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EAN : 9782916141787
205 pages
L'Arbre vengeur (22/11/2011)
4.17/5   6 notes
Résumé :
Tous des monstres ?
Le père qui saute sur les filles de ferme qu’il engrosse ?
La mère qui se débarrasse de celles-ci devenues gênantes ?
Les fils qui se taisent et lèvent à peine un sourcil ?
La fille que son père a violée avant de s’effondrer sur elle, terrassé par une crise cardiaque ?
Le gamin né de cette union sordide et que tout le monde rejette ?
Le village qui, du haut de sa morale et de sa religion, toise ce v... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ici, pas de jolis pastoureaux ou de gentilles bergères. Chez Gaston Chérau, les moutons sont malpropres et faméliques et l'on se dispute les fermes brique par brique. Voici quelques-unes des nouvelles de ce savoureux recueil.

Le monstre – Massé engrosse toutes les servantes qui passent dans sa ferme. Jusqu'au jour où c'est sa fille Hortense qui remplace les servantes. La pauvre enfant connaît le même sort et de cette immonde union naît un fils. Une fille-mère, ce n'est jamais surprenant dans la région, mais pour celle-ci, tout est différent, à la fois atroce et honteux. « Cette fois, on frissonnait comme au récit d'un conte de méchantes fées. » (p. 42) L'enfant grandit en ayant pleinement conscience de son statut de maudit : sa famille et le village ne voient en lui que le fils de son grand-père. le garçon est solitaire, mais il n'est pas faible. « Il possédait cette puissance des réprouvés dont on redoute les mauvais sorts et les caresses plus que les violences. » (p. 56)

Les vieilles – Constance et Adeline sont deux vieilles qui ont marié ensemble leurs enfants. La première espère mourir dans sa ferme, mais voilà qu'Adeline s'installe et que tout change. Brusquement, Constance est envoyée et oubliée à l'hospice. « Comme elle souhaitait la mort de cette Adeline, qui avait pris sa place à sa table, à son foyer, dans sa maison, chez elle. » (p. 97) Pour retrouver sa place à la ferme, la vieille sera finaude. Pour y rester jusqu'au bout, elle se montrera terriblement retorse.

Les frères – Pierre et Firmin Dorigny ont hérité de la ferme familiale et chacun aimerait être seul maître de la propriété. « Les deux frères avaient le même mouvement en avant, un mouvement de meurtre. » (p. 142) Violents et haineux, Pierre et Firmin traquent la faiblesse en l'autre.

Fifi l'Esguarrat – « En bon fermier, il savait bien que c'est d'être jolies qui perd les bergères. » (p. 195) Une vilaine bergère tombe amoureuse d'un vilain musicien. Ces deux-là auraient tout pour être heureux. Mais on se moque toujours des vilaines figures et les amoureux l'apprendront à leurs dépens.

Loin de l'image d'Épinal de la riante campagne française, Gaston Chérau brosse des portraits qui évoquent les farandoles hideuses de Brueghel. le patois alourdit la phrase, la rend traînante et la teinte d'un vernis crasseux. J'ai retrouvé certains thèmes chers à Claude Seignolle, mais les victimes sont ici mieux armées que leur bourreau. Il faut se méfier de l'eau qui dort et du miroir lisse du purin. Dans la campagne de Gaston Chérau, il n'y a que des monstres. Allez donc conter fleurette ailleurs si vous n'aimez pas vous salir les yeux. Pour ma part, je me suis délectée du sadisme et de la cruauté brute de ces personnages.
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Ha ! le bon vieux temps d'antan, quand les gens étaient vrais..!
Oui, certes des gens durs à la tâche et durs au mal, mais aussi âpres au gain, inquiets de la dot et convoiteurs d'héritages...

C'est que la France rurale du début du siècle dernier que nous dépeint Gaston Chérau, n'est pas celle des cartes postales et des jolis récits d'odeur des foins et des gaies filles de ferme aux joues rouges comme des pommes mûres.

Les "saletés" des uns et des autres, les bassesses, les arrangements avec et pour la morale, tout cela n'est pas toujours reluisant.

Chérau, auteur naturaliste avait un talent certain pour décrire gens et sentiments de son temps, ce receuil de nouvelles le prouve assez.

Encore une jolie réussite éditoriale de l'arbre Vengeur, un éditeur qui gagne à être connu !
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N°282 – Octobre 2007

LE MONSTRE – Gaston Chérau -Geste Editions.

C'est un récit peu connu d'un écrivain injustement oublié que je viens de lire.

Dire que Gaston Chérau est « le puisatier de l'âme » comme l'écrit excellemment le préfacier est une évidence qui ira se dévoilant tout au long de cette nouvelle comme d'ailleurs dans toute son oeuvre et dans toute cette carrière d'écrivain à laquelle il semblait voué de toute éternité.

