AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782262006549
529 pages
Perrin (01/04/1989)
5/5   3 notes
Résumé :
Perrin, 21*14 cm, 536 pages.
Que lire après Louis XVI. Tome 3 : L'otageVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
ISBN : 9782262006549

C'est le tome le plus dur, le tome de l'agonie qui commence. Une agonie lente que, croyant ou pas, on ne peut que rapprocher des fameuses "stations" du chemin de Croix accompli par le Christ. Louis XVI, on y pense trop rarement, mourut à l'âge de trente-huit ans, ce qui, même au dix-huitième siècle, n'était pas précisément un âge canonique ... Si certains pouvaient l'accuser - et l'accusent encore de nos jours - de ne pas avoir toujours vécu comme l'eût fait, par exemple, son irremplaçable aïeul de Roi-Soleil, il est indéniable qu'il mourut en roi, avec toute la dignité et le courage qui s'imposaient. Un seul sursaut devant l'échafaud, non pas provoqué par la vision de la lame de la Veuve mais par l'usage qui voulait que les bourreaux lui liassent les mains derrière le dos. L'intervention de l'abbé de Firmont, prêtre insermenté qui avait accepté de l'accompagner jusqu'au bout, lui rappelant les humiliations infligées au Christ, fit taire cette ultime révolte.

Reconnaissons-le sans nous voiler la face, nous qui le suivons depuis maintenant trois épais volumes : Louis, qui avait conscience de ne plus régner sur le temporel - la Constituante d'abord mais plus encore la terrible Convention, sans oublier, sous le couvert de ses "bonnes intentions", cet étourneau ambitieux et arriviste De La Fayette, l'avaient dépouillé de tous ses pouvoirs de souverain effectif - s'était tourné vers la seule issue qui restait à sa disposition : le spirituel. Certes, encouragé par des clercs désireux de se faire bien voir de l'Assemblée et du peuple, et espérant toujours - ah ! cet optimisme incurable qui allait le porter jusqu'à l'échafaud ! cette manie de croire que, puisqu'il était loyal, les autres l'étaient aussi ! - il approuva la Constitution civile du clergé mais sa signature n'avait pas eu le temps de sécher, qu'il avait compris son erreur. Cependant, ni Marat, du plus profond des souffrances qui lui brûlaient littéralement la peau et le rendaient à moitié fou ; ni Hébert, toujours tiré à quatre épingles mais infâme prosateur du "Père Duchesne" ; ni Danton, ce Mirabeau au petit pied qui ne connaissait que la grandeur des corruptions en tous genres ; ni Robespierre enfin, dont il convient de rappeler ici que, dans ses débuts, il était un ennemi acharné de la peine de mort, ne pouvaient arracher à Louis ce qui, chez lui, faisait l'homme. S'ils visaient à vaincre non le monarque - on ne saurait dire sans faire preuve de malhonnêteté, fût-ce du redoutable Saint-Just, qu'il haïssait Louis XVI en tant qu'ennemi personnel - mais la royauté que, même dans le donjon du Temple, le prince déchu continuait à symboliser, ils ne pouvaient abattre ce qu'ils auraient probablement appelé, faute de mieux, "le simple citoyen." Tous le savaient, tous le sentaient et, si l'on excepte Marat - que ses souffrances privaient de tout bon sens - Hébert - qui s'acharnera de la manière ignoble que l'on sait sur Marie-Antoinette - et quelques hyènes miteuses dont on a oublié les noms, toujours prêtes à se partager les dépouilles, ce serait mentir de prétendre que les Conventionnels ont jamais poursuivi ce but.

La question, bien sûr, prend une autre tournure lorsque l'on évoque Philippe-Egalité, ex-Philippe, duc d'Orléans, propre cousin de Louis XVI et père du futur Louis-Philippe Ier (lequel acceptera d'être non pas "roi de France" mais "roi des Français"). Comment ce descendant en droite ligne du frère de Louis XIV - dont la fidélité au Soleil ne connut aucune trahison - et du Régent - qui tint son rôle sans jamais chercher à spolier le jeune Louis XV - comment a-t-il pu voter la mort du Roi ? Certes, on perçoit bien l'arrière-pensée : "Si Louis meurt, le trône me reviendra tôt ou tard ou, à tout le moins, je deviendrai régent et, à partir de là ..." A la limite, on peut comprendre qu'il l'ait eue. Mais derrière le vote abominable, dénaturé de l'ancien duc d'Orléans - le seul Conventionnel qui, du propre aveu de Robespierre, se devait de voter contre la mort du Roi - on perçoit aussi une haine plus personnelle, une haine sans excuse parce que sans motif autre que l'envie la plus dégénérée.

