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sur 191 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La part du fils est pour moi un roman magnifique de Jean-Luc Coatalem, éblouissant, douloureux aussi. Forcément émouvant parce que cela a aussi réveillé des pans de mon histoire familiale...
Nous sommes sous le régime de Vichy. Début septembre 1943, Paol, un ex-officier colonial, est arrêté par la Gestapo dans un village du Finistère. Motif : "inconnu”. Il semble avoir été dénoncé. Il sera conduit à la prison de Brest, la prison de Pontaniou, puis ce sera l'engrenage vers les camps nazis, en France et en Allemagne, Buchenwald, Dora, puis Bergen-Belsem. Rien ne pourra l'en faire revenir. Il mourra là-bas. De cela, un silence pèsera longtemps sur la famille...
Ce livre ressemble à une sorte d'enquête sur l'histoire du grand-père de l'auteur, Paol.
L'auteur revient sur les pas de ce grand-père qu'il n'a pas connu.
Le narrateur du livre est bien l'auteur, il pèse ici un silence qui cache une douleur transmise d'une génération à une autre, sans que rien ne puisse la soulager. Pierre, fils cadet de Paol et père de l'auteur, demeure muré dans le silence.
Jean-Luc Coatalem nous délivre ce roman avec une immense générosité. Oui c'est bien un roman et non une autobiographie, car l'auteur invente parfois, trébuchant sur les silences, les vides d'une histoire qu'il tente de reconstruire à rebours. Qu'importe si cela l'aide à mieux revenir à son grand-père, aux siens...
Dans cette part du fils, je me suis demandé au travers de cette histoire, qui était le fils et quelle était sa part : Pierre, fils de Paol ou bien Jean-Luc, fils de Pierre.
La part du fils, c'est sans doute la part que le père de l'auteur n'a pas tenue, ce que son père n'a pas fait pour chercher à comprendre... Mais Pierre fut aussi un jour un enfant et attendit impatiemment le retour de son père avec l'attente de cet enfant qu'on imagine... Je suis persuadé que, de cette souffrance muette, il s'est ensuite enfermé dans un silence proche du détachement...
Forcément, habitant le Finistère depuis ma plus tendre enfance, ce livre était fait pour me happer. J'y ai reconnu tous les lieux qui sont cités. Cela ne suffisait pas bien entendu pour m'en faire un coup de coeur. Le coup de coeur est venu dans sa lecture et les choses qui sont venues après, ce retour d'une lecture comme le ressac de la mer, quelque chose qui vous ébranle un peu après... L'histoire de ma famille, aussi...
Ce roman éveille et visite des lieux que je connais presque par coeur. La presqu'île de Crozon et son splendide littoral, Plomodiern, la mer d'Iroise, le goulet, mais aussi la ville de Brest et l'ancienne prison de Pontaniou évoquée dans ce récit... Je connais et j'adore cette ville, pour y avoir vécu mon existence d'étudiant. Habitant à quelques encablures, de l'autre côté de la rade, un pont me sépare d'elle. Je m'y rend encore presque tous les jours. L'auteur la décrit comme je voudrais qu'on en parle. Oui c'est vrai, cette ville est franchement laide, les façades des immeubles sont grises, hideuses, il se dégage une reconstruction un peu à la façon stalinienne, comme on le disait à l'époque. Et pourtant, et peut-être pour toutes ces raisons aussi, cette ville cache une âme secrète. Chaque pas dans ses rues me fait dire que cette ville d'allure froide et humide recèle des endroits infiniment généreux.
La part du fils, c'est tenter de tourner les pages d'un album de famille, c'est effleurer des existences, des visages, des émotions. C'est remuer la poussière du temps.
Savoir pourquoi... Savoir qui... Les recherches du narrateur sont vaines au début.
C'est un travail de mémoire. C'est son héritage. Cette histoire, l'auteur en devient peu à peu le gardien et le passeur.
C'est aussi le sentiment d'un malaise qui étreint l'auteur et nous étreint aussi. Parce que son père ne veut pas s'en remettre à ce devoir de mémoire, ne comprend pas son fils qui cherche à savoir, à comprendre... L'auteur se heurte au silence de sa famille. C'est un sentiment douloureux.
Les fantômes du passé reviennent avec le vent du large, le ressac de la mer. La mer d'Iroise et son encre étale, entre chien et loup. les voix de Michèle Morgan et de Jean Gabin, venus ici tourner le film Remorques au début de la guerre, effleurent le bord des pages.
Brest, ville détruite d'où a surgi plus tard la vie, d'autres vies. Je me souviens que mon père, résistant, était présent sous les bombardements américains qui ont détruit la ville. Il s'est tu, n'a jamais voulu me raconter ce qu'il a vécu...
Brest, les rues mouillées de pluie et de mélancolie. Brest, lorsqu'on y parvient en train c'est le terminus, le bout du monde. Pour l'auteur, c'est une forme de terminus intime lorsqu'il revient sur les pas de son enfance...
Brest, ville terminus, j'imagine ce train en 1943 qui partit d'ici, traversa la France, traversa la nuit, les nuits, avec ses wagons plombés, jusqu'au camp de Bergen-Belsem où mourut Paol.
Je vais souvent dans ce quartier de Brest ou fut enfermé le grand-père de l'auteur, puisque la nouvelle médiathèque est à deux pas de là construite dans les anciens ateliers de la Navale ; c'est ici que je vais chercher parfois les livres dont j'aime à vous parler. Je longe la rue au-dessous de l'ancienne prison de Pontaniou et de ses façades lépreuses. Sur le mur de la rue il y a cette plaque commémorative « Ce lieu fut le dernier séjour après tant de souffrance d'hommes entraînés par la guerre vers leurs tragique destin. »
J'ai du mal à imaginer que Brest que j'aime fut l'antichambre de l'horreur et de la mort.
La part du fils, c'est aussi pour moi la part d'une sœur, l'une de mes sœurs, ma sœur ainée... La part de cette sœur dont j'ai reconnu dans ce récit une part de son histoire, celle d'où elle vient, sa naissance, en quelque sorte... Elle est née d'une histoire d'amour entre ma mère et un jeune résistant, qui malheureusement fut fusillé par la Gestapo trois jours avant sa naissance... Lui aussi avait été dénoncé comme deux autres de ses camarades... Ma mère se maria en 1947 avec celui qui devint mon père. Ma sœur appris brutalement cette histoire à l'âge de onze ans. Elle porta cela comme un fardeau... Nous autres l'apprîmes bien plus tard...
Ma mère s'était murée depuis longtemps dans le présent, ignorant ce passé qui pourtant lui avait fait connaître son premier amour. Elle est décédée il y a deux ans et ma sœur ainée, à son grand désespoir, jusqu'à l'ultime moment de son existence, jusqu'à son lit de mort, n'a jamais pu faire s'exprimer avec intimité notre mère sur cette épisode de sa vie... Ma sœur, tout comme l'auteur, a dû faire sa propre enquête toute seule, au prix de larmes et de joies...
Les guerres sont cruelles, tuant des gens sur place et continuant de détruire plus tard des familles, avec les secrets immenses, souterrains, creusant des zones telluriques à venir...
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Jean-Luc Coatalem a pris à bras le corps cette histoire douloureuse qu'il raconte à la fois pour lui et pour sa famille. Cette histoire, c'est celle de son grand-père paternel qu'il n'a jamais connu, car mort en déportation. Une chape de silence a recouvert le destin de cet homme dont on refuse de parler dans la famille. La douleur est toujours là, tapie dans le souvenir et le vide creusés par l'absence d'un père pour ses deux fils et d'un époux pour la grand-mère de l'auteur.
Mêlant ses propres souvenirs de vacances en Bretagne, berceau de la famille Coatalem, l'auteur revient sur les traces de ce passé étouffé. Il cherche à comprendre la sidération et la souffrance provoqués par l'arrestation sur dénonciation, puis la déportation et la mort de Paol.

