Le narrateur, Watson, avant même de prendre la plume, se retrouve à enquêter sur le terrain à la place de Holmes occupé sur une affaire plus importante; Il fait de son mieux, rapporte de multiples détails, mais passe à côté de l'essentiel. Mais c'est pourtant ce qui parait à ses yeux le moins important, ou le plus banal, qui va permettre à Holmes de percer le mystère de deux disparitions.
Un mari avare, jaloux et peut-être cocu, capable de dresser un plan machiavélique, et doté d'une chambre forte ancêtre des chambres à gaz. Qu'est-ce que ça peut bien donner?
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– Si. Une chose qui m'a frappé plus que tout le reste. Je m'étais rendu à
la gare de Blackheath et j'étais déjà dans le train quand j'ai vu un homme
se précipiter dans le compartiment voisin du mien. Vous savez que j'ai
l'oeil vif pour reconnaître les visages, Holmes ? Hé bien ! c'était
incontestablement
l'homme grand et brun à qui je m'étais adressé dans la rue ! Je
l'ai revu à London Bridge, puis je l'ai perdu dans la foule. Mais je suis
persuadé qu'il me suivait.
– Sans doute, dit Holmes. Un homme grand, brun, à lourdes
moustaches, m'avez-vous dit, avec des lunettes de soleil ?
– Holmes, vous êtes un sorcier. Je ne vous avais pas parlé de lunettes
teintées, mais il avait des lunettes teintées.
– Et une épingle de cravate maçonnique ?
– Holmes !
– Enfantin, mon cher Watson ! Mais redescendons au niveau du pratique.
Je dois vous confesser que l'affaire, qui me semblait absurdement
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simple, si simple qu'elle ne méritait guère mes attentions, se présente
maintenant sous un jour très différent. Bien que vous soyez passé dans
votre mission à côté de tout ce qui était important, les choses qui se sont
imposées d'elles-mêmes à votre observation me donnent beaucoup à
penser.
Sherlock Holmes, tout pratique et actif qu'il fût, était ce matin-là
d'humeur mélancolique et philosophante.
– L'avez-vous vu ? me demanda-t-il.
– Le vieux bonhomme qui vient de sortir ?
– Oui.
– Je l'ai rencontré à la porte.
– Quelle impression vous a-t-il faite ?
– Un être pathétique, futile, brisé.
– Exactement, Watson. Pathétique et futile. Mais toute la vie n'est-elle
pas pathétique et futile ? Son histoire n'est-elle pas un microcosme de
l'ensemble ? Nous atteignons. Nous saisissons. Nous serrons les doigts.
Et que reste-t-il finalement dans nos mains ? Une ombre. Ou pis qu'une
ombre : la souffrance.
– Je ne crois pas, répondis-je, que je pourrai vous rendre beaucoup de
services, mais je ferai de mon mieux.
C'est ainsi que, par un après-midi d'été, je partis pour Lewisham. Je me
doutais peu qu'avant une semaine l'affaire où je me trouvais engagé soulèverait
dans toute l'Angleterre une émotion passionnée.
La soirée était fort avancée quand je rentrai à Baker Street pour faire
mon rapport. Holmes s'assit sur son fauteuil après avoir allumé sa pipe.
De lentes volutes d'une fumée âcre montaient vers le plafond.
– Est-il l'un de vos clients ?
– Hé bien ! je suppose que je peux l'appeler un client. Il m'a été adressé
par le Yard. Tout à fait comme un médecin adresse parfois un incurable à
un charlatan. La police officielle estime qu'elle ne peut rien faire de plus,
et que quoi qu'il advienne le malade ne s'en portera pas plus mal
qu'aujourd'hui.
– Quelle est son affaire ?
Holmes prit sur la table une carte de visite plutôt sale.
– Je peux encore le faire.
– C'est déjà fait. Grâce au téléphone et au concours du yard, je peux
généralement obtenir l'essentiel sans quitter ma chambre. En fait, mes
informations
confirment l'histoire du bonhomme. Il a la réputation dans le
pays d'être un avare en même temps qu'un mari rude et exigeant.
de Vincent Mallié d'après Arthur Conan Doyle
https://www.ecoledesloisirs.fr/livre/premiere-aventure-sherlock-holmes-etude-rouge