Petite découverte lors d'une flânerie dans les dédales d'une grande librairie franchisée, le titre
Kim Jiyoung, née en 1982 m'accroche, comme la première de couverte avec le visage de cette héroïne, puis je lis la quatrième de couverture, m'ouvrant encore l'appétit vorace de lire ce roman coréen, je découvre cette littérature asiatique, encore inconnue, j'ai un faible pour la littérature japonaise, j'ai lu différents auteurs comme
Murakami Ryû,
Akiyuki Nosaka,
Yasunari Kawabata,
Yukio Mishima puis plus moderne comme
Kyoichi Katayama et Yoschida shuichi, j'apprécie cette littérature toute en sensibilité, poésie et cette dualité entre le traditionnel et la modernité. Étant scénariste pour la télévision, Cho Nam-joo écrit son premier roman en deux mois, s'inspirant de ces auteures favorites comme l'américaine
Rebecca Solnit, puis principalement de sa propre vie, laissant une part d'autobiographie dans ce livre qui narre la femme à travers une Corée perdue dans des traditions, laissant la primauté aux hommes, celle-ci arpente sa vie comme si elle devait vénérer l'homme et le chérir, devenant esclave dès l'enfance à leur faveur, se sacrifiant pour lui payer leurs études, Ce roman est un miroir de la gent féminine actuelle dans un pays en mutation, se détachant de l'oligarchie masculine, l'auteure a dû arrêter son travail après la naissance de son enfant, comme beaucoup de femme coréenne. Ce roman fut un bouleversement pour le pays Coréen, même le gouvernement aura le mérite de faire une loi en faveur des femmes de Séoul, augmentant le budget pour la garde d'enfants.
Le roman est divisé en six parties, représentant la vie de Kim Jiyoung à travers différentes périodes de sa vie, la première se déroule en automne 2015, présentant la famille de cette femme de 35 ans qui semble avoir un souci de personnalité, elle devient sa mère, sa voix et sa physionomie se métamorphosent comme une possession, son mari pense à une dépression. Puis s'ensuit sa vie, de son enfance à l'année 2016, une histoire qui racontée dans un style indirect.
Le style prosaïque est assez déconcertant, la première partie est assez froide, presque chirurgicale, pas d'émotion, la narration est épurée, les décors n'existent pas, il y a comme une absence de vie, juste des faits et des liens présentés, l'atmosphère Coréenne suinte de ce début du roman, j'ai été surpris par le style, assez déconcerté, et ce détachement des personnages, nous sommes presque des spectateurs malgré nous de cette famille, comme si nous avions une tierce personne qui nous raconte la vie de cette famille et de cette jeune coréenne Kim Jiyoung. La suite me semble plus captivant, nous suivons les pérégrinations d'une coréenne prise dans le caractère étouffé de son être, peu de charisme, de caractère assez neutre, d'une banalité trouble, étant la canette d'une famille de trois enfants, une soeur ainée et un petit frère, le benjamin, Kim Jiyoung semble être étouffée par son statut familiale, sa vie coule dans une normalité abyssale, elle suit le mouvement que suit son pays , vers une émancipation des femmes, pour éviter le parcours de sa mère, d'aller très vite travailler dans une usine afin de participer au financement des études de ces frères, à cette époque , le rôle de la femme est subalterne, elle s'efface face à la domination des hommes, dans la famille, dans le travail, dans la vie en générale.
Il y a une étude profonde qui juxtapose la vie de Kim Jiyoung dans ce roman, tel un exposé qui s'y cache, avec des chiffres, pour authentifier encore plus ce livre comme un essai anthropologie de la femme coréenne au cours de ces 40 ans, le parcours de notre héroïne permet de comprendre la progression de la libération des femmes et de cette mixité entre les deux sexes pour une égalité qui semble peiner à s'instaurer. A travers Kim Jiyoung, c'est la femme qui en est l'héroïne, celle qui dans le passé fut la faiblesse, la prisonnière, la dépendante, la vulnérabilité, la génitrice, la femme au foyer, privée de décision, cantonnée à des rôles subalternes, la péché originel, et j'en passe, la femme était inférieur à l'homme et devait lui obéir. Petit à petit Kim Jiyoung prend de la profondeur, ayant toujours les larmes faciles, son accouchement reste un passage de souffrance, court et précis dans cette douleur qui submerge notre future maman, la comparaison avec un Lego est subtilement souriante, « Alors que la douleur était terrible – comme si on attrapait les jambes d'une figurine de Lego d'une main et le corps de l'autre pour la démonter en tournant les deux parties en sens opposé. »