Rassemblant des bribes de l'histoire, il va remonter les traces de l'aïeul, cheminer à ses côtés pour tenter de comprendre. « Longtemps je ne sus quasiment rien de lui, hormis ces quelques bribes arrachées, ces miettes »
Né en 1894, Paol va connaitre l'enfer de 14-18. Officier de réserve, il partira deux ans en Indochine, laissant femme et enfants à Brest. Puis, en 1943, il est arrêté sur dénonciation et jeté dans les geôles de la Gestapo. Ensuite, après la prison à Brest, le camp de triage à Compiègne, suivra la déportation vers les camps de Buchenwald, Dora et Bergen Belsen.
Ce livre d'un destin fracassé, l'auteur le porte en lui depuis longtemps. Il va entreprendre un long travail de recherche et de documentation, chercher des témoins, afin de retracer le parcours de Paol. Son père Pierre ne comprend pas cette obstination, et la souffrance de la disparition d'un père est encore là, à fleur de peau.
Malgré la difficulté de l'entreprise, Jean-Luc Coatalem poursuit sa quête, allant même visiter ces lieux de mémoire que sont les camps, en particulier Dora. Creusé dans la montagne, Dora abritait l'usine de fabrication des V2. Les prisonniers, qui vivaient sous terre nuit et jour, travaillaient à creuser des galeries dans des conditions inhumaines. Rares ont été les survivants.
Au-delà du travail de recherche, la beauté du roman tient à cette approche imaginée de la vie de Paol, tous ces manques que le petit fils tente de combler d'une plume vibrante et sensible. Partant de quelques photos retrouvées, il remaille les trous de l'histoire et nous offre un récit troublant.
Je me suis laissée embarquée, à la fois par l'écriture, poétique, évocatrice, et par le récit émouvant.