Philippe dit "Egalité", de l'avis quasi général (aristocrates et révolutionnaires mêlés) ne brillait pas par son intelligence et les historiens les plus intègres, peu soucieux de déplaire à l'actuelle famille d'Orléans, insistent beaucoup sur sa mollesse et son bon caractère, comme si ceux-ci étaient des excuses à son intolérable lâcheté - laquelle ne lui épargna d'ailleurs pas l'échafaud. Quand on voit comment il traita son épouse et la déposséda de ses enfants pour les confier à sa maîtresse, Mme de Genlis, déjà, on peut avoir certains doutes sur l'"humanité" du personnage. Philippe pouvait bien sûr se montrer très généreux avec les dames qui lui plaisaient et les messieurs qui chantaient ses louanges, mais, pour notre part, on ne parviendra jamais à nous convaincre de son "sens de la famille." On le prétend par exemple "bon père" - mais il le fut "à éclipses" et ne se gêna guère pour élever ses enfants sinon dans la haine, en tous cas dans le mépris de leur mère. Que l'on pense ce qu'on veut de Marie-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, devenue duchesse de Chartres, puis duchesse d'Orléans et qui finit, dans son exil, par épouser morganatiquement l'ancien Conventionnel - non régicide - Rouzet, sa conduite d'épouse et de mère ne méritait pas pareille injustice qui la fit certainement beaucoup souffrir.

Quant à Louis XVI, quand on lui apprit le vote de son cousin, il répondit, avec son bon sens et sa noblesse naturelles : "Je suis en peine pour mon cousin, M. d'Orléans. Que lui ai-je donc fait pour qu'il me poursuive ainsi ? Mais pourquoi lui en vouloir ? Il est plus à plaindre que moi. Ma position est triste mais le fût-elle encore davantage, non certainement, je ne voudrais pas la changer avec lui."

Paroles de roi, dira-t-on. Paroles d'homme bon, peut-on ajouter et aussi, paroles d'homme lucide - et certainement pas paroles de mollasson et d'imbécile !

Mieux qu'un autre - tant d'historiens sont si "amoureux" de Marie-Antoinette qu'ils refusent de voir en celui qui fut son époux autre chose qu'un faible et un imbécile, aussi peu fait pour régner sur la France que l'eût été le mythique "Bon Sauvage" de Rousseau - Jean-François Chiappe a su, dans les deux volumes précédents, cerner au plus précis le caractère du roi, ne reculant pas devant certaines de ses contradictions. Dans ce troisième et dernier volet, si douloureux, si prenant, il peaufine son hommage à la mémoire d'un roi que l'Histoire de la République, pour des raisons politiques évidentes, se refusa si longtemps à connaître - de nos jours, les choses se sont un peu améliorées mais il reste encore beaucoup de travail à accomplir. Mais Chiappe double cet hommage, nécessaire parce que dicté par L Histoire, de celui qu'il rend en parallèle à l'homme, à l'époux, au père que fut aussi Louis de France, seizième du nom. La Révolution qui l'a sacrifié sur son autel n'a-t-elle pas été la première à déclarer que "tous les hommes sont égaux en droits" ? Eh ! bien, si c'est vrai, il est temps de rétablir Louis XVI avant tout dans sa dignité d'être humain. Bien sûr, il est comme vous, comme moi - comme nous et, après avoir lu cette trilogie, vous comprendrez combien cette simple phrase, s'il pouvait la lire, le comblerait de joie et d'émotion : c'est-à-dire qu'il a, lui aussi, ses petites bizarreries, ses coins de tristesse obscure et enfantine, ses timidités inexplicables, ses entêtements qui ne lui rendent pas toujours service, ses passions pour les nouveautés (la cartographie à son époque), ses détestations instinctives, ses enthousiasmes parfois naïfs, ses moments, rares mais francs, de mauvaise humeur et son droit indiscutable à l'erreur avec, parfois, le désir de tout laisser tomber et une tendance à déprimer parce que, autour de lui, on ne le comprend pas tandis que ceux qui auraient pu le faire sont morts depuis longtemps. Ces mille petites choses ajoutent à la vérité du personnage, à l'authenticité de cette figure aimable et bonhomme, à qui Saint-Simon, mi-grondeur, mi-indulgent, eût sans doute reproché (non sans raison) sa "débonnaireté", à ce roi dont la seule erreur fut de se montrer trop humain lorsque, alors qu'il devait à sa couronne de faire tirer sur le peuple, il refusa de voir couler pour lui le sang français. ;o)
Commenter  J’apprécie          70

