Il aimait la forêt. Né au centre de ce monde végétal, il en avait toujours respiré les essences mêlées. Leur âpre senteur chargeait sa poitrine d’un souffle exceptionnel et il pensait souvent qu’il lui devait son corps souple et robuste et l’équilibre de sa saine nature.
C’était un silencieux qui n’aimait guère se perdre en discours oiseux. Mais, tout ce qui touchait à ses bois l’intéressait de façon profonde. Il trouvait, pour parler d’eux, des accents chaleureux et lui, si souvent taciturne, devenait loquace.
Certes, beaucoup d’espoirs lui étaient permis. Ce premier élevage se révélait heureux, mais il n’ignorait pas que de nombreux facteurs aux conséquences désastreuses pouvaient intervenir subitement et, bien qu’il eût eu la prudence de ne pas engager tous ses fonds sur les premiers essais, il savait aussi qu’il n’hésiterait pas à avoir recours à ce qui lui restait d’argent liquide si des impondérables venaient à surgir. Il était dans l’engrenage et déjà prisonnier de sa passion d’éleveur.
Après tout, grâce à son geste, deux êtres vivaient désormais dans la tranquillité matérielle. Quant à lui, ayant accompli ce qu’on lui avait demandé de faire, il n’avait plus, maintenant, qu’à jouir en paix des avantages qu’il possédait. La vie s’offrait, large et facile. L’homme qu’il était aujourd’hui n’avait plus rien de commun avec le personnage famélique qui hantait les antichambres des bureaux de placement new-yorkais. Il était riche et libre, oui… libre !
Tout n’était pas rose dans ce métier d’éleveur. Il fallait beaucoup payer de sa personne, mais cela n’était pas pour lui déplaire. Cette vie au grand air, large et saine, était celle qu’il avait toujours souhaitée. Et, comme il arrive souvent lorsqu’un rêve longtemps caressé devient enfin réalité, il connaissait un état d’euphorie voisin de la béatitude. Oui, vraiment, il était heureux, pleinement heureux.
Le cœur ne se donne pas sur commande.