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sur 1587 notes
Texte d'une grande humanité au style agréablement simple mais percutant.

D'abord il y a ce possessif. On a l'habitude de l'article, « un » ou « le », mais là c'est « mon » alors ça surprend ; mon traître, pourquoi ce possessif ?

Ensuite il y a cette construction curieuse du roman dans laquelle le personnage principal, Tyrone Meehan, apparaît comme terriblement sympathique alors que nous savons dès le début qu'il est un traître.

Alors, comme dans la vraie vie, le fil de la lecture nous entraînant, nous avons de plus en plus de mal à imaginer que cet homme, l'ami, le frère, le père, notre ami un peu, puisse commettre cette forfaiture.

Et puis très vite on oublie parce que nous sommes entraînés dans l'Irlande tumultueuse dans sa lutte contre l'occupant anglais.
Nous vivons le poids de la tension, la solidarité silencieuse et invisible de ce peuple opprimé, la haine fratricide entre catholiques et protestants.
Nous sommes entrainés par cette langue percutante, racée, sans fioritures inutiles de Sorj Chalandon. Voilà de l'écriture ! Voilà du style ! Voilà un écrivain qui a quelque chose à dire et qui sait l'écrire avec talent. Ouh que ça fait du bien !

Mais le roman, lui, qu'en est-il ? C'est une réflexion sur ce qu'est la traîtrise.
Quand devient-on traître ? Qui peut le devenir ? Pourquoi et comment le devient-on ?
Et surtout un traître est-il un traître pour tout le monde ? Et finalement ne sommes-nous pas tous un peu traître, ne serait-ce qu'envers nous-mêmes ?
En trahissant, son traitre, a-t-il trahit leur amitié ?

Bien sûr la traîtrise est une des pires laideurs humaines et tout est question de degré.
Il y a de ces traîtrises qui vont mener d'autres hommes à la mort ou à la prison et il y a aussi de ces petites traîtrises qui blessent petit à petit. Qui blessent l'autre et qui peuvent aussi nous blesser nous-mêmes à force de renoncement à nos valeurs.

Acheté parce que j'avais aimé « la légende de nos pères », j'ai plongé et je ne m'y attendais pas, dans le coeur de la guerre civile d'Irlande du Nord. Pour Antoine, notre narrateur, tout comme pour moi, c'est donc le hasard qui nous a conduits en Irlande du Nord
Et je m'y trouve bien, toujours un peu comme lui.
L'Irlande l'appelait sans qu'il le sache, moi je connaissais l'Irlande mais pas l'histoire du conflit qui l'ensanglanta et la marque encore profondément.
J'ai reconnu les ghettos, les fils barbelés, les peintures murales, le mur qui sépare les quartiers catholiques et protestants, les grilles sur les fenêtres.
Mais j'ai aussi reconnu la chaleur des irlandais, leur accueil, la musique, les pubs, la grisaille qui va si bien à la beauté rugueuse de ce pays.

Ainsi ce roman m'aura été d'un triple intérêt : le style, le thème et l'Irlande de Nord.

Je voudrais venir sur un point qui m'a chagriné : Souhaitant quelques précisions sur la façon dont la presse avait accueillit ce roman, je suis tombé sur un article, non signé, du point (site web) du 28/11/2013 qui révèle tout bonnement le secret de l'intrigue. Que des babéliotes le fasse par erreur et sans penser à mal, passe, mais qu'un professionnel, certes un journaliste, le fasse cela me choc infiniment et mérite que l'on dénonce cette bêtise, cette méchanceté.

Petit résumé si ça vous tente :

Le narrateur, Antoine, luthier parisien, va découvrir l'Irlande, et plus particulièrement l'Irlande du nord par accident, par succession de petits appels du destin ou du hasard qui vont le forcer à s'immiscer dans ce Nord brutal et brutalisé mais si envoutant.
Il voudrait l'Irlande comme sa patrie ; celle où l'on rencontre le plus de gens qui nous ressemble.
Il va connaitre Jim et Cathy O'Leary républicains, catholiques et chômeurs bien sûr.
Ils vont l'accueillir souvent faisant du petit français un irlandais d'adoption.
Antoine s'implique de plus en plus dans la cause nord-irlandaise qu'il voudrait sienne
Mais Tyrone Meehan, vétéran et commandant et héros respecté de l'IRA, dont il croise la route lui fera bien comprendre que jamais il ne sera irlandais et que ce qu'il peut faire de mieux pour la cause c'est d'être français et de jouer du violon pour ses guerriers.
Sans doute, par là, Tyrone cherchait-il à protéger Antoine ; à moins qu'il n'ai cherché à épargner sa propre gloire.
Tyrone deviendra son autre grand ami, son grand frère, son père en Irlande.
Mais Tyrone a trahit.



