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Depuis leur haute tour de verre, dans des box blindés, derrière leurs écrans, les agents veillent à la bonne marche du monde. le travail est la seule chose en soi qui n'ait de valeur. Aussi, travaillent-ils de 5h à 0h15, avec cinq pauses par jour, et vivent-ils sur leur lieu de travail. En dehors de leur boulot, ils sont libres... et luttent pour le rester mais aussi pour conserver leur poste. Des guildes se sont ainsi formées pour se protéger les uns les autres. Élisabeth, Solveig, qui n'a plus un seul poil sur le corps, Clara pour qui l'art consiste à se scarifier, Laszlo, un artiste qui filme tout, et Théodore qui, en vertu d'une date sur un calendrier dont lui seul a connaissance, s'est coupé les orteils, font partie d'une même guilde. Leur but : détruire les autres guildes afin de prendre possession de l'étage. Dès qu'un agent disparaît, il est aussitôt remplacé. Aussi l'arrivée de Hick, survenue après le suicide de Piotr, un homme plutôt âgé et habillé différemment, va-t-elle semer le trouble dans tout l'étage 122 de la tour 35S...

Grégoire Courtois nous transporte dans un monde futuriste où seul le mot travail a du sens et de la valeur. Les agents, d'ailleurs, ne connaissent rien d'autre, ils vivent pour et par le travail. L'on va suivre, au coeur de cette dystopie, le destin de cinq d'entre eux qui ont tous choisi, d'une manière ou d'une autre, de garder un semblant de personnalité en se distinguant des autres. Si la solidarité est le maître-mot au sein d'une guilde, l'on découvrira pourtant qu'elle a des limites. Avec ce roman d'anticipation qui fait froid dans le dos, Grégoire Courtois nous offre une vision d'un futur où l'humain en tant que tel n'a plus sa place, où les machines régissent le monde et où le mot « vie » a perdu tout son sens. Si le propos est fictionnel, il n'en reste pas moins glaçant. L'ambiance, tendue, nerveuse, est parfaitement retranscrite par cette plume acerbe et mordante.
Un roman singulier, surprenant et impitoyable...
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C'est grâce à marina53 que j'ai voulu lire ce roman vers lequel je ne me serais pas porté spontanément. Chance, je l'ai gagné à la dernière Masse Critique. Merci donc à marina, à Babelio et à Folio. Grâce à eux j'ai vécu un moment de lecture intense.

Je commence ma lecture et déjà je le regrette. Les premiers mots installent l'ambiance désespérée. J'ai tâté la température de l'eau avec le gros orteil et je l'ai ressorti vivement, comme agressé par un froid intense. J'absorbe les émotions décrites comme une éponge empathique. Mal ! Dans quoi est-ce que je me suis embarqué ? Ce n'est pas le moment de bouffer un bouquin qui me déprime. Pfff.

Ambiance :
Un décor de ville, probablement américain, qui ne voit jamais le soleil caché en permanence derrière des couches de nuages gris, ni le sol caché derrière une brume sûrement toxique en dessous de laquelle survivent, paraît-il, les chats : ces sans emploi. Des tours de trois cents étages identiques, rangées à l'infini comme un bataillon de Lego®. A chaque étage, des agents qui surveillent l'évolution d'indicateurs de performance et reçoivent des mémos de la direction qui les félicitent pour leur assiduité, les réprimandent pour leur oisiveté ou changent brutalement le règlement. Ils « vivent » là, dans leurs box blindés, bossent douze heures par jour et plus, quelques pauses d'un quart d'heure et le repas de midi. Ils sont organisés en guildes. Leur but : survivre. Car les guildes se livrent à une immense partie de Risk où il s'agit de conquérir les box voisins en tuant leurs occupants temporaires : au couteau, à la grenade, au fusil à pompe. A travers les vitres, les corps qui tombent des étages supérieurs forment un spectacle si permanent qu'il en est devenu banal.
Comment vivre dans cet environnement réglé par une direction assurément guidée par des IA ont une curieuse interprétation de l'expression « donner un sens à sa vie » ? La petite guilde à laquelle on s'intéresse donne le ton. On transforme la scarification et les jets de sang sur les murs des toilettes en art, on se coupe les orteils qui visiblement ne servent à rien, on s'épile le moindre poil y compris les cils. Chacun sa méthode.