Les souvenirs de Kim Jiyoung laisse un gout amer sur la vie des femmes en Corée, dès son enfance, elle est confronté, à la suprématie masculine avec la naissance de petit frère, tout gravite autour de lui, de prime abord politiquement la natalité Coréenne privilégie les garçons, instaurant IVG légale des foetus féminin, « Comme si avoir une fille constituait une raison médicale, l'avortement des foetus filles était pratiqué de façon massive. », sa mére avortant de sa troisième grossesse, « Sa mère est allée toute seule à la clinique et a fait « effacer » la petite soeur de Kim Jiyoung », ce n'était pas un choix mais plutôt sa responsabilité, à table les garçons sont servis en premier, comme à la cantine, le passage est fort amusant, lors de la révolte de certaines filles contre le système de numérotation pour aller manger et du peu de temps pour manger, la Corée est un pays avec une rigueur connue, comme la plupart des pays asiatiques, les délégués sont souvent des garçons, mais petit à petit, les filles progressent et beaucoup deviennent à leur tour déléguées, au travail, les postes à responsabilité sont souvent pour les hommes, ils sont privilégiés, même lors des embauches, la femme a cette maladie incurable d'enfanter, j'ironise surement mais la réalité est cruelle, avoir un enfant dans un pays comme la Corée pour une femme est un dure labeur comme le dit la mère de Kim Jiyoung « ce fut un enfer. », Kim Jiyoung réalise la tromperie d'avoir un enfant et cette fausse réalité de la beauté de la mère et de son enfant et de la douleur pour accoucher. La scène du bus, avec le jeune garçon qui l'aborde, la suit, cette peur qui anime la jeune fille , désarmais, elle sera aidé par une femme du bus, puis son père viendra la chercher , lui disant sa faute éventuelle, la femme reste la source du danger, l'homme subit les signes sournois de la femme, des signes trompeurs pour l'homme, oh cette pratique semble être celle de la religion musulmane et du port du voile, voir le Coran S24:v31, la Corée a cette pudeur culturelle de laisser l'homme agir de son pouvoir de domination sur les femmes, le père a cette phrase si blessante pour sa fille, qui encourage la perversité masculine à agir, la France bascule petit à petit dans ces codes ! « La faute était du côté de celle qui n'avait pas su percevoir le danger ni l'éviter. ». Même au travail, Kim Jiyoung a son arrivé, sans qu'on lui demande, apporte le café, prend les commandes pour les repas, débarrasse la table, elle devient la petite bonne à tout faire, cette pratique lui semble naturel
le, la condition de la femme lui pèse naturellement, c'est sa cheffe qui lui demandera d'arrêter cette pratique asservissante, lui rappelant que les hommes nouvellement embauchés ne le faisait pas. le chef de famille auprès de l'état civil, ce système patriarcal était archaïque, l'homme l'était obligatoirement, cette loi fût abolie dans en février 2002, étant anticonstitutionnel et enfreignant le principe d'égalité des sexes, le nom de famille de l'enfant pouvait alors être celui de la femme ou des deux. Les règles pour une fille est un passage difficile, pour Kim Jiyoung aussi, « Un secret encombrant, douloureux et, on ne sait pourquoi, vaguement honteux. », sa mère sera une nature morte inerte à sa fille, la douleur est là, peu de choses pour faire disparaitre ce mal, l'auteure aura cette réflexion si amusante et pleine de bon sens aussi sur la médicamentions des règles, « il n'existe pas un seul traitement pour la douleur des règles, c'est dément. Ils croient que c'est la catastrophe si un soin concerne l'utérus. C'est quoi le problème, c'est un territoire sacré, ou quoi ? ».
Le roman est court, plus de 160 pages, le style est assez froid, j'ai trouvé un seul passage sur la nature qui les environne, un rêve de Kim Jiyoung, du radis géant de ce conte pour enfant qu'elle avait entendu enfant, les souvenirs présentés sont humains, sociétaux, relationnels et familiaux, la dernière me dérange beaucoup, elle ne représente rien au roman , au contraire, il perd de sa valeur, la narrateur est un homme, qui finira par cette phrase masculine et rétrograde, « Je prendrai une célibataire pour la remplacer. » , la femme qui enfante a encore beaucoup de soucis à se faire dans cette Corée d'hommes, le travail n'est pas compatible avec une Mère, va-t-on un jour demander à une femme de ligaturer ses trompes pour qu'elle puisse travailler, le monde est fou ! Regardons notre société avec le passe Sanitaire.
Le roman est un peu lassant, peu de liberté dans l'émotion, certaines scènes sont fortes , l'écriture est âpre, peu de liberté prosaïque, je me suis un peu perdu dans une lassitude, celle de l'héroïne, toujours en retrait, se laissant porté par le fil du temps, ayant cette chance d'avoir pu réaliser ces études, de travailler pour s'y épanouir, préférant ces amis collègues que ceux d'enfance, le travail aura permis à cette femme de trouver un équilibre et d'avoir cette sérénité sociétale, la brisure d'avoir cet enfant sera la chute de cette femme psychologiquement, devant consulter et prendre des antidépresseurs et des somnifères, le travail était le refuge de cette femme, enfanter devient sa prison.