Les éditions Cairn rééditent à l'usage des pyrénéistes et des bibliophiles ce court texte dont moins de dix exemplaires étaient connus.
Le récit est intéressant mais pas indispensable, il est difficile de s'imaginer à le lire la difficulté et l'audace de cette ascension que tous ne peuvent pas faire aujourd'hui.
Une chose au moins est toujours d'actualité : la joie de la course réussie et la fraternité des hommes redescendus, une fois tout danger écarté.
Donc cette lecture est un peu plus qu'un devoir de mémoire envers ceux qui nous ont ouverte la porte de la montagne.
Commenter  J’apprécie         51
Je voulus essayer de me pencher sur le côté, en me soutenant d'une main, pour me dérober la vue du précipice, et diminuer la force de chute, en cas d'accident ; mais je faisais une mauvaise manœuvre ; il fallait surtout éviter de glisser, et, pour cela, marcher d'aplomb et appuyer fortement les pieds pour s'assurer dans la neige ; aussi perdis-je l'équilibre presqu'au premier pas : je tombai m, mais heureusement le plancher ne s'éboula pas ; je fis un trou et me relevai aussitôt. J'éprouvai dans ce moment un frisson et sentis une sueur froide couler sur tout mon corps. Mon guide se retourne au bruit de ma chute, et me gourmande : "F.., me dit-il, dans son style ordinaire, si vous avez peur vous êtes mort ; du courage et nous nous tirerons de partout".
il dit que, se regardant comme responsable de moi, il lui semblait déjà entendre les habitants de la contrée lui demander compte du voyageur qui s'était confié à sa garde. "Allez monsieur, encore une fois je suis trop content de vous voir au lieu où nous sommes à présent"; et dans le même instant nous nous embrassons avec une effusion de cœur que sentiront ceux qui savent apprécier de telles circonstances.
Cet abîme, vu du sommet, est peut-être une des plus belles horreurs qui soient dans la nature.