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Mon traître de Sorj Chalandon

Irlande du nord, avril 1977, un pays en guerre, Belfast, une ville en guerre. La guerre de deux communautés, l'une catholique celle de la République d'Irlande, l'Eire. Et l'autre, protestante, l'Unioniste, soutenue par l'occupant, l'ennemi anglais depuis des siècles, depuis Cromwell...
C'est de cela que nous parle Sorj Chalandon... de ce rapport entre la population majoritairement catholique irlandaise, opprimée par l'armée britannique de sa majesté protestante et imperialiste, jusqu'au processus de paix signé d'avril 1994, et enfin jusqu'à avril 2007, la fin de "mon traître".
Il n'y a pas de guerre propre, avec des bons et des mauvais, il y a l'occupant qu'il faut chasser et des soldats pour le faire, ceux de l'IRA (l'Irish Republican Army). Des soldats clandestins, résistants, des prolos, des paysans, des sans riens, chômeurs, qui vivent sous les toits de tanières en briques rouges, humides du ciel irlandais pleurant, crachant sa haine de l'Anglais, l'injustice d'être soumis dans son pays.
Il y a Antoine, ce luthier de Paris, violoniste, amoureux de ce pays rebel, impressionné par l'insurrection de 1916 et son leader révolutionnaire James Connolly. l'Irlande c'est sa terre d'adoption, il est venu voir Jim et Cathy OLeary, de l'IRA, ses amis...
C'est aussi son histoire, de 1977 à 2007, celle de sa conscience car il va comprendre, lors de ses séjours à Belfast, la dureté de cette guerre quand Thatcher, en avril 1981, va laisser mourir Bobby Sands, député nationaliste irlandais de 27 ans, et dix militants de l'IRA, lors de leur grève de la faim, dans la prison de Long Kesh. La dame de fer, pour faire comprendre aux irlandais qu'il ne sont rien, que leur combat est vain...
Et tous ces soutiens, ces petites gens, jeunes, vieux, femmes, enfants qui aident, qui logent,qui ouvrent une porte, manifestent, balancent des pierres sur les blindés
Et Il y a Tyrone Meehan, officier héros de l'IRA, emprisonné plusieurs fois et libéré... Il deviendra son mentor, son guide et apprendra à Antoine ce qu'engagement, solidarité, clandestinité veulent dire. La guerre est sale, Tyrone lui apprendra cela aussi.
A travers Antoine, le personnage principal, Sorj Chalandon nous interroge sur l'engagement politique, le sens et la compréhension d'un combat, pour un jeune étranger qui ne connait pas les enjeux. Comprendre, s'engager, aller au bout, trahir ou être trahi ? Quel poids pèse sur les épaules d'un homme au cours de sa vie ? Et au delà de la politique, que reste-t-il des vrais rapports humains, de la confiance, de la responsabilité, de l'amitié ?
C'est un roman dense, arrosé de pluies et de bières, une dure et belle histoire, dans un pays fratricide, de paysages magnifiques mais torturés, plein de vie, insurgé.
Il est à l'image des célèbres chants de pubs irlandais qui rappellent la vie, l'exil, la souffrance, le désir d'émancipation,...Sláinte Mhaith !
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Je n'ai pas beaucoup lu Sorj Chalandon ; c'est une grave erreur car le peu que j'ai lu ne m'a pas déçue. J'avais surtout envie de découvrir Chalandon l'irlandais, lui qui y a beaucoup travaillé.
Antoine est luthier, français. Sa première rencontre avec l'Irlande c'est avec un client violoniste qui lui dira ‶Vous ne connaissez pas le nord ? Alors vous ne connaissez pas l'Irlande″.
Le coup de foudre viendra 3 ans plus tard. Il s'y fera des amitiés solides : Jim, Cathy, et Tyrone Meehane. Tyrone sera pour lui comme un père.
Il y retournera à de nombreuses reprises. Nous sommes en plein confit irlandais ; le nord contre le sud ; les catholiques contre les protestants ; les unionistes contre les républicains. Une guerre, une sale guerre. ″ La guerre est sale. Sale. Ne parle jamais de guerre propre. ‶
Il s'avèrera que Tyrone trahira ; trahira son pays, trahira sa famille, trahira ses compagnons de lutte, ses engagements, trahira la cause de l'IRA, trahira son ami.
‶Personne ne naît tout à fait salaud, petit Français. le salaud, c'est parfois un gars formidable qui renonce. ″
″Il trahissait depuis près de vingt ans. L'Irlande qu'il aimait tant, sa lutte, ses parents, ses enfants, ses camarades, ses amis, moi. Il nous avait trahis. Chaque matin. Chaque soir…‶
Et pourtant, c'est un ami. Rien n'est simple.
J'ai particulièrement aimé ce roman magnifiquement écrit, judicieusement construit. Il nous parle à la fois de ces années de plomb qui ont ravagé l'Irlande. Il dit les fragilités humaines. Il dit l'amitié ses limites et ses forces. Il dit la sensibilité d'un homme embarqué presque malgré lui dans un conflit qui n'est pas le sien, mais qui va le devenir.
Ce roman est aussi l'aventure personnelle et professionnelle de l'auteur superbement mise en mots. Une histoire à la fois dure et sensible, qui on le devine, a laissé des traces indélébiles, et donnera un autre ouvrage qu'il me tarde de lire.

