Après les relations parents-enfants chez les nazis,
Tania Crasnianski s'intéresse cette fois-ci aux relations entre quelques grands dirigeants du XXe siècle et leurs médecins personnels. Nous suivons ainsi Hitler, Pétain, Mao,
Churchill, Franco, Mussolini, JF Kennedy, Staline et leurs médecins respectifs. J'aime ce côté petite histoire expliquant la grande, surtout que
Tania Crasnianski a fait un énorme travail de documentation en croisant des sources diverses et variées : mémoires, témoignages, archives…
Ces médecins personnels sont des témoins de l'intime, de la force et surtout des faiblesses de ces grands dirigeants. Que ces relations soient volontaires ou forcées, elles deviennent de fait intimes. Certains médecins épousent les idées de leur patient et essaient même d'avoir un poids politique, à l'image par exemple de Vicente Gil avec Franco. « L'opposition entre devoir et intérêt est évidente » dit d'ailleurs l'auteure. Avec les différences d'âges, les relations sont parfois presque filiales (c'est le cas aussi de Vicente Gil avec Franco ou encore de Bernard Ménétrel et
Philippe Pétain). Mais, même s'il n'y a pas de jeu politique entre les hommes, il y a forcément de part et d'autre une influence psychologique.
On a cependant parfois attribué bien trop de pouvoir ou d'influence à ses médecins alors qu'ils étaient bien souvent des faire-valoir de gré ou de force. de même, si certaines maladies de dirigeants dévoilées sur le tard sont véridiques, d'autres ont été fantasmées. Il est parfois difficile de démêler le vrai du faux quand les sources sont contradictoires. Il ne faut pas trop compter non plus sur les médecins ayant livré des écrits sur leurs patients : beaucoup de choses n'ont pas été consignées et, dans le cadre de mémoires, on peut facilement tomber dans l'hagiographie.
Il n'empêche que dans pratiquement tous les cas de figure, la plupart des dirigeants ont utilisé pour tenir des médicaments et drogues d'une grande puissance, d'une grande dépendance et dangerosité. Les doses administrées sont souvent très impressionnantes, que ce soient des amphétamines chez Hitler par exemple, des somnifères pour Mao ou des piqûres de corticoïdes et stéroïdes pour soulager les maux de dos de JF Kennedy. Nous sommes plus dans de la médecine de type vétérinaire, dans du shootage que dans du soin. Des fois, ce sont les dirigeants qui obligent les médecins à recourir à de tels abus, d'autres fois c'est l'inverse. L'essentiel n'est finalement pas la santé mais la capacité à tenir coûte que coûte pour mieux gouverner, pour éviter les oppositions et renversements, pour forcer le respect.
Certains dirigeants, même en ayant un médecin attitré, restent méfiants vis-à-vis du milieu médical et tombent parfois même dans la paranoïa… au point qu'on laisse Staline agoniser pendant plusieurs jours par peur de représailles si l'on fait venir certains médecins.
Aujourd'hui, nous sommes dans une période où la transparence est devenue pour tous une nécessité, un droit. Mais, doit-on à tout prix connaître l'état de santé des dirigeants dans les moindres détails ? N'est-ce pas dangereux pour un pays, pour l'équilibre d'un régime politique ? Telles sont les interrogations que
Tania Crasnianski se posent en fin d'ouvrage. Car, si l'on ne peut pas nier l'intérêt que cela aurait dans le cadre de dirigeants totalitaires comme Hitler par exemple, que serait devenu
Churchill à l'époque avec une telle politique de transparence, lui qui est considéré comme l'un des plus brillants dirigeants du XXe siècle ?
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