui qui deviendra son ami, Tyrone Meehan. C'est un leader charismatique du Sinn Féin, il lui apprend l'Irlande. Il l'appelle « fils », Antoine a trouvé sa famille de coeur.
Ce sont ses voyages répétés en Irlande qui durant des années donnent un souffle à la vie d'Antoine. Il souffre avec le peuple et pour tenir le coup durant toutes ces années, il se crée mentalement l'image d'une vielle femme irlandaise aux cheveux blancs, pleine d'ardeur et de colère. Une sorte de madone politique.
La lutte donne ses lettres de noblesse aux personnages, les vies sont rudes, les maisons ont peu de confort, l'argent manque, il fait gris, froid, humide et malgré la peur au ventre, les prisonniers, les morts, on se réchauffe le coeur en buvant ensemble une bière ou un thé brûlant et en chantant des chants irlandais, des chants de lutte. Antoine les accompagne au violon… L'engagement de ces hommes et de ces femmes est total dans un grand esprit fraternel. Mais le sang continue de couler.
En 2006, Tyrone Meehan admet au cours d'une conférence de presse qu'il trahit son camp depuis vingt-cinq ans en donnant des renseignements aux anglais.
Vingt-cinq ans de trahison. Jour après jour.
Vivre une histoire aussi intense et en restituer tous les aspects, entre lumière et obscurité, n'était pas chose facile. Il fallait le talent de l'écrire,sans haine.
Il faut absolument lire « Mon traitre » pour la beauté de son écriture et la justesse avec laquelle elle révèle toutes les fragilités humaines.
Inoubliable.


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L'Irlande du Nord...
J'y connais finalement pas grand chose à cette contrée éloignée du continent qui pourtant m'a accueillie l'espace de quelques jours pour un voyage touristique.
Belfast, la Chaussée des géants, les distilleries de whisky....
La situation politique et religieuse m'a pourtant échappé à l'époque tant elle me paraissait complexe.
Il a fallu ma rencontre avec ce livre, avec ce petit luthier français et ses amis irlandais pour que je me replonge corps et âme dans l'histoire de cette terre meurtrie.
Sorj Chalandon, dans ce livre est un conteur, un historien, un guide touristique, un ami, un de ceux qui nous font nous attacher à une terre, comme ça, instantanément. Son écriture est sublime !

Mon traître, c'est l'histoire douloureuse de ces hommes et de ces femmes qui se sont battus pour leur indépendance, leur liberté, pour plus de justice et moins d'inégalités. Ils l'ont fait au péril de leur vie.
Mon traître, c'est l'histoire d'une amitié profonde de deux hommes rencontrés un peu par hasard, au son d'un violon.
Mon traître, c'est une plongée dans l'Irlande du Nord de différentes époques pour laisser en nous une empreinte indélébile.

Mon traître, c'est l'envie de poursuivre le voyage en lisant Retour à Killybegs dans la lignée.... J'y suis, au moment où j'écris ces lignes. Et je vous l'assure : le voyage est bouleversant !
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Mon traître ou comment le narrateur, Antoine, Français attachant et amoureux de l'Irlande, découvre après 20 ans d'amitié, que celui qu'il considérait comme un père de substitution, un mentor, a trahi la cause et l'a trahi par la même occasion.  

C'est toute l'ambiguïté de ce personnage, Tyrone, qui est résumée dans ce titre. Cet homme engagé dans l'IRA depuis sa prime jeunesse, personnage respecté et admiré, incarcéré par l'armée britannique pour ses convictions, qui a fini par dénoncer ceux qu'il aimait, la cause qu'il servait, reste la personne la plus marquante de la vie d'Antoine, son ami, son traître.  

Mon traître c'est cette histoire : celle d'un jeune luthier français introverti qui découvre lors d'un bref séjour à Belfast dans les années 70, ce que signifient l'amitié et l'engagement au contact de militants irlandais bourrus mais chaleureux. Des personnages hauts en couleur auprès desquels il se sent à sa place, au sein d'une famille de coeur.

20 ans de brefs séjours, à dormir dans des lits de fortune, à trinquer dans les pubs catholiques, l'oeil et l'oreille aux aguets, à bas les rosbiffs ! le petit frenchie qu'on accueille avec joie, lui et son insouciance, loin du quotidien d'un catholique en Irlande du Nord pris dans l'étau d'une guerre civile qui bouffe tout sur son passage. Un jeune homme qui vieillit et épouse la cause sans véritablement en connaître les tenants et aboutissants et si touchant de naïveté. Quant à Tyrone, le pilier, le rescapé, il le prendra sous son aile, en fera son fils adoptif car le sien croupit en prison.

