Gestes et oiseaux, fleurs et mots.
La démesure de ce qu'un être un jour ressent,
il se demande comment loger
cela en lui, sa cavité.
C'est comme le ciel tout entier qui pèserait
sur la ravine,
voudrait s'y faufiler.
On trouve heureusement au jardin
des fleurs étrangères à tout épanchement,
des tulipes
à la poussée si pleine de rectitude,
dont le bulbe, l'origine tint au creux d'une paume,
tandis qu'on serrait
l’outil à retourner la terre de l'autre main.
On avait noué,
c'était au temps frileux des derniers jours de mars,
une écharpe au tronc du bouleau.
Habiller l'arbre de laine
on eût dit un appel
à la mémoire fouillant un autre geste dans l'ombre
quand la nuit, l'amour, dans les rues ventées,
trouva son mouvement peut-être le plus sûr :
l'un avait passé l'écharpe au cou de l'autre,
un peu de sa chaleur demeurant dans la laine.
à Vermeer
Tout n'est plus que temps lorsque la jeune femme
reçoit une lettre, l'ouvre, avec le papier déploie
la distance ; les mots signifient déjà avant qu'on les lise :
il y eut un autre jour.
Auprès de la femme est posé un livre,
comme on en reliait autrefois avec du fil ; c'est une autre
parole rapportée de page en page.
Et sur la lettre, n'y aurait-il rien d'écrit, ce serait encore
l'immense,
comme de l'angle d'un meuble qu'elle heurte, la lumière
jaillit.
Pendant ce temps le ventre de la femme augmente
d'une présence encore anonyme.
Les choses cependant sont plus simples que nos mots,
nous aimons ; c'est aussi doux
qu'une femme, très légèrement, qui se penche,
elle regarde le jour, par la fenêtre entrouverte ;
et la lumière
ici se résout, qui fut un battement solitaire
et lointain de soleil ; la femme, une cruche à la main, la reverse.
On ouvre le livre, glisse une image, que l'on avait oubliée,
des fleurs parfois et des feuilles d'arbres
mises à sécher entre les pages ;
pour rien que, peut-être, la sorte d'enluminure
que forment les taches, les sécrétions des pétales et du duvet.
On eut ce soin, ce goût, et aujourd'hui
quelque chose est en plus du jour, inopiné,
qui lui échappe, et aux cahiers du livre : une trace,
elle est infime, elle tait autant qu'elle révèle la vie.
Avec Husnia Anwari & Belgheis Alavi accompagnées de Kengo Saito (rubâb)
Nous, femmes poètes, nous n'avons d'armes que nos mots, de moyens de résistance et de liberté de parole que par nos poèmes, le plus souvent. Pour soutenir dans un élan solidaire les femmes afghanes qui sont, depuis longtemps déjà mais particulièrement dans le contexte actuel, réduites au silence dans leur pays, nous souhaitons faire entendre leurs voix : des landays de femmes pachtounes exilées ou appartenant au cercle littéraire clandestin de Kaboul, le Mirman Baheer, aux poèmes en dari de femmes souvent assassinées d'avoir écrit comme Nadia Anjuman à qui Atiq Rahimi a dédié son livre Syngué sabour. Pierre de patience. Pour que sur la scène emblématique de la Maison de la Poésie, toutes accueillies, nous puissions dire la force qui nous unit en poésie à travers le monde, un ensemble de femmes poètes françaises est en train de se constituer autour d'Husnia Anwari, journaliste franco-afghane et poétesse féministe, et Belgheis Alavi, enseignante chercheuse à l'Institut national des langues et civilisations orientales, qui liront sur scène accompagnées au rubâb par le musicien Kengo Saito.
Avec : Laure Gauthier, Laurence Werner David, Sophie Loizeau, Judith Chavanne, Véronique Pittolo, Rim Battal, Zoé Besmond de Senneville, Marie-Hélène Archambeaud, Sanda Voïca, AC Hello, Julia Lepère, Orianne Papin, Virginie Poitrasson, Anne Savelli, Marcelline Roux, Lika Mangelaire, Séverine Daucourt & Maud Thiria
Manifestation à l'initiative de Maud Thiria, organisée avec l'aide de Séverine Daucourt
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