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L'auteur raconte l'histoire de son grand-père, disparu dans un camp de concentration nazi.
En incessants aller-retours, il remonte le temps, il passe de la grande boucherie que fut la guerre de 1914-1918, décrite en phrases percutantes, à l'arrestation de Paol, puis suivent une description de l'atmosphère brestoise et une visite en Indochine à l'époque de la colonisation française.
Après quelques pages, ces sauts dans le temps et dans l'espace ne m'ont pas dérangée.
Nous suivons aussi Jean-Luc Coatalem dans ses recherches auprès des archives départementales de Quimper, puis dans la campagne bretonne et jusqu'en Allemagne, à Buchewald, Dora et Bergen-Belsen où son aïeul a terminé sa vie.
Cette quête est pour lui l'occasion de mettre à jour les non-dits dans sa famille, de comprendre pourquoi il en savait si peu et de découvrir enfin son nom sur des registres et des monuments. La grande Histoire est bien présente, celles de toutes les guerres françaises du XXème siècle, y compris la guerre d'Algérie qui a vu la brouille entre son père et son oncle se concrétiser.
Ce livre est écrit pour partie pour son père, qui refusait d'en parler.
La visite des camps est poignante, l'auteur ne pouvant même rester dans le tunnel construit pour abriter les missiles de von Braun (futur concepteur de la fusée qui se posera la première sur la lune) et dans lequel travaillait son grand-père. On voit là encore que l'être humain est capable du pire comme du meilleur.
C'est un livre d'introspection (et si...), il est moyennement épais (quelques 260 pages) mais chacun des chapitres est riche de réflexion, d'interrogations et d'évocation d'ambiances et de paysages. D'ailleurs, j'avais apprécié d'autres romans de cet auteur, tel celui sur Gauguin, qui tous se référent plus ou moins à son histoire familiale.
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De la Bretagne à la Grande-Bretagne, d'un continent, d'un océan à un autre, d'une île à une autre, d'un département à un autre, de la petite histoire à la grande Histoire, d'une époque à une autre, d'un conflit à une autre guerre, d'une génération à l'autre, d'une génération sur l'autre, J.L.C. nous embarque dans son récit, son histoire, son drame, à vif, qu'il ira chercher parmi les ombres. C'est un lourd et immense dossier qu'il nous dévoile, qui se construit sous nos yeux et qui, nous happe.
Il se glisse effectivement parmi les ombres, et avec talent. Il part sur les traces de son grand-père, « un inconnu familier, disparu trop tôt et mal », « [avalé] par les geôles, les camps...», « un frère perdu que seuls des mots exacts peuvent ranimer. » Il écrit pour « lui rendre ses contours et son allure », pour « comme ces gravures médiévales où la mort danse avec le vif, entrer à [son] tour dans la ronde...».