Quel est le but de ce roman ? Juste nous plomber et nous faire déprimer ? Ça c'est réussi, J. G. Ballard n'est pas loin. J'hésite à poursuivre.
Mais… tiens, cela s'anime. Grégoire Courtois nous offre une intrigue : un nouveau vient de franchir la porte des Hairaches. Il n'est pas comme les autres. Il crie même à la cantonade qu'il serait heureux de rencontrer ses collègues autour d'un café ! Hallucinant. du coup, cette proie facile pour les guildes les mieux placées sont dans l'expectative.
Et avec ça, un changement du règlement qui donne un gros avantage aux guildes qui possèdent des box adjacents : des prêts à des taux avantageux pourront leur être accorder, pour s'armer par exemple. Déstabilisation de la partie de Risk. Ça risque de chauffer bientôt.
Comment va réagir notre charmante guilde ?

Les événements se précipitent. La troisième partie est un long, très long morceau de chaos d'une violence inouïe. Je ne peux plus lâcher le bouquin. Je veux savoir.
Je finis par savoir.
Et je me pose la même question qu'au début, et les personnages survivants aussi : pourquoi tout ça ?
Est-ce que l'auteur voulait nous frapper en nous montrant l'inanité de nos existences de bureau (la mienne en tout cas) ?
Était-ce juste un exercice, non pas d'anticipation, mais d'extrapolation aux limites de la vie de bureau ?

Je sors de là essoufflé. Envie de légèreté.
Roman singulier, surprenant et impitoyable a dit marina53. Je ne trouve pas mieux à dire.
A lire, si vous l'osez.
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Passionnant huis clos au 122ème étage d'une tour parmi des milliers à Chicago, toutes hautes de 300 étages. le travail est la seule valeur qui glorifie et tient les humains face à des machines omnipotentes qui sont jugées parfaites et rabaissent hommes et femmes au rang de serviteurs obéissants ou subissant la disgrâce. C'est parfois cru et noir, au rythme de quelques violences, dont les chutes ou suicides par défenestration qui m'ont rappelé l'horreur du 11 septembre.

Nous sommes dans une version moderne où la partie travail de 1984 se déroulerait dans le décor et avec l'ambiance de Severance (série TV). Chacun effectue dans son box des tâches dont on ignore le sens. Les rares pauses sont le moment de partage d'informations entre membres de guildes, quand ce n'est pas la guerre entre ces clans pour la conquête du territoire.
Les esprits sont soumis à rude épreuve dans cet univers dystopique aussi fou que les humains qui s'y cherchent une singularité. Les manipulateurs de ce non-jeu sont invisibles et il y a certaines règles à respecter, certaines failles à exploiter.
La narration est à la première personne du pluriel, c'est un régal car on ne sait pas qui parle. L'ambiance semble étrange au début, puis nous sommes immergés et les pages tournent à grande vitesse et au rythme de courts chapitres. Il se passe toujours quelque chose et les réflexions sont extrêmement bien vues. Un livre humaniste.
Nous ne trancherons pas le débat sur l'aliénation de l'homme au travail, surtout quand il devient l'esclave du système mais qu'il estime que le labeur est la plus haute valeur. Difficile aussi de déterminer si les tourments de chacun sont des réactions ou des affirmations de la puissance de l'esprit de chacun.
Toujours est-il que le final n'est pas celui que l'on voit venir, grandiose délire !
Un auteur dont j'ignorais l'existence il y a un mois et dont je vais lire d'autres oeuvres.
Lien : https://www.patricedefreminv..
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Une société futuriste où le travail est devenu la seule valeur sociale, à laquelle se consacrent des agents, chacun dans son box blindé, au sein de hautes tours de verre. Leur mission : surveiller les millions de données qui s'affichent sur leurs écrans, veiller à la bonne marche du monde économique. Tout cela sans relâche ou presque, puisque ces agents travaillent de cinq heures du matin à minuit, avec des pauses de quinze minutes toutes les trois heures, sept jours sur sept. L'agent modèle vit sur son lieu de travail, dort dans son box – on a supprimé depuis longtemps les trajets domicile-travail qui représentaient trop de perte de temps et financière. Chacun lutte pour conserver son poste, sous la protection d'une guilde – la Colonne rouge, les Copieurs, les Bookies, la Kon-Tha, etc - et tous les moyens sont bons pour y parvenir, ruse, stratégie, violence. C'est à ce prix qu'ils pourront éviter le renvoi par les Airaches, et la rue, où règnent les chats, le chaos et l'inconnu... C'est alors qu'arrive le remplaçant d'un agent qui s'est défenestré. le nouveau attire l'attention sur lui et pourrait bien être le grain de sable qui va venir gripper l'engrenage…