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Une lecture complétement fascinante, comme dans tous les écrits de Chalandon, du moins, ceux que j'ai pu lire jusqu'à présent... Une histoire émouvante, brute, forte... Des mots qui percutent, qui vont droit au but... À lire !
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Bon je me lance, comme Amstrong.. première critique d'un livre de Sorj Chalandon, que j'admire depuis longtemps, et dont chaque lecture ne cesse de me toucher, de me brutaliser parfois, de me bouleverser souvent.
Ici, le sujet est vaste, mais o combien intéressant, le combat indépendantiste de l'Irlande du Nord, des factions de l'IRA etc.. que l'écrivain connait très bien en tant que journaliste. Mais il choisit un angle intimiste pour nous raconter cette Histoire, plus qu'intimiste puisqu'il s'inspire de sa propre expérience et de sa réelle rencontre avec un membre des forces irlandaises.
A travers le parcours d'un luthier parisien, on découvre le combat irlandais, et son histoire d'amour avec ce pays. Au fil de va et vient entre Belfast et Paris, on suit plusieurs décennies du combat indépendantiste, et la rencontre entre Antoine le parisien et sa nouvelle famille, Jim, Cathy.. mais surtout le grand et inénarrable Tyrone, son traître.
Il travaille tout au long du roman les thèmes de l'engagement moral et politique, et de l'amitié, avec une écriture d'une justesse implacable et d'une puissance rare. La capacité de Chalandon la facilité même, avec laquelle il nous submerge dans ses romans est toujours surprenante.
A lire, à relire et tous les autres aussi : une promesse, le quatrième mur, la légende de nos pères...
Demain, je retourne le miroir, et commence Retour à Killybegs, pour savoir ce que "notre" traître avait vraiment dans le ventre.

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Sorj Chalandon a été journaliste au quotidien Libération pendant plus de trente ans. Il est l'auteur de reportages sur l'Irlande du Nord. Ecrivain depuis 2005, Mon Traître est son troisième livre pour lequel il a reçu plusieurs prix mérités!
Avec une belle écriture, Sorj Chalandon nous entraîne dans ce livre par une immersion dans un pub d'Irlande du Nord en 1977. Antoine, luthier français y est avec ses amis Jim O'Leary et sa femme Cathy. Il y fait la connaissance de Tyrone Meehan, homme très respecté de cette lutte irlandaise, qui deviendra son ami.
Antoine revient régulièrement à Belfast et se propose d'aider les irlandais dans leur lutte. Un jour, il apprend que Tyrone est un traître.
J'ai lu ce livre avec beaucoup de plaisir, sans pouvoir m'arrêter, Sorj Chalandon, m'a fait découvrir l'Irlande de l'intérieur, alors qu'à l'époque je n'en connaissais que ce qui était dit aux infos.
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Dans ce livre, tu vas partir en voyage en Irlande du Nord pendant les années tumultueuses des conflits internes, dans les années 80 – 90 plus précisément. Tu vas suivre à travers les yeux d'un luthier français, l'histoire d'un militant républicain qui va être accusé de trahison par ses camarades. Sans spoiler ce livre, je peux te dire que tu seras plongé dans une histoire riche et complexe où les personnages sont confrontés à des choix difficiles et à des réalités dures.