Je me souviens d'un passage somptueusement bien écrit, vrai, dur, sur les tranchées, à couper le souffle, à ébranler l'âme. D'autres relatant avec précision et exactitude, l'organisation de la Résistance mise en place pour faire face aux Boches, en France et en Angleterre.
Des paysages bretons décrits avec sensibilité, délicatesse et émotion, la brise marine enivrante et la roche dentelée, et nous...lecteurs, spectateurs de ce paysage escarpé, de ce récit tout aussi escarpé, escamoté qui nous emmène sur les traces de Paol, ce grand-père disparu...

Paol est l'histoire de J.L.C., elle est aussi celle de sa famille. Son oncle Ronan, le "free frenchie londonien", au regard droit, altier et rageur.
« Comme ceux qui avaient connu les sables et les rizières, les geôles, la clandestinité et les services secrets, Ronan ne s'exprimait guère, ce qu'il avait vécu dépassait le vocabulaire commun. La guerre avait été son métier, le silence un sacerdoce, il avait été là où la Légion combattait . « Un mépris absolu du danger », précisait son matricule. [...] Aujourd'hui, même si les silhouettes s'estompent, que les enjeux se sont effacés, lorsque je me risque par ce même sentier qui s'entortille au-dessus de la grotte Absinthe et des anses discrètes, comment ne pas songer à lui ? Sculpté par le vent jusqu'à imiter un idéogramme, ce pin de Monterey qui défie l'à-pic de la falaise l'aura vu passer, si jeune, courant vers son destin...»
Son père, Pierre, un aventurier au coeur lourd, dont l'auteur aurait espéré de l'aide, de l'empathie devant cet immense projet de reprendre la vie de son grand-père ... « [...] la vie d'un homme était celle de tous les hommes, et la peine d'un père, celle de tous ses fils. »
« Cette histoire avait fini par sédimenter en lui, le silence était son deuil. Impossible d'approcher, de tourner autour, d'en parler de manière intelligible. Pierre coupait court, éludait, rechignait. Faisait barrage. [...] ce qui avait bouleversé mon père me faisait souffrir à mon tour, c'était devenu mon héritage, ma part [...] Ne rien tenter de savoir, n'était-ce pas les abandonner les uns et les autres, et me perdre à mon tour ? Au fond, à cause de ce manque, n'arriver jamais à me saisir en entier ? »
« Pierre avait pris sur lui, petit garçon au chagrin vissé à l'intérieur qui avait dû grandir, il avait tenté de dépasser le vertige d'être à jamais un enfant sans père, un enfant de déporté, un orphelin qui attend, et il m'avait confié sans le vouloir le relais, le témoin comme on dit dans une course, moi-même plus insolé que les autres, d'un tempérament plus sensible ou plus fragile peut-être, tentant de m'en défaire, en raboutant ce qui ne passait pas...»
Sa grand-mère, Jeanne, veuve de guerre à quarante-deux ans, « [une] beauté poussée au bord de l'abîme [...] elle semblait prise derrière ses yeux d'améthyste dans des rêveries dont nous n'évaluerions jamais ni les tourments ni les bornes. »

Un scénario intelligent, un beau témoignage, un bel hommage.
Un formidable, colossal et émouvant travail de mémoire.
Quel voyage ! Haletant, vivant, troublant, percutant.

Dans le carré final pour le Goncourt, bien mérité.
Peut-être le futur Goncourt 2019 ?

