Ces nouvelles ne m'ont pas laissé de grands souvenirs.
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Au fond du long couloir blanc m'attend l'homme en blanc. Comment dépensez-vous votre argent ? Jalousiez-vous vos frères et soeurs ? Parlez-moi de vos parents. Collectionnez-vous les objets ? Vous souvenez-vous de cette nuit de septembre ? Et, dans ce dessin, quel motif ? Allongez ce trait, poursuivez-le... Que vous évoquent ces teintes ?
La plume me tombe des mains, je voudrais qu'il se taise et m'endormir enfin ; je ferme les yeux, la tête entre mes coudes - un étau -, je me balance doucement d'arrière en avant. Je voudrais mourir, ça me rassurerait ; il ne pourrait rien m'arriver de pire, au moins je dormirais.
Plus tard je reverrai l'homme en blanc ; je suis seule au milieu d'eux qui me jugent, fixant le sol obstinément. Les mains sur les genoux j'erre ailleurs, en montagne, et je dois toujours avancer plus haut, j'ai soif et mal au coeur, la montée n'en finit pas, derrière chaque sommet se cache un autre sommet, je n'arriverai jamais. Je voudrais me lever, partir, je n'aime pas leurs yeux posés sur moi, leur ennui d'être là, cette voix venue de loin, ces mots indistincts : carences affectives... ego narcissique... intenable culpabilité... solitude... abandonnique... Et cet homme en gris le stylo à la main, je lirai ces mots le lendemain matin : drame passionnel... crime de la jalousie... Ces tirades éculées bonnes à jeter, je n'y comprends rien. Jalousie, passion... Qui connaît ces émotions ,
J'avais étudié ces cas de névrosés qui, comme des oignons, révèlent une part d'eux-mêmes soigneusement scellée : sous le déprimé se cache une victime, et derrière la victime un être en colère, ou violent. Mais par-delà la violence ?
Ainsi la recherche est sans fin mais je creusais toujours, espérant la solution de facilité, la raison suprême à tous nos actes, une fois dépecé l'être psychique. Et j'espérais trouver la poupée ronde et menue, celle qui ne recèle plus aucun mystère et sur laquelle on tombe un peu déçu, puisqu'elle ne camoufle plus rien.
Le chant de l'oiseau célèbre la joie issue de la tristesse, la splendeur née des mondes anéantis, dévastés, la pureté retrouvée après la traversée du marécage. Ainsi le chant de l'oiseau vous réconcilie avec vous-même, dans sa poignante beauté.
Le clair matin se lève au trou noir de mes insomnies : piégée ! Je me débats, engluée dans une toile immonde, or l'araignée c'est moi-même.
Prix des lecteurs 2019: Anne-Claire Decorvet