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
[...] ... 22 novembre. Mgr Jérôme Champion de Cicé remet les Sceaux. Rien, au Roi, ne sera donc épargné, pas même l'abandon des clercs. Pourquoi ? Il a perdu son ascendant ; sous la magnifique enveloppe d'un cavalier de trente-cinq ans, il est devenu - s'en rend-il compte ? - un être prématurément vieilli par la douleur. On se répand en conjectures sur son mal. Atteint très jeune de phtisie, n'avait-il pas conjuré son mal à force d'exercices violents ? Lorsqu'on contemple ses portraits du moment, on est saisi par le contraste. Brun nous montre un être jeune, séduisant, aux yeux clairs. Carteaux nous présente une manière de Charles IV [= d'Espagne], aux joues affaissées, au regard éteint. Que Louis ait été poitrinaire ressortit à l'évidence, mais il semble bien qu'une alimentation saine, une activité physique l'aient tiré de ce mauvais pas. Serait-il rongé par une autre maladie ? Aucun rapport médical ne permet de l'affirmer. Quant à l'insuffisance glandulaire souvent évoquée, elle ne transparaît qu'à travers deux ou trois tableaux relevant de la caricature. Une autre question se pose. Le Roi ne serait-il pas atteint d'une tumeur maligne ? Elle n'expliquerait point pourquoi ce prince sobre et peu gourmet éprouve le fréquent besoin de croquer dans une miche ou de boire un verre d'eau, ou plus rarement de vin. Assurément, la maladie empire, n'embrume jamais l'esprit mais paralyse quelquefois les réflexes. Marie-Antoinette, l'évaporée d'autrefois, s'est muée en une princesse, faillible sans doute mais dotée d'une exceptionnelle intuition. De tout son coeur, de toute son âme, elle aide son mari. En l'épousant, ne s'est-elle point mariée avec la France ? Il n'écrit plus beaucoup ; prisonnier de son goût pour la perfection, il se défie de la plume. Elle, au contraire, appelle à l'aide sur tous les tons. Pour lui, le doute est intervenu dès 1787, et la catastrophe en 1789. Pour elle, il en va différemment. Alors qu'il croit possible une reconquête effectuée pas à pas, elle considère comme exclue une remontée progressive. Par malheur, elle ne trouve que peu d'alliés. A Paris, elle entretient des rapports courtois avec Monsieur [= le comte de Provence, futur Louis XVIII] sans oublier qu'hier encore il se répandait en calomnies sur la légitimité des enfants royaux. De l'Emigration, elle n'attend rien, mésestimant, à tort, les talents de Condé [= prince du sang et cousin de Louis], ne prenant pas au sérieux le comte d'Artois [= futur Charles X]. Sur ce point, elle est en désaccord avec Madame Elisabeth [= soeur du roi et, partant, de Provence et d'Artois. Elle avait un faible pour ce dernier.] Cette sainte s'en remettrait volontiers à ce gracieux démon, et, dès qu'elle parle de Galaor, Marie-Antoinette se fâche. Cela donne lieu quelquefois à des scènes odieuses. L'une comme l'autre confesseront : "Notre vie est un enfer." Que penser des ministres ? La Reine, longtemps protectrice de Necker, sans aveuglement sur le gros bonhomme mais par nécessité, n'accorde aucun crédit aux débris de son équipe non plus qu'à ses remplaçants. Hors M. de Fleurieu, qu'elle acceptera bientôt comme gouverneur du Dauphin, elle ne s'entretient qu'avec "le petit Montmorin" qu'elle juge trop flexible. Elle se heurtait à La Tour du Pin, à propos de menues faveurs, ignorait la qualité de La Luzerne. Admettant le dévouement de Saint-Priest, elle apprécie médiocrement les airs qu'il adopte lorsqu'il évoque M. de Fersen. Connaît-elle des nuits chaudes auprès de ce gentilhomme venu du Nord ? A Versailles, c'était impossible, aux Tuileries, c'eût été fort risqué. A Saint-Cloud, peut-être ... La science - puisque, dit-on, l'Histoire en est une - doit-elle conduire à l'indiscrétion ? Que Marie-Antoinette ait suscité un culte de la part de Hans-Axel ne présente aucun doute. Qu'elle ait éprouvé pour ce seigneur un sentiment allant au-delà de l'amitié ne se discute pas. Que sa rayonnante beauté, sa grâce aient profondément ému ce coureur de jupons ... Bien sûr, MM. de Coigny, de Besenval, de Lauzun, sans oublier [le futur Conventionnel] Alexandre de Lameth, s'étaient trouvés dans le même cas. Voir la Reine, c'était l'aimer et, pour certains, l'aimer à en perdre la raison ... A l'exception de Fersen et de Mercy [= ambassadeur d'Autriche], de quelques fidèles tel Reynier de Jarjaye, elle ne peut guère se confier. Tenant pour considérable l'ascendant de Mirabeau, elle n'en est pas moins souvent fortement déçue par le comportement équivoque d'un personnage dont les discours apparaissent trop souvent en contradiction avec les notes, tantôt lumineuses, tantôt irréalistes, qu'il adresse aux Tuileries. ... [...]
Commenter  J’apprécie          10
[...] ... Aussitôt qu'il est descendu [de voiture], les aides [du bourreau] veulent s'emparer de ses vêtements, il les repousse, quitte lui-même son habit, ouvre le col de sa chemise et, pour dégager le cou, la rabat sur ses épaules. Lorsque les bourreaux tentent de lui saisir les mains, il les retire, non sans vivacité :