Alors ce fut une excellente découverte pour ma part ! J'ai adoré me plonger dans ce récit. D'une plume qui peut paraître froide au premier abord et qui peut en déconcerter quelques-uns. Ça m'a fait penser à du Primo Levi dans “Si c'est un homme” pour te donner un exemple. Mais c'est ce qui rend ce récit si puissant ; grâce à l'ambiance qu'il crée. J'ai aimé découvrir ce pays, à travers certains lieux et certains événements qui ont marqué l'auteur, mais aussi, par le fait, qu'il partage l'amour qu'il peut avoir envers lui. J'ai aimé également faire la rencontre des divers personnages qui donnent de la profondeur au témoignage et reflètent les valeurs de ce peuple à cette époque.

Ce livre m'a fait réfléchir tout au long de ma lecture sur ce que j'aurais fait à leurs places, mais aussi sur le regard que le narrateur porte sur ce militant.

Pour conclure, je connaissais très peu ce conflit et cela m'a donné envie d'en savoir plus. Je vais certainement lire d'autres oeuvres de cet auteur et je te le conseille vivement.

Donc si tu aimes les romans historiques, intenses et captivants, ce livre est fait pour toi.
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En écrivant « Mon traître » Sorj Chalandon convoque sous sa plume, la mémoire de ses reportages en Irlande du Nord dans les années 80, dans les odeurs de tourbe et de charbon de Belfast. Une mémoire à vif, aux impressions débordantes, au coeur d'images vivantes, de froid, de pluie, de terre, de souffrance.
Il y fait le portrait de Tyrone Meehan, héros de la lutte contre les Britanniques, qui choisit au bout du compte de trahir la cause de l'IRA. le livre parvient à traduire avec bonheur cette atmosphère tendue des années de braise, grisaille et tristesse, force et douleur de l'engagement jusqu'au rappel de Bobby Stands et de ses camarades, qui font le sacrifice de leurs vies sur l'autel du thatchérisme. Malgré tout, le lecteur reste un peu en marge de cette réalité, racontée à distance par Antoine le luthier parisien, tombé amoureux de l'Irlande et de ses drames par hasard, au travers de ses rencontres et des amitiés qu'elles lui permettent de nouer.
Ce qui intéresse Sorj Chalandon, ce ne sont pas tant les arcanes de la trahison de Tyrone, les raisons qui l'y ont poussé restent abordées de façon allusives. Il met en lumière le positionnement de son narrateur Antoine, face à la trahison, ce que la trahison peut dire dans la relation de l'homme qui trahit à ceux qui l'ont aimé dans sa peau de héros. On devine à la lecture, que ces questions résonnent de façon personnelle pour l'auteur, son dernier roman « Mon père, ce salaud » en apporte la preuve.
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Le titre à lui seul est une réussite car il crée une communion entre l'homme trahi et le traître. L'Irlande, pays magnifique, meurtri par un conflit sanglant avec l'Angleterre. Ici, c'est Belfast, ses pubs, son humidité et la bière qui réchauffe les coeurs des hommes. Une très longue trahison d'un homme au profit de l'ennemi racontée avec grand talent dans ce livre qui ne s'oublie pas..
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Années 70, Antoine est luthier à Paris. C'est un homme assez silencieux que sa femme a quitté. Il vit pour son amour du métier et pour la joie de rendre vie aux violons qu'il soigne. Pour ses 30 ans, il s'offre un voyage à Dublin pour y retrouver un ancien ami. La fête est superbe, il joue du violon en public et se saoûle, un peu. le lendemain, quelques heures avant son retour, il erre dans la ville et se souvient tout à coup d'une phrase d'un de ses client : " Vous ne connaissez pas le Nord ? Alors vous ne connaissez pas l'Irlande." Alors Antoine décide de faire un tour à Belfast, un tour rapide de 3h. Un tour qui va changer sa vie.
Au hasard de sa marche, Antoine va rencontrer Jim O'Leary et sa femme qui le croient perdu et l'invite chez eux. Une grande amitié va naître qui sera le point de départ de nombreux voyages successifs en Irlande du Nord. Des séjours qui permettront à Antoine de rencontrer l'Irlande, la vraie. Celle qui est loin des cartes postales de moutons, de murs en pierre, et de falaises vertigineuses. Celle qui le conduira au creux des pubs enfumés, dans le coeur de l'âme irlandaise, dans l'Irlande républicaine surtout qui se bat contre l'envahisseur britannique. Dans celle de Tyrone Meehan, activiste de l'IRA qu'il va bientôt considérer comme un frère. Un ami tant aimé avec qui il partagera tout, un ami qui pourtant trahira son pays et brisera le petit français.