Quartier Sud, tour 35S, étage 122, secteur Y1, box 314. C'est de là qu'écrit la narratrice Elisabeth, qui fait partie d'une petite guilde, dont sont membres Laszlo, un artiste qui filme sans cesse et s'enregistre, Solveig, entièrement épilée jusqu'au moindre cil, Théodore, qui s'est amputé de tous les orteils, et Clara, qui se lacère méthodiquement tout le corps sous anesthésie locale. Des fous ? La folie est toute relative, dans un monde où règne l'absurde : les employés sont strictement inutiles mais cependant réduits à un véritable esclavage, avec pour seul horizon et seule ambition de conserver son box et de survivre, à coups de grenade ou de rafales de mitraillette – uniquement au moment des pauses. D'ailleurs, les suicides ne sont pas rares, au point que plus personne ne prête attention aux corps qui chutent devant les baies vitrées de la tour, des dizaines de fois par jour. Un univers qui n'est pas sans rappeler celui de Brazil de Terry Gilliam, ou 1984 de George Orwell, avec une coloration contemporaine. Evidemment, c'est délirant, absurde, parfois outrancier, mais cette vision du futur, où la reproduction est assurée par des machines, où le contexte de vie privée n'existe plus, où l'humain est réduit à une tâche répétitive sans aucun sens si ce n'est sa survie pour échapper à l'inconnu, n'est pas qu'une simple fable dystopique. le futur qu'elle présente fait froid dans le dos.

Lien : http://usine-a-paroles.fr/le..
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Une thématique angoissante, l'aliénation absolue au travail, et une écriture âpre,brute, qui sert parfaitement le fond. le récit m'a écorchée, mis à vif tant il m'a dérangée. Mais il interroge tellement sur notre rapport au travail, au corps et à l'autre et sur nos dérives actuelles, qu'on ne peut qu'apprécier. Si vous avez besoin de réconfort en ce début d'automne, passez votre chemin, mais si vous aimez faire grincer vos dents alors plongez vous dans cette dystopie dont il faut quelques jours (et plusieurs tablettes de chocolat) pour se remettre.
J'avoue avoir préféré Suréquipée su même auteur, mais les deux récits sont très différents.

Merci à Babelio pour cette masse critique
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Au ras de la moquette d'un World of Corporate Warcraft insensé, une étonnante métaphore dystopique, poussée à l'extrême, pour réinterroger nos rapports au travail.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/02/01/note-de-lecture-les-agents-gregoire-courtois/

Solveig, Théodore, Laszlo, Clara et Piotr travaillent dans une tour de bureaux, préposés à la surveillance des ordinateurs qui gèrent et tirent profit de l'économie du monde. Ils vivent là, aussi, car depuis des temps désormais immémoriaux, il est apparu beaucoup plus rationnel de vivre sur son lieu de travail plutôt que de perdre tant de temps, d'argent et d'environnement, éventuellement, à circuler entre un domicile et un bureau. Lorsque leur travail programmé leur en laisse le loisir (bien qu'ils n'exécutent que d'authentiques bullshit jobs, les machines qu'ils sont censés superviser ne commettant jamais d'erreurs, leur emploi du temps est étroitement encadré par l'organisation à laquelle ils appartiennent), ils doivent en permanence, au sein de leur (toute petite) guilde de collègues s'employer à survivre face aux convoitises d'autres collègues, dans cette jungle de bureau, ce World of (Corporate) Warcraft où les couteaux sont tirés en permanence, et pas de manière purement métaphorique. Dans les interstices de leur vie de labeur, ils échafaudent des plans, travaillent des rêves obscurs, élaborent des divertissements obsessionnels, cultivent leurs psychopathologies de la vie quotidienne, ou s'adonnent à d'étranges complotismes de machine à café, de vive voix parfois, sur leurs canaux réputés privés (jusqu'à un certain point) le plus souvent. Jusqu'à ce que, prise dans l'étau de forces plus puissantes qu'elle, la micro-guilde qu'ils forment tant bien que mal se mette en mouvement, transgression après transgression de la règle et de l'habitude, en direction volontaire et involontaire de révélations inimaginables…