Merci Jean-Luc Coatalem, d'avoir écrit cette histoire, votre histoire. Elle est belle, elle est triste, mais elle est belle. J'ai découvert votre écriture avec "Nouilles froides à Pyongyang" que j'avais beaucoup apprécié; je l'ai savourée avec "La part du fils".
Il y aura d'autres rendez-vous. MERCI.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Que dire après une telle lecture ?
Sublime, magnifique livre, un trésor.
La part du fils, c'est déjà un style, ce style poétique, grandissant, assourdissant, d'une beauté sans nom.
Coatalem a écrit avec son sang, avec son coeur, avec son passé, celui de son grand-père Paol.
De lui, on n'en parle pas dans la famille, les taiseux ne deviendront pas des bavards éclaircissants l'obscurité pesante et moribonde.
Nous sommes en Bretagne, près de Brest, et de la presqu'île de Crozon.
Le père de l'auteur, le fils du grand-père, Pierre, ne veut pas en entendre parler et a verrouillé son coeur à double tour.
L'auteur veut de toutes ses forces revenir à cette période troublée de la seconde guerre mondiale, et plus précisément les camps de déportés, où, il le sait, son grand-père y est décédé.
Pour l'auteur, qui se sent étrangement incomplet, de cette incomplètude qui vous ronge et qui vous taraude, il est très important de revenir sur le passé, pour se sentir enfin entier, nouveau, apaisé. Et complet.
Il est question du parcours de Paol, de l'Indochine ensoleillée et magnifique, période faste et lumineuse de sa vie, jusqu'à sa Bretagne adorée. Il sera d'ailleurs nostalgique de Saigon et de l'Afrique du Nord.
Comme mon père. Et comme ma chère Duras, contrées étonnantes et magiques. Je comprends mieux mon enthousiasme et ma peine, ma sensibilité mise à lourde épreuve durant ma lecture de ce paradis. le choix du livre, de ce livre, ne s'est pas fait par hasard. Merci à l'inconscient.
Alors, l'auteur fait le voyage à l'envers, comme un pèlerinage, obstiné, rageur, et surtout courageux, si courageux.
Il aime passionnément son grand-père, alors qu'il ne l'a pas connu, mais qu'importe, il ira jusqu'au bout, jusqu'en Allemagne dans l'ancien camp de Dora où son grand-père est mort, déporté sans retour, comme des millions.
Un passage très touchant, quand il fait en rêvant, le trajet avec son père, le breton taiseux qui n'en parle jamais, de son père, de cette guerre tragique et atroce.
Cet aïeul tant aimé, il va aller chercher son histoire, loin, si loin, si difficilement. Mais si profondement. Il rapportera, moment sublime, une pierre ( Pierre ?) d'un des souterrains du camp afin de la déposer en Bretagne, comme un talisman, une urne funéraire, un symbole ultime de la course effrénée qu'il nous offre, å nous, enfants gâtés que nous sommes.
Car il s'agit bien d'un cadeau que l'auteur nous fait.
Depuis quelque temps, je renacle à lire, tous les ouvrages commencés ne me satisfont pas, étrange période d'insatisfaction littéraire. Avec ce livre, j'ai renoué ce lien presque viscéral du bonheur de la lecture et je voulais en remercier l'auteur.
Si je voulais jouer à l'enfant gâtée encore une fois, je dirai que je regrette que ce livre ne comportent aucune photo.
Alors oui, c'est d'abord un roman, comme il le dit si bien l'auteur :"Et ce que je ne trouverai pas, de la bouche des derniers témoins ou dans les registres des archives, je l'inventerai. Pour qu'il revive".
Grâce à la part du fils, cette part qui a porté Jean-Luc Coatalem, qui a eu le courage et la ténacité de revenir placer ses pas dans ceux de Paol, c'est chose faite.
Magnifiquement.



