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EAN : 9782492270949
160 pages
Elyzad (21/04/2023)
4.27/5   11 notes
Résumé :
En Albanie, une jeune femme, Zilia, subit régulièrement les coups de son mari.
Lors d'une crise plus violente que les autres, retranchée dans les toilettes, elle l'abat d'un coup de revolver à travers la porte. Ce qui devrait être la fin de son cauchemar n'est en réalité que le début d'une fuite éperdue. Car en Albanie subsiste le Kanun, une loi du Talion implacable : la famille du mari, exigeant réparation, commandite l'assassinat de la jeune femme et de son... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
L'éminente littérature !
L'Albanie d'ombre et de lumière. « Il y a une jolie fleur non loin de Tiranie », le portrait d'une jeune femme contemporaine, battante et sublime.
Magistral, engagé, ce livre est un murmure, un bruit sourd qui tisse l'épopée d'une terre empreinte de tragédies. L'Albanie et les hommes règnent.
Le patriarcat comme le son d'un violon qui grince et fait vaciller.
La gloire et la force d'un style d'écriture qui fait saillir le vertige de l'émotion. 
« Recroquevillée sur elle-même, Zilia a repris connaissance. »
Constamment battue par Dardan, les coups pavloviens, la fulgurance de la haine. Dardan est machiavélique, rude et maltraitant. le corps de Zilia sous ses mains est une fleur écrasée du pied. Zilia flanche, s'affaisse et réagit au dernier soupir. Elle profite du seul et ultime moment, de sa survie. Elle va abattre avec une arme Dardan lorsqu'il dort, alcoolisé à outrance. Zilia va fuir. Rejoindre son jeune frère, lui avouer le meurtre.
« Elle ôte ses lunettes offertes par Jon, relève son pull, et, découvrant son ventre, et ses flancs meurtris, elle laisse son frère face à ces premiers éléments de justification. Puis elle le fixe droit dans les yeux avant de poursuivre : - Je ne suis pas au tribunal, pas encore, en tout cas. Je suis venue ici parce que tu es mon petit frère et que je n'ai pas d'enfants. Je suis en fuite et je devais te prévenir. »
Le drame plane comme un vautour qui guette sa proie. Les dangers sont pandémiques. Hamza risque sa vie. Victime collatérale. le beau-père de Zilia et ses fils obéissent au Kanun. La vengeance aux abois, la loi de Talion, sang pour sang. L'Albanie est un long fleuve intranquille et sournois . Hamza est si jeune, à peine vingt ans, mais pressent que jamais, Zilia n'obtiendra la légitime défense et la rédemption par les siens.
Mature, éveillé, solidaire, il va aider Zilia. La famille de Dardan va mener une cabale Chercher Zilia, traquer le moindre indice. Sauver l'honneur de Dardan par un lynchage implacable. le pouvoir de la force contre le mental de Zilia. le linge sale lavé en famille. Les intestines filatures, les habitus ancestraux sont les faillites d'un peuple qui boit encore la tasse. le rite de la mort pour la tueuse d'un membre du clan, où la femme est le néant, effacée d'une généalogie moderne et juste.
Mais que vaut la justice en Albanie, lorsque le Kanun est une coutume glaçante. Un pacte avec le diable . le féminicide comme un abus de pouvoir.
Ce qui frappe dans ce récit, c'est la justesse des mots de Philippe Cuisset. Il rend le jeu fictionnel vivant et l'on est d'emblée dans le criant de l'authenticité. le regard qui perce la nuit d'une Albanie fragilisée par son idiosyncrasie de tumulte et d'inégalités envers la femme.
Zilia va fuir. Se réfugier dans un endroit improbable. Se fondre en mimétisme dans une décharge à ciel ouvert. La poubelle de l'Europe, les détritus comme une cache. L'endurance face à la puanteur. Les mains sales, mais le coeur de plus en plus léger, à l'instar d'un contre-poids. Elle va se terrer dans ces monticules de tôles et de blessures. Elle va faire des rencontres fortuites. Comprendre l'envers du décor d'un pays si beau, mais si pauvre. Pris entre les mailles d'un système de corruptions.
Zilia pressent qu'il se passe quelque chose de grave. Des produits toxiques sont enterrés illégalement. Elle va se lier avec Rasim Istrefi, un journaliste qui enquête et veut prouver par un article, cette réalité abjecte. Il voit en Zilia, une fleur égarée sur des déchets. Elle lui semble singulière, discrète et l'on ressent l'apothéose de l'enchantement d'une normalité.
Un souffle de ressemblance avec les sociologies, où le machisme n'a aucune place. Elle est regardée, écoutée et respectée. C'est une bouffée d'oxygène sur le toit de ces poubelles immondes. L'Albanie, manichéenne, entre le bien et le mal. Une terre labourée par les pas des hommes vils et encerclés de tabous. Les sentiments sincères, la confiance comme guide, Zilia et Rasim vont sublimer la résistance. Mais Rasim est trop présent sur la décharge, cette zone de non-droit. Son enquête dérange les mafieux. Que va-t-il se passer ? Zilia trouvera-t-elle la fleur de l'exil ?
Ce livre puissant, grandiose, est une percée de lumière dans la nuit albanaise. Il pointe du doigt les errances d'un peuple ployé sous les diktats des lois souterraines. le nord de l'Albanie dans son évidence la plus triste.
Ce livre est un devoir de lecture. La mission d'une littérature engagée, virtuose de sincérité. « Toutes les routes n'existent que dans l'épuisement du voyage . »
Une fresque magistrale, finement politique. Publié par les majeures Éditions Elyzad.