C'est le grand Julien Campredon, venu jouer les libraires d'un soir chez Charybde en décembre 2013 (une soirée à écouter ici), qui nous avait le premier parlé des « Travaillants » de Grégoire Courtois, publié dans la collection Les Lunatiques de Presque Lune en 2009. Retravaillé depuis sous le titre « Les agents », au Quartanier en 2020 et chez Folio SF en 2022, ce roman de 300 pages illustre parfaitement la capacité de l'auteur à projeter une métaphore ramifiée dans ses ultimes retranchements, pour notre plus grand plaisir éventuellement vertigineux : on se souvient notamment de son « Suréquipée » de 2015, inquiétante fable science-fictive autour d'une voiture intelligente à caractère animal prononcé, ou de son « Les lois du ciel » de 2016, qui explorait avec brio le potentiel résolument cauchemardesque d'une « classe verte » scolaire a priori anodine.

Télescopant avec force les situations et images anodines, à la limite du cliché contemporain, de « The Office » ou de « Caméra Café », voire les cases les plus joliment fielleuses des cartoons de « Dilbert », en direction d'une utopie méticuleusement dégénérée jouant avec les motifs des « Monades urbaines » de Robert Silverberg, « Les agents » propulse les visions amoindries du travail contemporain (on songera sûrement à la belle anthologie « Au bal des actifs » de la Volte) en direction de l'un de leurs aboutissements logiques, outré et terrifiant, naturellement. Calculant une superbe tonalité au plus juste, juxtaposition de petitesse calculée et de lyrisme épique, entrechoc rusé de manuels de gestion des années 80 et de Tables de la Loi (du Profit ou de la Shareholder Value), enchevêtrant le récit officiel et les récits officieux, les faits vérifiés et les légendes les plus folles, se nimbant de tout le cynisme incrédule et triomphant de ces cadres et employés à qui « on ne la fait pas », « Les agents » manie le souterrain et l'inexorable, l'évidence proclamée et l'absurde des processus automatisés au dernier degré, l'ambiance si spéciale du jeu de rôle « Paranoïa », pour aboutir à une fiction noire, désespérée en diable, mais étrangement phosphorescente ces temps-ci, à l'heure où une partie du capital voudrait une fois de plus contraindre les forces productives à « travailler » plus longtemps pour mieux entretenir le taux marginal de profit accumulé, jugé un peu menacé à la longue.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Il faut parfois laisser mijoter un peu ses pensées pour parvenir à parler d'un roman, pas toujours facile de le décrypter surtout lorsqu'il cache une flopée de messages et entraîne le lecteur vers de nombreuses interrogations.

À mon sens, derrière cette dystopie qui nous invite à découvrir le futur peu reluisant, on se rends compte qu'à force d'avoir remplacé l'homme par des machines, le monde est tombé sous leurs emprises et ne laisse plus de place à la vie, telle qu'on la connaît.

Car en fait, les agents, ne seraient-ils pas ceux qui restent et officient derrière les machines, pour continuer à engranger de l'argent pour les maîtres du monde tout en surveillant ceux qui restent, en protégeant coûte que coûte leurs places pour ne pas finir à la rue, rejoindre les chats, ces SDF, ayant tout perdus, condamnés à errer et à détruire leurs semblables pour survivre.

Un futur qui fait peur, mais qui hélas semble déjà bien en prendre le chemin. Il n'y a qu'à regarder autour de soi.

Un récit surprenant, même si certaines informations restent floues, et m'aurait davantage conquise avec plus de précision sur ce monde extérieur plongé dans le chaos.