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L'auteur enquête sur son grand-père, mystérieusement arrêté pour faits de résistance, probablement sur dénonciation, puis déporté. Une enquête minutieuse et intime d'un homme qui porte son regard sur une histoire familiale mais également sur le sens de la vie, la rigueur morale, l'engagement. Du silence, il veut sortir afin de redonner voix à ce grand-père courageux décoré de la croix de guerre, puis mort pour la France le 12 mai 1944 à l'âge de 49 ans. La Bretagne, toujours présente dans le récit, livre aussi ses secrets de résistance et permet à Jean-Luc Coatalem de trouver quelques réponses sur cette sombre période. Journaliste et romancier, il maîtrise parfaitement bien son sujet, dans une écriture agréable et un style efficace.
Mériterait largement d'être couronné le 4 novembre !
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Je me suis passionnée pour cet ouvrage, emprunté au hasard parmi les nouveautés de ma petite médiathèque rurale.
L'écriture est belle, teintée de poésie, ce qui adoucit la dureté de la quête de l'auteur. La conduite du "roman" est à l'image de la recherche de Mr Coatalem, un peu discontinue mais cohérente, terrible tant on sent qu'elle lui tient à coeur. j'aime l'extrait de la 4ème de couverture.
Je rapproche ce livre du film documentaire de Vincent Jaglin "la découverte ou l'ignorance- histoire de mes fantômes bretons" (prix du documentaire historique 2014) . A l'inverse de Mr Coatalem, Vincent Jaglin a recherché à reconstituer l'itinéraire de deux nationalistes bretons engagés dans la Waffen SS, membres peu glorieux de sa famille.
Mais la démarche est la même : l'interrogation des proches, la collecte des photos, les recherches aux archives départementales, le déplacement en Allemagne sur des lieux ignorés par les proches...La 1ère génération ne parle pas ou peu.
Oui, je pense, comme il est écrit en 4ème de couverture, que "c'est le grand livre que Mr Coatalem portait en lui".En tant qu'écrivain, artiste de l'écriture, il lui fallait l'écrire. Je souhaite que cet ouvrage a eu pour lui une vertu cathartique. le chapître 36, tellement inattendu, le laisse supposer
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Vraiment un très gros coup de coeur.♥️♥️♥️
Une magnifique prose à la fois classique et conventionnelle ce qui sied à ravir à ce roman intimiste et puissant. Un roman fort et émouvant, un livre sur le deuil mais empli de vie. Des descriptions d'une rare beauté, poésie et d'une authentique véracité.
Un récit en forme de quête, quête de l'autre, quête de ce parent inconnu et pourtant si proche, une quête de soi à travers le silence des autres qu'il veut briser. Une famille orpheline qui s'est muée dans le mutisme. Un petit fils qui redonne vie à son grand père.

La part du fils est une histoire familiale, mais plus encore, c'est une recherche pour comprendre par un jeu de regard, de miroir, de fictions, de réalités, de certitudes, de doute, de tatonnements. Une histoire qui passe par la Bretagne, l'Indochine et surtout fini dans les camps de déportation et de longues pages sont dédiées à ces hommes qui ne sont jamais revenus.
L'auteur Jean Luc Coatalem nous transporte en 1919 à Verdun, en 1929 à Saigon, en 1943 dans ce train du non retour, un travail de documentation, mêlé à un ressenti intérieur pour combler les vide et les blancs
Jean Luc n'a pas connu ces temps là, mais il nous en parle avec une flamme intérieure évocatrice d'un flot d'émotions.Il évoque ce héros, ce grand père, un portrait quasi fantasmé. Mais aussi, il nous parle de Pierre son père, de ses relations difficiles avec son frère, de ces silences pesant.

Paol dans le roman est Camille Coatalem né en 1894 à Brest...il a connu Verdun, Officier de réserve, il ira en Indochine. En 1943, il se trouve dans sa maison dans le Finistère, quand une voiture de la Gestapo vient l'arrêter sur dénonciation comme résistant, ce sera la déportation dont il ne reviendra pas.
L'auteur part sur les traces de son grand père, remontant le temps, essayant d'obtenir, des réponses, des vérités sur ce sujet tabou, un sujet complexe, rempli de non dit et de douleurs que le temps n'a pas effacé.

Un excellent et brillantissime roman, une très belle oeuvre littéraire nommée pour le prix goncourt et le prix goncourt des lycéens 2019, pour le prix Renaudot et le prix Renaudot des lycéens 2019.
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« C'est un petit pas pour l'homme, un pas de géant pour l'humanité ». 21 juillet 1969

L'humanité… versus l'inhumanité.

De 1943 à 1945, seront fabriqués les V2, des missiles qui devaient révolutionner la guerre et dont l'armée nazie avait grand besoin. L'un des principaux ingénieurs développe un programme et la fabrication est effectuée par des déportés dans l'enfer impitoyable de Dora, des conditions de vie qui feront des V2 une arme plus destructrice par leur fabrication que par leur utilisation. L'un des ingénieurs responsables de ce programme létal s'appelle Wernher von Braun. Après s'être rendu aux alliés en mai 1945, il s'envole aux Etats-Unis quelques mois plus tard, et, devient l'un des pionniers de la conquête spatiale américaine, il sera, d'ailleurs, naturalisé en 1955. L'un des pères du 21 juillet 1969 est un nazi notoire, responsable de centaines de morts au camp de Dora.
Dora, d'comme Dora. Là, où a été déporté Paol, le grand-père de Jean-Luc Coatalem qui livre sa part dans un récit déchirant, mais également cathartique, sur cet aïeul disparu trop tôt dans le camp de Bergen-Belsen le 12 mai 1944.