Voilà ce que j'aime chez Sorj Chalandon : une simplicité étonnante au service de ce récit d'apprentissage qui est aussi et avant tout une belle histoire d'amitié. Comment ne pas se sentir proche d'Antoine, de Tyrone et des autres, trimbalés de pub en pub, une pinte dans chaque main, à entonner des chants partisans, évoquant, la larme à l'oeil, l'histoire des héros de l'indépendance, invoquant de toute sa gouaille, la fierté celtique, entre deux notes de violon et quelques empoignades ! Décidément, j'aime l'Irlande !
Lien : http://www.livreetcompagnie...
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C'est le premier livre que je lis un livre de Sorj Chalandon et en consultant ce roman, je me suis dit que je me devais de le relire.
C'est rempli de poésie, des mots qui vous touchent en plein coeur.
Un ouvrage qui soulève votre âme, qui vous indigne, vous pourchasse ou la trahison n'existe pas…
Lors d'une guerre nous sommes faible, et qui sommes-nous pour juger.
Je ne peux pas prétendre que je serais meilleure qu'eux. Je ne sais pas, je ne connais pas autant de violence, de rancoeur et de désespoir.
Alors moi je pardonne, comme ses révolutionnaires, ses combattants…

Un auteur que je suis heureuse d'avoir découvert.

Extrait :

Parole de Tyrone à Antoine :

– Je ne te dois rien, petit Français. Je ne dois rien à personne. J'ai merdé, fils. J'ai fait ce que j'ai fait et cela m'appartient.

– ...Personne ne naît tout à fait salaud, petit Français. le salaud, c'est parfois un gars formidable qui renonce….


Bonne lecture !
Lien : https://angelscath.blogspot...
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Il fallait bien dans mon exploration irlandaise que je revienne à Sorj Chalandon et à Mon traitre !

Bien loin de la vision touristique et bucolique de l'Irlande, Antoine, jeune luthier parisien nous emmène à Belfast dans les années 1970 à 1990 où il fait la connaissance d' hommes et de femmes qui luttent avec leurs petits moyens, mais avec leur coeur et leur âme toute entière contre l'envahisseur anglais, unis par la même flamme de patriotisme et de catholicisme .

Antoine découvre ainsi un but à sa vie jusqu'ici monotone, et noue de solides amitiés , en particulier avec Tyrone Meehan, un des chefs de file du mouvement indépendantiste Sinn Féin, lien quasi filial avec cet homme dont le fils est emprisonné .

De nombreux voyages en Irlande et l'hébergement de certains résistants irlandais dans sa petite chambre parisienne donnent à Antoine une envergure et l'impression de participer lui aussi au mouvement .

C'est une Irlande dont la couleur dominante est le gris , celle des petites maisons , des rues de Belfast, des pavés des trottoirs, une teinte qui vire au noir quand sont évoquées les prisons, les tortures, les gréves de la faim et les morts de ces jeunes gens mais une Irlande tellement chaleureuse au coeur de ses partisans .

Jusqu'à la révélation de la trahison depuis vingt cinq ans de Tyrone Meehan, et l'incompréhension et les doutes d'Antoine : Tyrone a t'il aussi trahi cette forte amitié ?

Poignant, sublime .

Mon regret : ne pas avoir enchainé Mon Traitre et Retour à Killigsbey pour mieux rester imprégner par l'ambiance de ce drame .
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Une trahison fraternelle
L'Irlande du Nord. Aux sons du violon et des pintes de bière qui s'entrechoquent, l'amitié entre un Français et un héros indépendantiste. Héros, mais traître. Une superbe histoire de fraternité dont on ne ressort pas indemne.

25/08/2009
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J'ai toujours l'impression que Sorj Chalandon jette toute sa vie dans chacune de ses phrases, que chacune est un engagement total de sa personne. L'effet est parfois un peu pesant, toujours est-il que son écriture a sa petite musique propre, qu'il en ressort une intention pure, une authenticité indiscutable, tout comme est indiscutable la maîtrise de son sujet : l'Irlande du Nord est dite avec des mots, des gestes, des regards qui sentent son vécu de terrain et son adhésion totale à la magie si particulière de cette terre et de son peuple.
J'ai trouvé magnifique l'idée d'un personnage de luthier, homme taiseux aux mains d'or, pour incarner le regard extérieur sur la cause des rebelles catholiques pendant la triste période de l'IRA en guerre contre le pouvoir britannique.
Quant au traître, il amène à l'histoire ce lavis de nuances et de doute, aux tons en phase avec le ciel d'Irlande.
Triste et beau livre, qui fait plonger au coeur du coeur des hommes dans une page d'histoire difficile.
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