- "Que prétendez-vous ?

- Vous lier.

- Me lier. Non, je n'y consentirai jamais. Faites ce qui vous est commandé mais vous ne me lierez pas."

Les bourreaux vont-ils réclamer de l'aide ? Un atroce pugilat s'ensuivra-t-il ? Louis XVI jette vers M. de Firmont [= son confesseur, insermenté bien sûr] un regard interrogateur. Alors, le prêtre trouve les seules paroles possibles pour apaiser son pénitent :

- "Sire, je vous en ce nouvel outrage un dernier trait de ressemblance entre Votre Majesté et le Dieu qui va être sa récompense."

Louis XVI aquiesce.

- "Assurément, il faut Son exemple pour que je me soumette à pareil affront."

Et à ses tourmenteurs :

- "Faites ce que vous voudrez, je boirai le calice jusqu'à la lie."

Les mains attachées dans le dos, il se laisse sommairement couper les cheveux, qu'il porte courts sous la perruque, puis, appuyé sur M. de Firmont, commence à grimper le roide escalier de Sanson. C'est pour un homme de sa taille et de son poids extrêmement malaisé. Un instant, on croit qu'il va faiblir. Cela tient seulement à la difficulté de se maintenir en équilibre. Dès qu'il parvient au faîte, "il s'arrache pour ainsi dire" à ses bourreaux et traverse d'un pas souverain la plate-forme dans toute sa largeur. D'un signe, il arrête les tambours et, d'une voix tonnante "qu'on entendit jusqu'au pont-tournant", il s'écrie :

- "Peuple, je meurs innocent de tous les crimes qu'on m'impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France ..."