Kergat. L'océan et son infini. L'immensité et ses espoirs. Mais aussi les vents contraires, les vents mauvais venus d'Est et qui vont souffler sur l'Europe dans les années 30 pour se transformer en une tornade destructrice quelques années plus tard ; une noirceur totale avec une grande faucheuse n'ayant aucune pitié pour le commun des mortels… et agitée par des mortels.
Au sein de cette géhenne belliqueuse, l'horreur va supplanter l'horreur avec son lot de crimes, de tortures… et de délations, délations qui arpentent les places, les rues, les ruelles… par vengeance, par jalousie. Paol en sera une victime en ce 1er septembre 1943, emmené sans ménagement par la Gestapo. de Brest, il passe à Compiègne, puis le 20 octobre, affaibli par les privations, les interrogatoires, les coups et autres maltraitances, c'est le départ vers l'Hadès final : Buchenwald, Dora, Bergen-Belsen.
Disparition. Silence. Silence de mort. Deuil inachevé…

Un récit romancé mais qui relate la pérégrination d'un petit-fils pour retrouver une trace de son grand-père dans le dédale de la deuxième guerre mondiale. Un grand-père qu'il n'a jamais connu et même peu entendu parler, son père s'étant enfermé dans le silence du souvenir.
Qui était Paol, né en 1894 ? Un combattant, un homme qui ne reculait devant rien. Il a connu quatre ans de guerre dans les tranchées, le corps à corps, la faim ; se battre dans la boue entouré de rats et de cadavres, parfois ceux de ses compagnons les plus proches. Puis, l'Indochine où il aurait peut-être mieux valu rester même si « le pays ne lui appartenait pas » et enfin le retour en Bretagne où il coulait des jours plus tranquilles en travaillant dans le civil même si la vie l'avait déjà fouetté en lui prenant un de ses enfants. Il restait ses deux fils mais l'un partira en Angleterre combattre et mènera une vie assourdissante, tant, que l'on pourrait croire en un personnage de roman. Et pourtant.
Et puis, il y a le dernier, Pierre qui grandira sans son père, seul avec sa mère Jeanne. Parce qu'il y a cette délation qui va conduire Paol dans un tourbillon mortuaire…

Face à cette tragédie universelle, mais également personnelle pour l'auteur, la narration cogne à chaque mot. Des phrases brèves, certaines elliptiques pour mieux signifier l'absence ou le désastre du parcours du déporté. le train de la déportation où déjà il faut résister, lutter contre le néant qui frappe mais un néant qui fait mal, qui serre, oppresse, humilie. Puis les camps, avec leurs administrations, leurs règlements, leurs cerbères avec tout le raffinement de la torture, des sévices, des crimes indéfinissables… Et le camp de Dora… là où « la conquête spatiale a commencé » selon la phrase de Robert Carrière, rescapé de ce camp créé en 1943 pour la fabrication des V2. Une galerie minière creusée par les déportés pour cacher la production des missiles et qui a été l'une des machines infernales du III° Reich broyant des milliers de vie.

En alternance, le lecteur découvre quelques passages plus légers sur les années asiatiques du grand-père mais aussi du père et du petit-fils. Une chevauchée lointaine comme des respirations nécessaires, celles qu'offrent les grands espaces, les territoires lointains et la référence surprise à Henry Jean-Marie Levet… comme une carte postale lancée depuis Bénarès…

La suite de l'histoire, on ne peut la raconter car elle se lit directement ; elle se lit pour comprendre combien le journaliste a eu envie d'en savoir plus sur cet inconnu dont les gènes sont en lui, pour comprendre le gigantesque travail de recherches effectué, pour comprendre les périodes de trouble, d'effarement mais aussi de retrouvailles par les archives et les mots posés sur des feuilles de papier. Réaliser également que Paol n'était pas seul, des milliers d'humains ont subi le même sort. Au nom d'une idéologie sans nom.