CHRONIQUE COMPLÈTE SUR MON BLOG (lien ci-dessous)
Lien : https://dealerdeligne.wordpr..
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Une lecture express d'un récit coup de poing qui se pare d'atours dystopiques pour frapper au coeur, les symboles de notre aliénation au travail. Les émanations qui s'échappent de ce roman sont tellement corrosives qu'elles feraient passer le vitriol pour une flagrance affadie. Alors oui, 'les agents' n'est pas une histoire à la portée de toutes et tous. La lecture y est difficile, rendue compliquée par une déconstruction de la narration qui dépersonnalise les 'agents' et leur 'guilde' que le lecteur découvre au fil des pages, à travers l'inconfort exigu de leurs boxs de travail. Il est question de conservation de territoire, plus que de développement personnel, et de cohésion de groupe, plutôt que d'évolution individuelle. Et pourtant, dans le ronron lancinant des journées de travail, entrecoupées de pauses inutiles, les fils de la trame se tissent, liant le destin de chacun à une apogée que l'on devine fatale. Qu'attendre de plus d'un monde dont l'avenir se borne à l'horizontalité de l'étage d'une tour gigantesque, une, parmi ses milliers de voisines que l'on devine? À part regarder les suicidés des étages supérieurs tomber, pas grand chose... Et c'est là, la virtuosité de l'auteur, qui dévoile dans un final à couper le souffle, une intrigue digne d'une super production. le dernier quart du roman se dévore plus qu'il ne se lit, et laisse le lecteur pantelant face au résultat de la somme des désenchantements nécessaires à cette conclusion. Il n'y a qu'une seule issue possible... pas sûre qu'elle vous plaise. Et pourtant l'algorithme est formel sur les probabilités de réalisation. Si vous n'êtes pas prêt à affronter la réalité du monde de travail de cette dystopie (pas si éloignée de la nôtre ), surtout ne lisez pas ce roman... pour les autres (les salariés ascendants agents), allez-y sans peur. Délectez-vous de tout... et surtout des dernières lignes...
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Rivés à leurs écrans, les agents veillent à la bonne marche d'un monde qui tourne sans eux. Dans des box blindés, dans de hautes tours de verre d'un autre siècle, ils travaillent et luttent pour conserver leur poste, buvant du thé, s'achetant des armes. Tous les moyens sont bons. Ruse, stratégie, violence – guerre totale. Parce qu'il y a pire que la mort, pire que la Colonne Rouge. Il y a la rue, où règnent les chats, le chaos, l'inconnu.

Métaphore du monde du travail et roman de l'obsession, le récit enferme le lecteur dans le petit monde d'une entreprise inhumaine où comme l'agent, il ne peut survivre qu'en entrant dans le dangereux engrenage de la compétition sans merci. Tout au plus peut-il espérer survivre en rejoignant une guilde, petit cercle de protection. Tous les coups son permis.
Comme "Les lois du ciel", cette dystopie est glaçant, moins coup-de-poing peut-être mais tout aussi fort. En poussant à l'extrême la valeur accordée au travail et à l'emploi, tout nous pousse à réfléchir et faire le premier pas vers une remise en cause. Mais sommes-nous capable d'aller jusqu'au bout ?

Une lecture dont on sort retourné, le souffle coupé, les yeux écarquillés. le retour au bureau le lendemain n'a pas été serein, mais ouf ! ce n'est pas la jungle ! Pas encore...
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Dans un futur que l'on souhaite le plus éloigné possible, la vie se résume à un box dans une tour, un écran d'ordinateur, et la compilation de données dont on ignore le but ou l'intérêt. Entrecoupée de pauses chronométrées, repas, toilettes, sommeil, les agents n'ont d'autre cadre de vie que leur bureau et leur travail. Malheur à celui qui est pris en faute : il est aussitôt chassé, exécuté, défenestré, ou bien se retrouve dans la rue, des dizaines d'étages plus bas, cette rue qui est synonyme de monde inconnu, pollution, de mort… Au sein de ces tours, les êtres vivants sont devenus des machines au service des machines. Qui décide, qui commande, ils l'ignorent. Souvent, des bagarres éclatent, allant jusqu'au meurtre, pour que chacun puisse étendre son territoire d'influence, comme une guerre des gangs. Dans la tour 35 S, Lazlo et les membres de son groupe, sa guilde, s'emploient à ne pas être absorbés, à ne pas succomber aux assauts des autres guildes. Mais en secret, Lazlo rêve d'un coup d'éclat…
Roman halluciné et hallucinant, les Agents décrit un monde où toute trace d'humanité semble avoir disparu et où tout un chacun se doit d'entrer dans le moule imposé par les « responsables » Qui sont-ils et quels buts poursuivent-ils, l'auteur ne le dit pas, il met plutôt en place une mécanique broyeuse implacable qui pousse les vivants au suicide, ou alors à braver certains interdits pour se donner un semblant d'existence. Ainsi, un homme se tranche tous les orteils pour pouvoir courir plus vite, une femme se scarifie régulièrement pour modifier son apparence physique, une autre s'épile intégralement. Dans cette mécanique parfaitement huilée, l'arrivée d'un nouvel agent qui jure par son indépendance et son état d'esprit, va venir gripper cette marche implacable… La conclusion de ce récit, à l'aune de la totalité du roman d'ailleurs, ne laisse guère de place à l'espoir, une métaphore sans aucun doute de ce que le monde du travail peut parfois se révéler être.
Je remercie les éditions Folio pour leur confiance renouvelée.
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