Femme, esclave et noire. Autant dire que Tituba n'avait rien pour réussir. Sans compter, comme vous l'aurez lu dans le résumé ci-dessus, qu'elle est née d'un viol. Rien que ces premières lignes que j'écris plantent l'ambiance du roman de
Maryse Condé. On pourrait se demander pourquoi elle a écrit un tel livre et pourquoi il est bien à lire. Ce à quoi je répondrais justement pour tout ça ; parce que l'on sait peu de choses sur cette esclave qui s'est retrouvée au coeur des procès des sorcières de Salem, et surtout on sait encore moins ce qui a suivi pour Tituba. Alors, afin de réhabilité cette femme, de lui rendre son histoire, Condé l'a écrite.
Moi, Tituba sorcière… est une biographie fictionnelle ; une biographie parce qu'elle nous raconte la vie de Tituba, fictionnelle parce que, même si l'écrivaine se base sur des documents, il a bien fallu imaginer certaines choses. Et j'ai franchement aimé cette lecture, que ce soit grâce à la plume de Condé mais aussi grâce à la façon dont elle a (ré)écrit l'histoire de Tituba.
Le récit est à la première personne et c'est comme si Tituba se retrouvait là à nous parler d'elle. Elle commence par le début, finit par la fin ; c'est linéaire et pourtant cela ne manque pas de rythme. En effet, la vie de l'héroïne est chaotique, tragique, mais aussi pleine d'amour et de bienveillance et, quand elle nous parle de tout cela, elle n'omet rien, faisant parfois même des digressions que pour l'on saisisse mieux son propos.
Tituba est attachante par ce qu'elle nous raconte, évidemment, mais aussi par son vécu – comment ne pas compatir ? Surtout, ses relations aux autres sont parfois rageantes (je pense notamment avec ses maîtres et maîtresses), souvent belles (et là, je pense à Abena et Man Yaya, ces femmes si importantes dans sa vie) et, ne nous mentons pas, c'est en partie grâce aux rapports qu'entretiennent les héros et héroïnes que ces dernier·ères s'attachent notre affection.
Le propos du livre de
Maryse Condé, en plus de nous livrer une biographie de Tituba, c'est aussi de parler du sexisme et surtout du racisme. du sexisme parce qu'il y a beaucoup de femmes et qu'elles sont soumises aux hommes (maris, pères…) ; seule l'une d'elles est libre et respectée (voire craine) et, si Tituba aurait pu suivre son chemin, elle a finalement préféré suivre l'amour. C'est d'ailleurs quelque chose de constant, chez cette femme : la recherche de l'amour, que ce soit auprès d'un homme ou bien l'amour des autres au sens large, avec cette volonté qui l'accompagne de faire le bien et d'aider les gens. Et puis il y a le racisme. Tituba est noire donc, en tant que telle, considérée comme un être inférieur et donc esclavagisée. Et quand il commence à se passer des choses étranges, qui accuse-t-on ? La femme noire. Pas l'homme noir, non, et d'ailleurs Tituba finit par le comprendre : blanc ou noir, un homme s'en sortira toujours mieux qu'une femme.
Je pourrais parler des heures de tout cela mais, en fait, je décide de m'arrêter là parce que ce sont des sujets connus, dont on peut trouver de nombreux articles sur le net, on peut lire plein d'essais sur ces sujets… L'important ici, c'est
Moi, Tituba sorcière… de
Maryse Condé, et c'est que j'ai aimé ce roman. C'est un livre fort, poignant, qui redonne une voix et une vie à cette femme, à cette esclave. J'ai aimé l'héroïne, j'ai aimé certaines protagonistes, j'en ai détesté d'autres ; je suis passée par beaucoup d'émotions en lisant
Moi, Tituba sorcière….
En un mot comme en cent : lisez ce roman.
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