Il va poursuivre. Des soldats pleurent. Le général Berruyer, et non pas son adjoint, Beaufranchez d'Ayat, fils de Morphise, ancienne maîtresse de Louis XV [= Louise O'Murphy, dite Morphise, dont le fils illégitime se trouvait donc être l'oncle "pour moitié" de Louis XVI] fait reprendre les tambours. Sanson demeure sans initiative. Son fils et son premier valet s'activent, bouclent les sangles. On entend "un cri affreux" [= le cou du Roi était trop fort pour la "lucarne" de la guillotine. On peut penser qu'il mourut à la fois étouffé et guillotiné, la lame tombant non sur le cou mais sur la mâchoire.] Le couperet tombe. Il est dix-heures vingt-deux minutes. ... [...]
Commenter  J’apprécie          10
[...] ... 22 novembre. Mgr Jérôme Champion de Cicé remet les Sceaux. Rien, au Roi, ne sera donc épargné, pas même l'abandon des clercs. Pourquoi ? Il a perdu son ascendant ; sous la magnifique enveloppe d'un cavalier de trente-cinq ans, il est devenu - s'en rend-il compte ? - un être prématurément vieilli par la douleur. On se répand en conjectures sur son mal. Atteint très jeune de phtisie, n'avait-il pas conjuré son mal à force d'exercices violents ? Lorsqu'on contemple ses portraits du moment, on est saisi par le contraste. Brun nous montre un être jeune, séduisant, aux yeux clairs. Carteaux nous présente une manière de Charles IV [= d'Espagne], aux joues affaissées, au regard éteint. Que Louis ait été poitrinaire ressortit à l'évidence, mais il semble bien qu'une alimentation saine, une activité physique l'aient tiré de ce mauvais pas. Serait-il rongé par une autre maladie ? Aucun rapport médical ne permet de l'affirmer. Quant à l'insuffisance glandulaire souvent évoquée, elle ne transparaît qu'à travers deux ou trois tableaux relevant de la caricature. Une autre question se pose. Le Roi ne serait-il pas atteint d'une tumeur maligne ? Elle n'expliquerait point pourquoi ce prince sobre et peu gourmet éprouve le fréquent besoin de croquer dans une miche ou de boire un verre d'eau, ou plus rarement de vin. Assurément, la maladie empire, n'embrume jamais l'esprit mais paralyse quelquefois les réflexes. Marie-Antoinette, l'évaporée d'autrefois, s'est muée en une princesse, faillible sans doute mais dotée d'une exceptionnelle intuition. De tout son coeur, de toute son âme, elle aide son mari. En l'épousant, ne s'est-elle point mariée avec la France ? Il n'écrit plus beaucoup ; prisonnier de son goût pour la perfection, il se défie de la plume. Elle, au contraire, appelle à l'aide sur tous les tons. Pour lui, le doute est intervenu dès 1787, et la catastrophe en 1789. Pour elle, il en va différemment. Alors qu'il croit possible une reconquête effectuée pas à pas, elle considère comme exclue une remontée progressive. Par malheur, elle ne trouve que peu d'alliés. A Paris, elle entretient des rapports courtois avec Monsieur [= le comte de Provence, futur Louis XVIII] sans oublier qu'hier encore il se répandait en calomnies sur la légitimité des enfants royaux. De l'Emigration, elle n'attend rien, mésestimant, à tort, les talents de Condé [= prince du sang et cousin de Louis], ne prenant pas au sérieux le comte d'Artois [= futur Charles X]. Sur ce point, elle est en désaccord avec Madame Elisabeth [= soeur du roi et, partant, de Provence et d'Artois. Elle avait un faible pour ce dernier.] Cette sainte s'en remettrait volontiers à ce gracieux démon, et, dès qu'elle parle de Galaor, Marie-Antoinette se fâche. Cela donne lieu quelquefois à des scènes odieuses. L'une comme l'autre confesseront : "Notre vie est un enfer." Que penser des ministres ? La Reine, longtemps protectrice de Necker, sans aveuglement sur le gros bonhomme mais par nécessité, n'accorde aucun crédit aux débris de son équipe non plus qu'à ses remplaçants. Hors M. de Fleurieu, qu'elle acceptera bientôt comme gouverneur du Dauphin, elle ne s'entretient qu'avec "le petit Montmorin" qu'elle juge trop flexible. Elle se heurtait à La Tour du Pin, à propos de menues faveurs, ignorait la qualité de La Luzerne. Admettant le dévouement de Saint-Priest, elle apprécie médiocrement les airs qu'il adopte lorsqu'il évoque M. de Fersen. Connaît-elle des nuits chaudes auprès de ce gentilhomme venu du Nord ? A Versailles, c'était impossible, aux Tuileries, c'eût été fort risqué. A Saint-Cloud, peut-être ... La science - puisque, dit-on, l'Histoire en est une - doit-elle conduire à l'indiscrétion ? Que Marie-Antoinette ait suscité un culte de la part de Hans-Axel ne présente aucun doute. Qu'elle ait éprouvé pour ce seigneur un sentiment allant au-delà de l'amitié ne se discute pas. Que sa rayonnante beauté, sa grâce aient profondément ému ce coureur de jupons ... Bien sûr, MM. de Coigny, de Besenval, de Lauzun, sans oublier [le futur Conventionnel] Alexandre de Lameth, s'étaient trouvés dans le même cas. Voir la Reine, c'était l'aimer et, pour certains, l'aimer à en perdre la raison ... A l'exception de Fersen et de Mercy [= ambassadeur d'Autriche], de quelques fidèles tel Reynier de Jarjaye, elle ne peut guère se confier. Tenant pour considérable l'ascendant de Mirabeau, elle n'en est pas moins souvent fortement déçue par le comportement équivoque d'un personnage dont les discours apparaissent trop souvent en contradiction avec les notes, tantôt lumineuses, tantôt irréalistes, qu'il adresse aux Tuileries. ... [...]
Commenter  J’apprécie          00

Video de Jean-François Chiappe (3) Voir plusAjouter une vidéo

L'Enlèvement des Sabines
Suite à la diffusion du film "L'enlèvement des Sabines" de Richard POTTIER, Joseph PASTEUR reçoit les historiens Claude NICOLET, Raymond BLOCH, Gilbert Charles PICARD et Jean François CHIAPPE pour débattre de la part imaginaire ou réelle des origines de Rome.
autres livres classés : mort du roiVoir plus


Lecteurs (9) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3193 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}