Le fait est connu, Mon traître s'inspire de l'expérience personnelle de l'auteur. Sorj Chalandon, journaliste à Libération, a longtemps travaillé sur le conflit irlandais. Il a connu les activistes républicains qu'il a abondamment couvert, et en particulier un certain Denis Donaldson qui est devenu son ami. Un ami dont il a découvert avec les autres partisans qu'il avait trahi sa patrie pendant 20 ans... Denis, un des plus fervents leaders de la cause républicaine, était un traître à la solde des britanniques. Une révélation choc qui ébranla ses proches et Sorj Chalandon lui-même. Une trahison qui questionne aussi quant à la véracité de son amitié avec cet homme.
A travers les figures d'Antoine et de Tyrone mais aussi de Jim et Cathy, Sorj revient sur cet épisode dramatique. On y découvre un jeune homme naïf qui porte une sorte d'amour irraisonné pour un pays qui n'est pas le sien. Une curiosité hasardeuse qui devient vite une sorte de fil conducteur dans sa vie.

Un amour pour l'Irlande du Nord mais surtout pour ses habitants qui l'ont accueilli si chaleureusement sans rien lui demander. Un amour pour ces hommes et ces femmes qui ont choisi le combat et l'engagement politique en dépit de la pauvreté, de la souffrance et de la répression britannique. Une sorte d'amour admiratif qui s'épanouira particulièrement avec Tyrone, sorte de figure paternelle sous l'égide duquel il fera son apprentissage du combat.
Sorj Chalandon y décrit donc une Irlande humaine et combattante qui prend corps dans les pubs et ses réunions houblonneuses, dans le quotidien d'un peuple qui voit ses enfants disparaitre par la guerre, la prison ou par une balle perdue. l''auteur s'attarde longuement à décrire la découverte de ce nouveau pays et de ses combats, l'histoire de sa rencontre avec ses hommes, avec Tyrone. On vit avec lui la plénitude de cette amitié déterminante qui grandit au fil des années et sera un des piliers de sa vie. Et lorsque la trahison arrive en fin d'ouvrage, elle n'en est que plus choquante, à l'image de celle d'Antoine et celle de l'auteur, à travers lui.

"Mon traître" est véritablement un bijou de sensibilité et de pudeur. D'émotion aussi. A travers son héros, Sorj Chalandon livre ses sentiments sur une trahison qui a bouleversé sa vie. Son écriture est libérée de tout superflu. Ses phrases sont courtes, parfois sèches et, à travers leur épure, révèle avec une très grande subtilité l'essentiel des faits et des émotions. On vibre à l'unisson d'Antoine, on découvre une Irlande inconnue toute en humanité, on y ressent l'importance des amitiés, la façon dont elles nous construisent mais aussi la manière dont elles peuvent nous détruire.
Il y sera question aussi de mensonge. Comment un homme dont la vie était basée sur le mensonge a-t'il pu vivre aux côtés des siens ? Quelle est la part de vrai dans ce qui a constitué son existence ? Se définit-il comme celui qu'il était aux yeux des autres ou comme celui qui trahissait dans l'ombre ? Comment réconcilier les 2 faces du personnage ?
Antoine, double de l'auteur, se questionne sur la part de mensonge et de vérité chez ce traitre, SON traitre. Leur amitié était-elle réelle ? Ou Tyrone l'a-til utilisé complaisamment pour ses activités d'espion ? Est-il lui-même coupable de n'avoir rien vu ? Coupable d'avoir trahi la cause républicaine à laquelle il s'était attachée, en aidant Tyrone à se loger lors de ses séjours parisiens, prétextes secrets à ses trahisons ?
Sorj, à travers ses personnages de papier, cherche des réponses, cherche à accepter l'inacceptable, à faire son deuil tout simplement d'un homme, d'un ami qui par sa traitrise remet en cause tous ses gestes et toutes ses paroles.

Mon traître est un roman admirable qui m'a extrêmement touchée et confirme tout le bien que je pensais de cet auteur après La légende de nos pères. Ma critique n'est bien évidement pas à la hauteur de ce que j'ai ressenti à la lecture de ce roman mais j'espère vous avoir donné envie de découvrir ce grand auteur qui est pour moi un grand coup de coeur !
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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