L'auteur nous livre donc cette histoire pas si simple que cela, « avec recueillement... sans rechercher à expliquer les actes... sans essayer d'en tirer des enseignements ». Peut-être, mais il s'est fait ici, non pas tant le témoin d'un fait de société rurale d'un autre âge, mais, à mon sens, le narrateur plein de compassion devant une réaction inhumaine qui est pourtant le fait d'êtres humains. L'homme vivant en société est prompt à jeter l'anathème sur tout ce qui n'est pas normal, c'est à dire conforme à ce qui se fait, aux bonnes moeurs, à la morale, à la loi, à la bienséance. Cette assemblée a érigé des coutumes, mais aussi des non-dits, des hypocrisies, des tolérances... La vie en commun impose ses entraves à la liberté individuelle qui en génère une autre, plus collective et dont tout le monde profite: l'ordre social. Mais là, il ne s'agit pas de cela. C'est tout bonnement l'histoire d'un enfant, François, qui paie pour une faute qu'il n'a pas commise, qu'on a déclaré pour cela et pour cela seulement, exclu du groupe, et donc d'une certaine façon qu'on considère comme « maudit ». Devant cet oukase, il ne peut que s'incliner, se créer un monde à lui, solitaire. Les réactions grégaires font le reste. On y rajoute un peu de méchanceté, un peu de haine aveugle, un peu d'incompréhension et de volonté de chacun d'apporter sa pierre à cet édifice patiemment édifié et qu'il faudrait pourtant jeter à bas.

Cette lecture est pleine d'enseignements d'autant qu'elle est livrée telle quelle, sans commentaire. C'est une invitation, par delà les faits relatés, à observer autour de nous, car Gaston Chérau fut non seulement le peintre de la société de son temps, paysanne ou citadine, mais aussi celui de la condition humaine. Il s'agit ici d'évoquer le désarroi d'un être que tous rejettent sans qu'il lui soit jamais possible de racheter une faute qui n'est pas sienne et qui lui est constamment reprochée. Je choisis d'y voir l'image de la « tâche originelle » dont notre notre éducation judéo-chrétienne est si friande, une sorte de culpabilité qu'on ne comprend pas bien, mais dont on nous rebat constamment les oreilles, comme s'il convenait de nous faire admettre cela comme une évidence inhérente à notre condition d'homme et qui doit constamment demeurer présente à notre esprit, pour mieux asservir notre volonté. Chacun se croit obligé, par sa malveillance, de lui faire payer ce qu'il considère comme une tare. Toute sa vie, ce François sera relégué au second plan, comme s'il n'existait pas, ne trouvant d'amour que chez sa mère, elle-même mise à l'écart par les siens et qui poussera à l'extrême cet attachement pour son fils.

Il y a l'épisode de la mare, le refus de la mère, également victime, de se donner la mort, malgré la nouvelle malédiction qui pèse sur elle et qui n'est pas sans rappeler la première. Elle veut quand même, et malgré tout, rester en vie parce qu'elle est le seul rempart pour protéger son fils. François se met à sa recherche jusqu'au fond de ce cloaque parce qu'il est uni à elle non seulement par cet amour charnel qu'il ne peut connaître avec d'autres femmes mais aussi parce qu'ils partagent le même destin funeste.

J'observe aussi que ce François est mis au monde dans une étable, par une mère qui accouche seule, comme ce fut le cas pour le Christ. Je note aussi l'attitude du curé qui, certes n'a pu avaliser un avortement ou un infanticide, donne quand même au nouveau-né le sacrement de baptême, mais en catimini, comme si Dieu lui-même se mettait de la partie.

Et puis, il y a l'épilogue, la fuite, avec pour seule boussole le hasard, avec l'issue fatale qu'on suppose. Cette mort qui fait parti de la condition humaine revient souvent dans l'oeuvre de Gaston Chérau.

Y a-t-il quelque chose de Chérau dans cette nouvelle ? Indubitablement oui. Les relations difficiles qu'il a eues avec son père, le mal-être qui en est résulté, sa décision de devenir fonctionnaire des Contributions Directes et avec elle le départ de ce Poitou, alors qu'il était probablement destiné à reprendre la direction de l'industrie familiale, la figure de la mère aimante qui est ici célébrée...

Chérau est également un magnifique écrivain, un créateur talentueux qui, avec des mots simples mais choisis, évoque pour son lecteur, paysages et situations : La scène électrique de la grange par temps d'orage, l'odeur de la balle pendant les battages, l'accouchement solitaire aux petites heures de l'aube mais aussi la quiétude retrouvée qui baignait la ferme du Chebroux après le départ de ceux qu'on aurait voulu ne jamais avoir connus.

© Hervé GAUTIER - Octobre 2007.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Auteur d'une littérature du terroir, Gaston Chéreau affine cette veine jusqu'à en produire une variation agraire. Car, plus que de considérations régionalistes, c'est bien du monde paysan qu'il est question. Des femmes et des hommes du cru. L'auteur leur donne la parole, les met en scène dans tout ce qu'ils ont de plus rustique, de plus bourru, de plus authentique, de plus horrible. En effet, ces femmes et ces hommes n'en sont pas. Ce sont des monstres. Pas n'importe lesquels : des monstres ordinaires.

L'article complet sur Touchez mon blog, Monseigneur...
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
« En bon fermier, il savait bien que c’est d’être jolies qui perd les bergères. » (p. 195)
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« Il eut son sourire des jours de grande dispute, ne prononça pas un mot, ne poussa pas un soupir ; avait-il vraiment compris qu’elle était partie pour toujours ? » (p. 189)
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« Quand les femmes qui trompent leur mari se mettre à être gentilles, elles ne savent pas s’arrêter. Elles ont le diable si aimable ! » (p. 160)
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« Il possédait cette puissance des réprouvés dont on redoute les mauvais sorts et les caresses plus que les violences. » (p. 56)
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« Comme elle souhaitait la mort de cette Adeline, qui avait pris sa place à sa table, à son foyer, dans sa maison, chez elle. » (p. 97)
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