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« Je l'ai tué. J'ai tiré à travers la porte et ensuite j'ai tiré encore et encore. Cette nuit, j'ai tué Dardan. »

Et c'est la seule chose que fera Zilia pour elle-même. Elle fuira cet appartement dans lequel il l'a battu, jour après jour. Elle fuira sa belle famille ayant l'arme à la main, prête à en finir. Elle fuira la capitale. Elle fuira sa vie. Elle fuira.

En Albanie, « c'est la loi : seul le sang des hommes lave l'honneur des clans ». Bien que ces mots semblent d'un ancien temps, ils résonnent bel et bien dans ce roman dont l'histoire se déroule au 21e siècle, en Europe. Et c'est à cause de ce texte sanglant qui fait trembler le pays, le Kanun, qu'elle doit fuir.

Non seulement Philippe Cuisset dénonce la pratique perpétuelle de ce code médiéval et meurtrier, mais aussi la manière dont la Sainte Europe et particulièrement les géants européens, piétinent sur ce pays et le méprisent : lors de sa fuite, Zilia se refuge tout près d'une gigantesque décharge recueillant les déchets français et italiens. Régit par la mafia, elle enfouit pourtant bien plus que des déchets et cela n'échappe pas au journaliste Rasim Istrefi, un personnage qui, dans ce récit effroyable, rassure et incarne notre regard. Grâce à des chapitres courts, les pages tournent à toute vitesse, le récit devient de plus en plus intense, et le réalisme nous frappe en plein coeur.

Un récit prenant signé Philippe Cuisset. A lire absolument !

Chronique complète juste ici :

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J'ai entamé mon week-end en terminant ce roman sorti récemment aux @editionselyzad et écrit par Philippe Cuisset.

L'histoire se passe en Albanie, entre la loi du Talion qui y règne encore (le Kanun) et la corruption qui y règne. On y suit l'histoire de Zilia, une jeune femme qui tue son mari violent et qui doit prendre la fuite, elle et son frère qui sera la première victime désignée comme devant payer de son sang par le Kanun. Elle plonge alors dans un monde d'entre-deux où elle rencontre d'autres gens qui vivent en marge, qui survivent plus qu'ils ne vivent, et elle se dissout, elle et sa douleur, dans ce monde étrange où va s'opérer la jonction avec le thème de la corruption.

C'était une lecture très prenante, je ne dirais peut-être pas haletante mais poignante en tout cas, très émouvante. le personnage de Zilia m'a semblé sans âge, ses émotions sont fortes et réalistes, et en même temps il y a comme une distance, celle induite par son regard de femme en sursis, qui attend de voir si elle vivra, si la douleur passera, ou si elle pourra se dissoudre dans ce lieu en marge, cette décharge.
L'auteur nous emmène au coeur de la société albanaise sans jamais nous perdre, expliquant avec clarté les faits et illustrant la situation avec des personnages qui luttent pour s'en sortir dans ce pays pauvre et gangrené, sans toutefois renoncer à nous offrir une évocation poétique de ces vies en sursis.

C'était une belle lecture, où la fatalité n'étouffe jamais totalement l'espoir, et je suis contente d'avoir pu découvrir ce livre.

Philippe Cuisset est membre du groupe @les_vagabonds_reims
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Tout cette asphyxie pourrait encore s'accommoder d'une histoire simple entre un homme et une femme. Cela pourrait même être bien. Ce serait une vie, malgré tout ; une petite vie, au cœur d'un désert où ne vibrent sous le vent d'ouest que les filaments de plastique et les résidus d'étoffe.
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Perdre conscience, au moins pour cette nuit, c'est tout ce qu'elle souhaite. Distraite un instant par un vol de mouettes au-dessus d'un monticule d'ordures, elle se prend à rêver. Cela doit être agréable de se promener sur les plages si proches, respirer l'air marin, profiter des étendues bleues, la tête vide et le ventre plein.
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Elle a adopté cette philosophie désabusée comme une sorte de religion parallèle. Destin et Dieu se renvoient la balle depuis une éternité et les allers-retours qu’elle effectue dans cette vieille boîte de conserve brinquebalante ne disent rien d’autre que cela : la vie d’une femme en Albanie ricoche d’un mur à l’autre jusqu’à la désagrégation totale. Dans ces conditions, il est hélas évident qu’une pauvre bouteille d’eau de montagne, aussi pure soit-elle, ne pourra jamais expulser toutes les poussières avalées le long du chemin.
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Le chauffeur actionne le mécanisme pour remettre la benne à l’horizontale et redémarre vers le port de Durrës. Quelle idée peut-il se faire de ces gens qui viennent de se jeter sur sa cargaison comme s’il s’agissait d’offrandes ou de gourmandises rares ? Les voit-il encore comme des humains ? Imagine-t-il qu’il partage avec eux la même terre, la même langue et les mêmes nécessités ? Coupé du monde par la morale, l’histoire et la géographie, le cercle des recycleurs s’est refermé sur lui-même. L’inévitable mépris de la société les a relégués tels d’infatigables insectes, sur cette bande de terre boueuse et nauséabonde, coincée entre le complexe industriel et les luxueux hôtels pour touristes. Seuls les chiens errants, le bétail à l’abandon et les employeurs mafieux les côtoient encore. Le reste de la population sait que d’infranchissables frontières ont été tracées, invisibles mais bien plus efficaces que des murailles garnies de barbelés.
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Personne ne lui prête attention, ce n’est pas qu’elle se sente délaissée, mais d’être ainsi adoptée par ces gens la surprend. Il y a peut-être un peuple entier de déracinés dans ce pays, ils sont maudits et ballotés de-ci de-là, au gré des drames banals et des vengeances tenaces. Artan, Xhan, Ali et les autres s’y sont habitués. Ils constituent pourtant, eux aussi, le corps de ce peuple fantôme.
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