Un roman fin et subtil comme je les aime. Juliet, Solly, Christine, Maisie ou encore Maggie vivent dans une banlieue cossue de Londres. Ces femmes ont tout pour être heureuses. de l'argent, une belle maison, de beaux enfants…Bref, toutes les cases pourraient être cochées. Et pourtant, malgré leurs situations, plus qu'envieuses (d'apparence),
elles n'échappent pas à une des caractéristiques principales de la nature humaine : l'insatisfaction. Chronique serais-je tentée d'ajouter.
C'est avec un immense plaisir que pour la seconde fois (j'avais lu ce roman peu après sa sortie) je retrouve la plume aiguisée, souvent tranchante, de
Rachel Cusk et l'atmosphère lourde, parfois suffocante (malgré la pluie qui ne cesse de tomber de la première à la dernière page) de
Arlington Park. Plusieurs soirs de suite, une fois la maison silencieuse, je n'eus qu'une hâte : celle de retrouver les habitantes de
Arlington Park et de leur accorder toute mon attention, me laissant aller à leurs confidences. J'appréhendais un peu cette relecture. Ce roman que j'avais adoré, me ferait -il le même effet pratiquement dix ans plus tard ? Avec
les années, on évolue. La perspective que nous avons des choses perdure-t-elle ? Personnellement, je ne le pense pas. Néanmoins, c'est avec un plaisir inchangé que j'ai partagé vingt quatre heures de la vie de ces femmes qui divulguent les plus profondes et les plus personn
elles de leurs pensées et ce, sans détour :
» Eh bien, dit-elle, espérons que vous ne finirez pas comme ça.
– Pas question ! cracha Sara. Aucune chance. Je n'aurai pas d'enfants. Je vivrai seule. Et je ne me marierai jamais. le mariage est l'autre nom de la haine.
Eh bien voilà, pensa Juliet. »
L'aliénation domestique et conjugale est un thème que j'affectionne en littérature. Tout d'abord, parce que celui-ci concerne beaucoup de femmes mais aussi et surtout parce que, et ce bien que nous soyons au 21ème siècle, il est toujours tabou !
Arlington Park en est la parfaite illustration et
Rachel Cusk, l'excellente ambassadrice. J'ai senti du
Virginia Woolf dans cette auteure contemporaine.
Beaucoup ont trouvé ce livre plat. Sans histoire. Je partage leur avis sur ce dernier point : ce livre est sans réelle histoire. Tisser une histoire autour de personnes sans histoires, les mettre à nue, plonger dans leur intimité, montrer leur fragilité, leur exaspération, leurs peurs, leurs doutes…A mes yeux, ce sont de fantastiques histoires que c
elles de ces femmes au foyer…désespérées, on doit bien le dire, immobilisées dans leur solitude et leur chagrin. Mais, si
elles sont malheureuses, après tout,
elles n'ont qu'à prendre leur vie en main me direz-vous ?
Observez Juliet, Solly, Christine, Maisie ou encore Maggie et vous en arriverez peut-être à la conclusion qu'il n'est pas si facile de mettre un terme au sacrifice de soi. Ce roman très noir est aussi très réaliste. Cliché également ? Je répondrais par l'affirmative si je pouvais ajouter « alors la vie l'est aussi »…