Depuis un crépuscule Jean-Luc Coatalem a semé vers l'aube des lumières des petits cailloux pour retrouver la trace de celui qui est « mort pour la France », pour colmater une douleur qui paraissait inénarrable, pour tendre la main vers l'invisible. Peut-être également pour colmater la souffrance de l'âme et quoi de mieux que la psyché de l'écrit. Parce qu'elle libère, parce qu'elle se partage. Et semer cette mémoire qui ne doit pas s'effacer et même être marquée, comme une pierre de Dora déposée sur la montagne de Menez-Hom…


Lien : https://squirelito.blogspot...
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Prix Giono 2019
Longtemps l'auteur n'a pas su grand chose de Paol, son grand-père, arrêté par la Gestapo début septembre 1943, suite à une dénonciation, emprisonné et torturé, avant d'être envoyé en Allemagne où il mourra en 1944 en déportation dans les camps.
Personne ne sait exactement de quoi il a été accusé. Il ne rentrera jamais chez lui. le silence s'abat alors sur sa famille, sur Jeanne, la grand-mère mais aussi Pierre, le père de l'auteur.
L'auteur nous parle alors de l'histoire familiale, de l'oncle parti en Angleterre pendant la guerre, porteur de divers documents rangés dans des boîtes étanches, pour ne revenir que des années après.
De Pierre son père, envoyé en pension après le drame et qui est devenu mutique, ne parlant jamais du passé, ni de son enfance.
Avec courage, l'auteur se lance dans de longues recherches dans les archives, questionne, cherche des témoignages de ceux qui ont côtoyé Paol ou qui le connaissait. Il tente ainsi de recouper les informations et de comprendre les rouages de l'histoire.

En chemin il retrace donc aussi la grande Histoire.
Il nous parlera en particulier du camp de Dora où de 1943 à 1945, 60 000 prisonniers, dont Paol, ont travaillé dans des sous-sols humides pour fabriquer et cacher les V2, ces ancêtres des fusées américaines, des missiles dont l'armée nazie avait bien besoin pour gagner la guerre.
C'est un camp dirigé entre autres par Wernher von Braun, qui après la guerre, comme la plupart des chercheurs allemands deviendra "un honorable citoyen" et fuira l'Allemagne pour devenir citoyen américain en 1955. Il est avec son équipe, le père de la fusée Saturne et a bâti son empire américain sur les milliers de prisonniers morts en déportation...

J'ai découvert l'auteur il y a deux ans avec "Fortune de mer" dont j'ai parlé sur ce blog ICI, un court mais intense polar qui se passe sur l'île d'Ouessant. Jean-Luc Coatalem venait d'obtenir le Prix Fémina 2017 pour "Mes pas vont ailleurs" que je n'ai pas encore lu, et le Grand Prix de la Langue française en 2017 également.

Dans "la part du fils", l'auteur dit vouloir apporter des réponses à Pierre, son père qui n'a jamais voulu remuer le passé. Il tente d'ailleurs quasi désespérément d'établir un dialogue avec lui, de comprendre ses larmes muettes, de permettre au petit garçon à qui on a volé son enfance d'exprimer enfin sa peine, et de mettre des mots sur l'incompréhension. Mais il cherche aussi ces réponses pour lui-même, car être le petit-fils de Paol n'est pas plus facile quand on ne sait rien de son passé.

Le ton employé par l'auteur est d'autant plus bouleversant qu'il ne cherche en aucune manière à nous émouvoir. Il décrit certaines scènes avec une telle distance qu'elles en deviennent encore plus poignantes.
Peu à peu, de lectures d'archives en témoignages de toute sorte, il reconstitue l'histoire de son grand-père et nous entraîne dans sa quête.

J'ai aimé le suivre dans ses doutes et ses réflexions personnelles... j'ai aimé la force de ce roman intimiste qui nous emmène, vous l'aurez compris, bien au-delà de l'histoire personnelle de l'auteur.
Paol avait connu la Grande Guerre et s'était battu à Verdun en 1916, puis avait fait la Guerre d'Indochine en 1929, avant de s'engager dans la résistance...comme tant d'autres.
N'oublions pas tous ces héros qui comme Paol ont donné leur vie pour notre liberté.
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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